POINT DE VUE

Collier cervical: les infirmières peuvent-elles le retirer de façon sécuritaire?

Dr Dominique Savary

Auteurs et déclarations

2 avril 2019

Le blog du Dr Dominique Savary – urgentiste, réanimateur

TRANSCRIPTION

Bonjour, je vous retrouve aujourd'hui pour tenter de répondre à la question :

Est-ce qu'une infirmière d'accueil et d'orientation au niveau des urgences d'un hôpital, peut, de façon sécuritaire, retirer un collier cervical sur un patient qui se présente avec un traumatisme cervical fermé en appliquant la règle du Canadian C-Spine Rule?

Pour ceci, nous allons explorer le papier de Ian Stiell, sorti dans Annals of Emergency Medicine[1] fin 2018.

Les traumatismes cervicaux sont fréquents et la pose d'un collier cervical est la règle de prescription pour les secouristes ; même si cet élément est fréquent, l'incidence des lésions anatomiques est relativement réduite. Il existe deux règles prédictives qui permettent de réduire le nombre de clichés radiographiques, de réduire bien sûr les coûts, et de réduire la durée de passage des patients aux urgences : ce sont les règles du NEXUS et cette fameuse règle du Canadian C-Spine Rule . Lorsqu'un patient se présente à l'urgence, une fracture cervicale peut être exclue sans examen radiologique si le patient ne présente pas de douleur à la palpation de la ligne médiane cervicale postérieure, de déficit neurologique focal, un Glasgow inférieur à 15 ou une désorientation, des signes d'intoxication et une autre douleur susceptible de masquer la douleur cervicale. Ces critères, qui ont été validés chez l'adulte, l'ont été ultérieurement pour des populations pédiatriques de 2 à 17 ans et pour des populations gériatriques de plus de 65 ans.

Description de l'étude

Pour réaliser cette étude prospective de cohorte multicentrique, dans un premier temps les auteurs ont formé l'ensemble des infirmières d'accueil et d'orientation de neuf hôpitaux universitaires de l'Ontario, au Canada. La formation était d'une durée de trois heures, avec une partie vidéo et e-learning, et l'autre partie sur une évaluation directement sur des patients avant de débuter le recrutement.

Les patients ont été recrutés de façon continue pendant 30 mois et pour être inclus ils devaient avoir un score de Glasgow supérieur à 15 en tout temps, des signes vitaux stables (c'est-à-dire une tension artérielle systolique supérieure à 90mm Hg, une fréquence respiratoire entre 10 et 24 et un traumatisme survenu dans les 48 heures qui précédaient la présentation à l'urgence). Pour être exclus, il fallait que les patients soient mineurs, c'est-à-dire 16 ans ou moins. Les patients qui avaient un traumatisme pénétrant n'étaient pas recrutés, de même que ceux qui avaient une maladie neurologique.

Au total, parmi les 1408 patients recrutés durant la période d'étude, seulement 1,1 % avaient des lésions anatomiques. 47,8 % des patients évalués ont été jugés ne nécessitant pas d'immobilisation par la règle de la Canadian C-Spine Rule, 41,4 % des colliers qui étaient posés ont pu être retirés et zéro lésion significative a été manquée.

Les infirmières indiquent un inconfort avec cette fameuse règle dans seulement 1,3 % des cas et la durée moyenne de séjour à l'urgence a été réduite de 4,9 heures à 3,8 heures pour cette population.

Qu'en penser ?

Ces résultats sont certes très encourageants. Cependant, il est regrettable que dans cette étude nous n'ayons aucun intervalle de confiance qui soit proposé. De plus, nous n'avons aucune idée du temps de triage de ces patients avec un traumatisme cervical fermé. De même, pour les autres patients, nous ne savons pas si cela allongeait le temps de triage et s'il y a eu une influence sur la rétention des ambulances. Et enfin, ni le délai de prise en charge, ni la durée de séjour des autres patients n'est connu. Cette règle canadienne avec ce score prédictif d'absence de lésions traumatiques à la suite d'un traumatisme cervical fermé a été largement évaluée dans la littérature, a été comparée à l'autre règle[2] — NEXUS — et semble un peu meilleure. Donc aujourd'hui, l'auteur qui l'a développée nous propose de l'étendre à l'infirmière d'accueil. Il faudra probablement une étude française qui réponde aux quelques questions en suspens pour pouvoir l'appliquer prochainement dans nos services d'urgence.

Soyez attentifs au devenir de cela et je vous dis à très bientôt sur Medscape.

 

 

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