La Nouvelle Orleans, Etats-Unis – Quel traitement antithrombotique optimal chez un patient souffrant aussi de fibrillation auriculaire après un SCA ou ayant été stenté ? Faut-il ou non y inclure l’aspirine ? Les résultats de l’étude AUGUSTUS présentés à l’ACC 2019 et publiés simultanément dans le NEJM montrent l’intérêt d’une double thérapie par rapport à une triple thérapie [1]. Ils indiquent que chez ces patients traités par un antagoniste de P2Y12, un régime antithrombotique comprenant de l’apixaban, sans aspirine, se traduit par moins de saignements, et un taux d’hospitalisation moindre – sans incidence sur les événements ischémiques – qu’un traitement comprenant des AVK, de l’aspirine ou les deux.
Dans une vidéo réalisée en direct de l’ACC pour Medscape édition française, le Pr Gilles Montalescot (Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris) évoque un résultat sans surprise en ce qui concerne la supériorité de l’AOD sur l’AVK : « On trouve ce qu’on avait vu dans les autres études, c’est-à-dire qu’en effet, avoir de l’apixaban, dans ce cas-là, par rapport aux antivitamines K réduit les hémorragies considérablement — il n’y a pas de surprise là-dessus ». En ce qui concerne la prolongation de l’aspirine, « la messe est dite » selon le Pr Gabriel Steg (Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris), tout en admettant qu’ « on peut se poser la question de savoir s’il n’y a pas des patients particulièrement à risque chez lesquels on voudrait quand même garder un peu l’aspirine un peu plus longtemps que la phase hospitalière ».
4600 patients sur 492 sites répartis dans 33 pays
On estime qu’un patient sur cinq ayant un syndrome coronaire aigu ou sujet à une angioplastie souffre aussi d’une fibrillation auriculaire (FA). Le choix du traitement antithrombotique est toujours difficile compte tenu de la balance thrombose/hémorragie. Un dilemme d’autant plus délicat que les recommandations des Sociétés Savantes européennes [2]et US [3] sont différentes.
D’où l’intérêt de l’étude clinique internationale AUGUSTUS, prospective, randomisée, selon la méthodologie factorielle de type 2X2, menée par Renato D. Lopes et coll (Duke Clinical Research Institute, Durham, NC) chez des patients ayant une fibrillation auriculaire souffrant d’un infarctus du myocarde (IDM) ou programmés pour une angioplastie coronaire (PCI) [4]. Tous les patients recevaient un inhibiteur du récepteur P2Y12 à l’ADP (anti P2Y12), ici majoritairement le clopidogrel (93%). En moyenne 6 jours après IDM ou ATL, ils ont été répartis en 4 groupes : apixaban (Eliquis, Bristol-Myers Squibb/Pfizer) ou antivitamine K (warfarine) – en ouvert – plus aspirine ou placebo (en double aveugle) et suivis pendant 6 mois. Le critère primaire était la survenue d’hémorragies majeures ou importantes. Les critères secondaires incluaient les décès et hospitalisations, d’une part, et les décès et les accidents ischémiques, d’autre part. L’analyse des critères secondaires a aussi pris en compte chacune de ces composantes prises individuellement.
4600 patients ont été recrutés sur 492 sites répartis dans 33 pays. Tous souffraient d’une FA candidats et étaient à un traitement antithrombotique. Ils avaient, soit présenté un SCA, soit était candidat à une angioplastie. L’ âge moyen était de 71 ans, 30% étaient des femmes, avec des scores CHA²DS²-VASc = 4 et HAS-BLED = 3. Les hémorragies sont évaluées selon l’International Society on Thrombosis and Hemostasis (ISTH). L’essai était sponsorisé par Bristol-Myers Squibb et Pfizer.
Hémorragies moins fréquentes dans le groupe AOD/placebo
Sur le critère primaire, à savoir la survenue d’hémorragies majeures ou importantes, l’apixaban s’est révélé supérieur à l’AVK avec un taux est significativement moindre : 10,5% des patients avec l’anticoagulant oral direct versus 14,7% pour les AVK. A 6 mois, le taux d’événements pour 100 patients/années est en faveur de l’AOD (HR 0,69 ; [IC 95% : 0,58-0,81] ;p<0,001), une hémorragie est évitée chez 24 patients traités par l’AOD.
En ce qui concerne, l’aspirine vs placebo, les accidents hémorragiques sont presque deux fois plus importants avec la première, 16,1% vs 9,0% respectivement (HR 1,89 ; [IC 95% :1,59-2,24] ; p<0,001). A 6 mois, pour 14 patients traités par aspirine, 1 souffrira d’une hémorragie grave.
