Marseille, France -- En 50 ans, l’espérance de vie des patients atteints de mucoviscidose (maladie autosomique récessive liée à l’une des 2 000 mutations connues du gène CFTR) est passé de 5 ans à plus de 40 ans grâce à une individualisation du traitement symptomatique et à l’émergence des traitements ciblés. A l’occasion du 23ème Congrès de Pneumologie de Langue Française (CPLF), le Dr Harriet Corvol (Hôpital Trousseau, Paris), a remis en perspective les évolutions thérapeutiques dans cette affection qui résulte d’une altération de la clairance mucocilliaire [1].
D’abord les traitements symptomatiques
« Les premiers traitements qui ont été proposés avaient une visée symptomatique avec une action soit sur le transport ionique altéré, soit sur le mucus anormal soit sur l’inflammation et l’infection. Par ordre chronologique la prise en charge des mucoviscidosiques a fait appel aux enzymes pancréatiques, à la kinésithérapie respiratoire, aux antibiotiques anti-staphylococciques, aux antibiotiques anti Pseudomonas, à la rhDNase, à la tobramycine inhalée, à l’azithromycine et au sérum salé hypertonique », explique le Dr Corvol.
A la suite de l’indentification de la cause génétique de la maladie et de la mise en évidence progressive des 2 000 mutations du gène CFTR, des traitements ciblés ont été proposés. Leur finalité : agir soit sur la protéine défectueuse, soit sur le gène CFTR muté par thérapie génique (ce qui n’est pas encore possible à ce jour).
Agir sur la protéine défectueuse
Ce sont les traitements protéiques qui les premiers ont été proposés en se fondant sur l’analyse des répercussions des mutations du gène CFTR sur la protéine. Ainsi, en Europe, 13% des patients atteints sont porteurs d’une mutation GS24X qui entraine un défaut de production protéique, alors que 87 % sont porteurs d’une délétion FS08 qui est à l’origine d’un défaut de maturation. Les défauts de régulation « mutation gating », les défauts de conductance et l’instabilité de la protéine – mutations dites « modérées » – ne concernent chacun que 3 % des patients.
Actuellement, et depuis 2012, un potentialisateur de la protéine CTFR, l’ivacaftor (Kalydeco® qui majore l’ouverture des canaux) est proposé aux patients atteints de défaut de régulation (3 % des patients). Cette molécule qui améliore la fonction respiratoire, qui diminue le nombre des exacerbations respiratoires, améliore la qualité de vie, majore la prise de poids, diminue le chlore sudoral, le tout sans effet secondaires notable. Cette molécule a effet multi systémique a d’abord été approuvée en cas de mutation G551D puis a été élargie à 8 autres mutations à l’origine de défauts de régulation. Au total, 4 000 patients sont éligibles dans le monde à ce traitement qui est facturé 250 000 euros par an et par patient. Aux Etats-Unis, des pourparlers sont en cours pour étendre l’indication à 29 autres mutations avec fonction résiduelle de CTFR.
Défaut de maturation
Pour les mutations à l’origine d’un défaut de maturation de la protéine – soit 85 % des mutations – des correcteurs et potentialisateurs de CFTR ont déjà été approuvés. C’est le cas de l’association ivacaftor et lumacaftor (Orkambi®) qui peut être prescrite aux Etats-Unis chez des patients de plus de 6 ans homozygotes pour la détection F508, qui concerne dans le monde 30 000 patients, tous âges confondus.
Une nouvelle association a été approuvée par la FDA fin 2018 – ivacaftor-tezacaftor (Symkevi®) – chez les patients porteurs d’une mutation CFTR-F508del associée avec une mutation avec fonction résiduelle de CFTR.
60 % de patients qui pourraient déjà être traités
Va-t-on aller vers un traitement personnalisé pour tous les muvoviscidosiques ? « Peut-être », affirme le Dr Corvol. « A ce jour, 60 % des patients sont porteurs de mutations pour lesquelles un traitement a déjà été proposé : les 46 % de patients atteints de 2 mutations F508del pourraient être traités par ivacaftor associé à du lumacaftor ou du tezacaftor, les 8 % présentant une mutation « gating » pourraient répondre à l’ivacaftor et les 5 % de mutations résiduelles pourraient être prises en charge par ivacaftor seul ou associé à du tezacaftor. Par ailleurs 15 % des patients pourraient à l’avenir bénéficier de traitements en cours d’évaluation (bithérapies ou trithérapies qui restaurent la fonctionnalité du CFTR). Enfin, seul un quart des patients ne pourrait bénéficier d’aucune thérapie ciblée et seraient donc éligibles à une transplantation pulmonaire en cas de destruction de la fonction respiratoire ».
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Citer cet article: Mucoviscidose : place au traitement ciblé - Medscape - 15 févr 2019.
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