Suspensions arbitraires de PH : deux syndicats dénoncent des abus de pouvoir

Philippe Anaton

20 février 2019

France -- Les praticiens hospitaliers sont-ils l'objet ces derniers temps de sanctions disciplinaires abusives ? C'est, en tout cas, ce que dénoncent courageusement deux syndicats, Action praticiens hôpital (qui regroupe les intersyndicales Avenir hospitalier et la Confédération des praticiens des hôpitaux) et Jeunes médecins. Dans un récent communiqué intitulé « Les suspensions abusives de PH : quand l’arbitraire confine au sabotage », les deux syndicats dénoncent en effet une multiplication irraisonnée, ces dernières années, du nombre de suspensions de praticiens hospitaliers, par les directions hospitalières, sans motifs professionnels avérés. Ils accusent, en clair, les directeurs d’hôpitaux de « régler leur compte à des collègues qui ne se soumettent pas à leur bon vouloir ». Pour exemple, Action praticiens hôpital et Jeunes médecins citent le CHU de la Réunion où « cette procédure est devenue un sport habituel, le DG ne prenant même plus la peine de fournir un motif vraisemblable de suspension ! ». Les syndicats citent aussi les cas de Brest, où un PH a été suspendu après avoir déclenché une grève pour obliger au respect des textes en vigueur, de Voiron, de Bordeaux, où un service entier de médecine légale a été démantelé.

« Ces suspensions humiliantes sont dans nombre de cas la sanction d’une dénonciation d’abus de gouvernance ou d’un refus d’une orientation prise par une direction pour des motifs financiers au mépris de la santé des patients et des soignants », écrivent les syndicats.

Au CHU de la Réunion, la procédure est devenue un sport habituel, le DG ne prenant même plus la peine de fournir un motif vraisemblable de suspension ! 

Par exemple, dénoncer une rupture de confidentialité

Le cas le plus emblématique reste celui de Saint-Malo où le Dr Jean-Jacques Tanquerel, médecin responsable du Département d’Informations Médicales (DIM), qui avait dénoncé une rupture de confidentialité concernant les données personnelles de santé des patients, à l'occasion de la délégation à une société privée du codage des actes en 2013 (Voir son interview sur YouTube). La commission nationale informatique et liberté (Cnil) avait mis en demeure le CH de Saint-Malo pour non-respect de la confidentialité des données de santé, et les poursuites engagées par le CH de Saint-Malo avaient été jugées nulles en 2014. Le Dr Tanquerel, authentique lanceur d'alerte, a pour sa part été suspendu de ses fonctions dans le DIM. Pourtant un décret publié le 26 décembre 2018 encadre désormais l'accès aux dossiers médicaux des patients au bénéfice des prestataires extérieurs.

Selon le Dr Renaud Péquignot, président d'Avenir Hospitalier, le nombre de suspensions abusives augmente drastiquement depuis plus d'une année. Il en dénombre une quarantaine depuis 18 mois, a-t-il affirmé à l'agence de presse médicale (APM). Des chiffres corroborés par le dernier rapport d'activité du centre national de gestion (CNG) datant de 2017. Cette année le CNG comptabilisait 31 suspensions principalement en chirurgie (32%) et en médecine (39%). Ce nombre de suspensions, selon le CNG, reste très faible au regard des effectifs, soit 0,8%. Les hommes sont plus touchés que les femmes (85%), plus souvent dans les centres hospitaliers (84%) que dans les CHRU. Le motif invoqué pour ces suspensions tient au comportement du PH (63%).

Situations humiliantes, stigmatisation et sabotage

Le type de suspension invoqué par les deux syndicats est la suspension d'urgence, qui n'est pas une suspension disciplinaire et n'est pas délimitée dans le temps. « Ces suspensions humiliantes sont dans nombre de cas la sanction d’une dénonciation d’abus de gouvernance ou d’un refus d’une orientation prise par une direction pour des motifs financiers au mépris de la santé des patients et des soignants », dénoncent les syndicats. « Pour le praticien, elles entraînent une stigmatisation, une perte de revenus puisque seul le traitement de base est poursuivi, et un risque de perte de savoir-faire. Pour notre système de santé, c’est du pur sabotage, car on supprime l’activité tout en continuant à payer un salaire ! ».

Ainsi, les deux syndicats demandent que :

- les suspensions soient limitées dans le temps à trois mois si aucune procédure n'est initiée (conseil de discipline, insuffisance professionnelle ou procédure pénale) pour brider la durée des suspensions arbitraires ;

- les responsables d'une suspension abusive soient sanctionnés.

 

« La loi de Santé, qui doit bientôt être votée, doit absolument inclure cette mesure de justice ! » exigent-ils.

 

Quatre motifs de suspension

Pour la MACSF, il existe quatre motifs de suspension de praticiens hospitaliers.

- la suspension en cas d'urgence, qui n'est pas une mesure disciplinaire. Le directeur d'établissement doit motiver sa décision en invoquant le bon ordre et la discipline à l'intérieur de l'établissement, la nécessité de maintenir la continuité et la permanence des soins. Cette mesure n'est pas limitée dans le temps et seul le directeur du CNG peut y mettre fin.

- la suspension de la permanence des soins : il s'agit là d'une décision disciplinaire pour insuffisance professionnelle.

- la suspension disciplinaire : la durée de cette suspension est de six mois maximum. En pratique, c'est le directeur d'établissement qui est à l'origine de cette mesure. Le PH continue de percevoir ses émoluments.

- la suspension pour insuffisance professionnelle.

 

 

 

 

 

 

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