En tenant compte des différentes possibilités thérapeutique, il s’avère que les hémorragies sont plus fréquentes quand AVK et aspirine étaient présents (18,7%) et moins fréquemment retrouvées avec l’AOD et le placebo (7,3%). Les accidents hémorragiques majeurs ou importants, chez ces patients traités par un anti P2Y12, sont plus importants avec l’aspirine qu’avec l’AOD.
Décès et hospitalisations : avantage significatif à l’association apixaban/placebo
Sur les critères secondaires, il a été observé moins de décès et d’hospitalisations avec l’AOD (23,5%) vs AVK (27,4%). Ramené à 100 patients/années, ce taux est statistiquement en faveur de l’AOD (HR : 0,83 ; [IC 95% 0,74-0,93] ; p=0,002). Une différence qui s’explique par un nombre d’hospitalisations moindre avec l’AOD.
Sur ce critère (décès et hospitalisations), pas de différence, en revanche, entre aspirine et placebo avec, respectivement, des pourcentages de 26,2% et 27,4%.
Là encore, l’incidence cumulée des décès et hospitalisations est la plus faible chez ceux ayant reçu apixaban et placebo (22,0%) comparé à 27,5% chez les patients assignés à l’AVK et l’aspirine.
Décès et accidents ischémiques : même incidence
L’Incidence est similaire au sein du groupe AOD (6,7%) et AVK (7,1%) sur la survenue d’accidents vasculaires cérébraux, infarctus, thrombose de stent, revascularisations. Mais, d’une façon très surprenante, aucune différence significative n’est retrouvée dans la survenue d’accidents ischémiques entre l’aspirine (6,5%) et le placebo (7,3%).
Moins d’accidents hémorragiques avec l’apixaban sans risque ischémique majoré
Chez ces patients traités par un antagoniste du P2Y12, l’étude AUGUSTUS confirme la sécurité et l’efficacité aux doses recommandées d’un AOD (deux prises de 5 ou 2,5 mg selon les critères du laboratoire) comparé à un AVK (INR 2 à 3) chez les patients ayant une fibrillation auriculaire. De surcroît, le fait de ne pas utiliser l’aspirine ne fait pas courir un risque ischémique supplémentaire chez ces patients ayant eu un IDM ou un stent coronaire la semaine précédente.
« Finalement éviter le traitement par l’aspirine diminue de 47% le risque de saignement sans majorer significativement les événements ischémiques coronariens » Et les auteurs d’ajouter : « Nos résultats suggèrent que le prix à payer pour une diminution significative des hémorragies en évitant l’aspirine est un risque modeste d’événements ischémiques coronariens ».
Une des limites de l’étude, admettent-ils, est le temps passé dans la zone thérapeutique sous AVK : 59% [habituel en pratique courante]. Par ailleurs, AUGUSTUS n’était pas destinée à déterminer les différences entre les événements ischémiques potentiellement importants au plan clinique. Il faut toutefois noter que, dans le groupe placebo, il y a eu près de deux fois plus de thrombose de stent comparé à l’aspirine (non significatif).
En moyenne 15% des patients ont cessé prématurément la médication (17% pour l’aspirine) et 3,7% patients sont décédés.
Un pas important vers la simplification des recommandations européennes ?
Cette étude confirme chez les patients, souffrant d’une FA, à haut risque vasculaire, la sécurité et l’efficacité de l’association de l’apixaban (posologie recommandée) et du clopidogrel : l’association d’un AOD à un seul antiplaquettaire est conforme aux recommandations nord-américaines [n’incluant pas l’aspirine]
Dans un éditorial accompagnant l’article, Shamir R. Mehta (Population Health Research Institute and Department of Medicine, McMaster University and Hamilton Health Sciences, Hamilton, ON, Canada) précise « Les patients ont été enrôlés dans cet essai en moyenne une semaine (voire 2) après l’IDM ou la PCI, période pendant laquelle les patients ont reçu de l’aspirine. Aussi l’effet de l’arrêt très précoce du traitement par l’aspirine est toujours aussi incertain et la prudence est recommandée pendant cette période précoce » [5].
Cependant, si à la lumière de ces données, un AOD peut être recommandé chez les patients ayant une FA qui ont un IDM ou PCI, chaque cas doit être étudié de façon singulière.
« Il est clair que le concept de ‘taille unique’ ne peut pas s’appliquer à tous les patients » conclut S R Mehta.
Peut-être un pas important vers une simplification des recommandations européennes.
L’essai a été sponsorisé par Bristol-Myers Squibb et Pfizer. Les liens d’intérêt des auteurs sont disponibles dans la publication. |
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Citer cet article: Quel traitement antithrombotique optimal après SCA et/ou angioplastie chez des patients ayant une FA ? Les résultats d'AUGUSTUS - Medscape - 20 mars 2019.
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