Etats-Unis – Le premier antidépresseur spécifique à la dépression du post-partum a été autorisé aux Etats-Unis. La Food and Drug Administration (FDA) vient en effet d'accorder une AMM à la brexanolone administrée par injection (Zulresso®, Sage Therapeutics)[1]. Le mécanisme d'action du médicament diffère des antidépresseurs traditionnels puisqu'il agit sur des récepteurs hormonaux.
« Lors d'une dépression post-partum, les patientes sont en souffrance, le développement psychomoteur du bébé peut être altéré, le couple est abîmé et la reprise du travail compromise », rappelle la Dr Anne-Laure Sutter, psychiatre, responsable du réseau de psychiatrie périnatale, Centre Hospitalier Charles Perrens à Bordeaux.
«La dépression post-partum touche 15 % des femmes en France. Certaines d'entre elles répondent aux antidépresseurs. Mais ce n'est pas la majorité », poursuit-elle tout en précisant qu' « aujourd'hui, on a des traitements symptomatiques : si une femme ne dort pas, on lui donne des somnifères. Nous prescrivons aussi des anxiolytiques et des antipsychotiques à faible dose. Mais nous ne disposons pas de traitement de fond qui pourrait soulager nos patientes.»
« C'est pourquoi on ne peut que soutenir ce nouvel axe dessiné par l'arrivée de la brexanolone », considère Anne-Laure Sutter.
Le cerveau des femmes modifié par la grossesse
La brexanolone est chimiquement identique à l'alloprégnanolone endogène, une hormone qui provient du métabolisme de la progestérone et qui chute après la grossesse. L’alloprégnanolone agit comme un modulateur allostérique positif des récepteurs GABA A (gamma-aminobutyric acid-A) que l'on sait dérégulés pendant la période du post-partum. Des études récentes ont montré qu'elle exerçait un effet anxiolytique au niveau central.
«On commence à comprendre que le contexte cérébral est modifié après une grossesse. La substance grise est totalement réorganisée pendant les deux ans qui suivent une grossesse, probablement à cause des hormones », explique le Dr Sutter.
La spécialiste considère que l'un des points forts de la mise au point d’un médicament semblable à l'alloprégnanolone a été le fait d'élaborer de bons modèles animaux pour la dépression post-partum, c'est-à-dire avec une imprégnation hormonale particulière.
Une thérapeutique de rupture mais des risques qui incitent à la prudence
Administré sous surveillance médicale, le médicament est perfusé de façon continue pendant 60 heures, soit deux jours et demie.
Dans deux essais contrôlés contre placebo, l'un avec des patientes présentant une dépression du post-partum sévère, l'autre ayant inclus des patientes avec une dépression du post-partum modérée, la brexanolone a démontré sa supériorité dans l'amélioration des symptômes dépressifs[2].
La brexanolone est considérée par la FDA comme une « thérapeutique de rupture ».
Ceci dit, la FDA a assorti son autorisation d'une mesure d'évaluation des risques (Risk Evaluation and Mitigation Strategy- REMS) dans la mesure où l'administration de la brexanolone n'est pas dépourvue de risque. La notice de la brexanolone sera d’ailleurs accompagnée d’un avertissement.
Les principaux effets indésirables associés au produit sont la somnolence, la sécheresse buccale, la perte de conscience et les rougissements.
« Etant donné les inquiétudes concernant des risques graves, notamment une sédation excessive et des pertes de conscience pendant l'administration, Zulresso a été approuvée avec une REMS et est seulement disponible pour des patientes (…) pour lesquelles il est possible d'avoir dans des structures médicales certifiées une surveillance étroite », a indiqué le Dr Tiffany Farchione, directrice de la division des produits psychiatriques au sein du Centre d'évaluation des médicaments et de recherche de la FDA. L’agence précise également que les patientes ne devraient pas conduire, manipuler des machines ou avoir d’autres activités dangereuses tant qu’elles ne sentent pas que la somnolence a définitivement disparu.
La surveillance du niveau d'oxygène doit être réalisée avec un oxymètre de pouls pendant les 60 heures de perfusion. Pendant cette même période, les patientes doivent être accompagnées lors des interactions avec leurs enfants.
La FDA recommande aux médecins d'interrompre la perfusion en cas d'aggravation des symptômes dépressifs et en cas d'idées ou de comportements suicidaires.
« L'approche est bonne mais pour l'instant le mode d'administration invasif et les risques incitent à la prudence. Je ne sais pas qui s'engagerait dans ce protocole : un service de psychiatrie ? La maternité ? », commente Anne-Laure Sutter, qui ne pense pas que le médicament soit autorisé en France avant plusieurs années.
Actualités Medscape © 2019 WebMD, LLC
Citer cet article: LA FDA autorise un antidépresseur réservé à la dépression du post-partum - Medscape - 29 mars 2019.
Commenter