Münster, Allemagne –Des travaux ont démontré que la maltraitance dans l’enfance est l’un des principaux facteurs de risque de dépression sévère, mais aussi de rechute et de chronicisation de ces dépressions.
Des études suggèrent, par ailleurs, une association entre traumatismes précoces et altérations fonctionnelles et structurelles du cerveau notamment dans la région de l’hippocampe (substance blanche). Ces modifications sont observables dans plusieurs régions du cerveau, notamment celles régissant les émotions.
Mais jusqu’à présent, aucune étude n’avait établi de lien direct entre souffrances infantiles, structures cérébrales et évolution de dépressions sévères. C’est aujourd’hui chose faite avec cette étude allemande publiée dans The Lancet Psychiatry[1].
Un lien entre souffrances infantiles, structures cérébrales et dépression
Dans cette étude, des patients, âgés de 18 à 60 ans, ont été recrutés dans le département de psychiatrie de l’université de Münster (Allemagne). Tous avaient eu un diagnostic de dépression clinique. La sévérité de leurs symptômes a été évaluée via des questionnaires et des entretiens à l'entrée dans l'étude et après deux ans de suivi.
Les chercheurs disposaient à l’inclusion dans l’étude des évaluations cliniques des patients, des IRM et des données de questionnaires faisant état de maltraitances subies dans l’enfance. Leur rechute, ou non, a été évaluée lors d’un entretien à l’issue d’une période de deux ans.
À noter que les patients présentant des antécédents de maladie neurologique, attaque cérébrale, traumatisme crânien…) ou systémique (cancer, maladie auto-immune, diabète…) ont été exclus de l’étude.
110 patients ont ainsi été inclus dans ce suivi. 75 d’entre eux ont déclaré une rechute dans l’intervalle de deux ans (un épisode supplémentaire chez 48 patients, deux épisodes chez 7 patients, trois épisodes chez 6 patients, 14 patients en dépression chronique). 35 n’ont pas rechuté.
Il ressort des analyses, qu'une maltraitance infantile est associée à un taux accru de rechute (RR = 1,035, [IC95% : 1,001-1,070, p = 0,045]).
Aussi, la maltraitance pendant l'enfance et les rechutes dépressives sont associées à un rétrécissement similaire de la surface de l'aire corticale (RR=0,996, IC 95% 0,994 à0,999, p=0,001), principalement au niveau du cortex insulaire, une partie du cerveau qui joue un rôle dans la régulation des émotions et de la conscience de soi (p=0,023).
La maltraitance, en lésant le cortex insulaire augmenterait donc directement les risques de dépression sévère.
"Nos résultats renforcent l'idée selon laquelle les patients atteints de dépression clinique qui ont été maltraités dans leur enfance sont cliniquement distincts des patients non-maltraités portant le même diagnostic", indique le Dr Nils Opel (University of Münster, Allemagne), auteur de ces travaux, dans un communiqué de presse[2].
"Etant donné l’impact du cortex insulaire sur les fonctions cérébrales telles que la conscience émotionnelle, il est possible que les changements observés rendent les patients moins sensibles aux traitements conventionnels", ajoute-t-il.
"De futures recherches psychiatriques devraient donc explorer la manière dont nos résultats pourraient être traduits en une attention, des soins et un traitement particuliers, susceptibles d'améliorer l'état des patients".
Prévenir la maltraitance

Dr Marie-Laure Paillère-Martinot
« Des études ont montré aussi que les événements de vie difficiles dans l’enfance ont un effet sur la maturation du cerveau. Et cela est vrai pour toutes les formes de maltraitance : négligence, violences, abus sexuels, mais aussi harcèlement à l’école. Nous avons observé une diminution de volume des noyaux caudés et du putamen. Ici, chez des adultes, on voit une chronicisation des symptômes dépressifs. Et c’est l’insula qui est pointée, une région du cerveau impliquée dans l’intégration somatosensorielle et le sentiment du soi », acommenté le Dr Marie-Laure Paillère-Martinot, pédopsychiatre et chercheuse à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière (AP-HP, Paris) pour Medscape édition française.
Une des principales implications de cette étude est donc de souligner l’importance de la prévention de la maltraitance infantile : « il faut être très vigilant, sensibiliser les pédiatres, les médecins généralistes sur les conséquences de ces maltraitances, et apprendre à accompagner positivement les parents. Il y a beaucoup de travail à faire »,ajoute le Dr Paillère-Martinot.
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Citer cet article: Un lien entre maltraitance infantile, altérations cérébrales et dépression - Medscape - 2 avr 2019.
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