La cigarette électronique efficace pour sortir du tabagisme, selon un essai randomisé

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

5 février 2019

Londres, Royaume-Uni La cigarette électronique est plus efficace que les substituts nicotiniques pour arrêter de fumer. Telle est la conclusion d’un essai randomisé anglais, qui a inclus près de 900 volontaires. Néanmoins, la grande majorité de ceux qui ont réussi à stopper le tabac continuent de vapoter au bout d’un an [1].

Selon les résultats de ces travaux, publiés dans le NEJM, le taux d’arrêt du tabac atteint 18% à un an chez les fumeurs qui ont consommé de la nicotine en utilisant la cigarette électronique, soit presque le double par rapport au taux d’arrêt, s’élevant à 9,9% à un an, observé chez ceux ayant recours aux substituts à base de nicotine.

 « Il s’agit d’une étude solide, dont la méthodologie permet d’avoir des conditions proches de la réalité. Les données sont rassurantes. Elles montrent que la cigarette électronique est un bon moyen de sortir du tabagisme et que le vapotage est bien toléré au niveau respiratoire », a commenté le Pr Bertrand Dautzenberg (hôpital la Pitié-Salpêtrière, Paris, France), auprès de Medscape édition française.

Néanmoins, compte tenu de la méthodologie utilisée, « on ne peut pas affirmer que la cigarette électronique fait mieux que les substituts », a nuancé le pneumologue, qui participe, de son côté, à un essai contrôle du même genre (ECSMOKE), tout juste lancé en France.

Des conditions proches de la réalité

Le bénéfice de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique est sujet à controverse, en raison notamment du manque de données solides sur la sécurité et l’efficacité de cette méthode. Si son intérêt a été reconnu au Royaume-Uni, elle n’est pas recommandée en France pour arrêter de fumer. Les autorités préconisent toutefois de ne pas dissuader les plus motivés qui souhaitent y avoir recours.

Ces nouveaux résultats étaient donc très attendus. Pour cet essai randomisé, Peter Hajek (Queen Mary University of London, Royaume-Uni) et son équipe ont recruté 896 adultes, âgés en moyenne de 41 ans, ayant pris contact avec des services de santé publique du Royaume-Uni spécialisés dans l’arrêt du tabac.

Ils ont été randomisés pour se désaccoutumer au tabac en s’aidant, soit d’un ou deux substituts de nicotine au choix (patch, gomme, comprimé à sucer, spray nasal, inhaleur…), soit d’une cigarette électronique rechargeable avec du e-liquide à 18 mg de nicotine/mL. Les participants étaient libres de changer la saveur du e-liquide ou de tester différents substituts.

Le traitement était prévu pour trois mois au plus. Il comprenait un dispositif d’accompagnement similaire à celui proposé par les centres spécialisés. Celui-ci consiste en un entretien individuel hebdomadaire avec un clinicien, pendant un mois minimum, avec test respiratoire pour mesurer le taux de monoxyde de carbone (CO) expiré.

Les participants ont également été contacté par téléphone dans un délai de 26, puis 52 semaines (fin du suivi) pour avoir des informations sur les produits utilisés et évaluer l’arrêt du tabac. Le suivi s’est terminé par une dernière visite pour confirmer l’éventuel sevrage par un test respiratoire.

Moins de manque avec la e-cigarette

Le critère primaire d’évaluation était le taux d’abstinence tabagique à un an. Les participants étaient considérés comme abstinents lorsqu’ils ne déclaraient pas plus de cinq cigarettes consommées au-delà des deux semaines qui ont suivi la date d’arrêt du tabac. Leur taux de CO expiré devait également être à moins de 8 ppm.

A un an, le taux d’abstinence est de 18% chez les volontaires utilisant la cigarette électronique, contre 9,9% chez ceux qui ont recours aux substituts. Par ailleurs, les participants présentant un niveau de monoxyde de carbone réduit de plus de la moitié à la fin du suivi étaient plus nombreux avec la e-cigarette.

Parmi les participants ne fumant plus, 80% continuaient d’utiliser la cigarette électronique à un an, alors que le recours aux substituts nicotiniques s’observait encore seulement chez 9% des participants de l’autre groupe ayant arrêté le tabac. Les auteurs notent que la sensation de manque a été moins souvent rapportée avec la cigarette électronique.

Ils ajoutent toutefois que cette continuité dans l’utilisation de la cigarette électronique est « problématique », compte tenu des risques inconnus à long terme sur la santé. Néanmoins, « l’usage prolongé de la cigarette électronique peut améliorer les symptômes du sevrage, tels que la constipation, les ulcères de la bouche ou le gain de poids ».

L’usage prolongé de la cigarette électronique peut améliorer les symptômes du sevrage, tels que la constipation, les ulcères de la bouche ou le gain de poids  Les auteurs

Trop beau pour être vrai ?

En ce qui concerne les effets indésirables, les nausées étaient plus fréquentes dans le groupe sous substituts (37,9% contre 31,3% avec la cigarette électronique). A l’inverse, le vapotage est associé à un taux d’irritation de la bouche ou de la gorge de 65,3%, contre 51% avec les substituts. Les participants utilisant le dispositif électronique ont également rapporté moins de toux ou d’expectoration en fin de suivi.

En montrant deux fois plus d’abstinence avec le vapotage, « ces résultats me semblent trop beaux pour être vrais », a commenté le Pr Dautzenberg. « S’il y avait une telle différence entre les deux méthodes, on l’aurait constatée en pratique. Je doute que ces résultats soient reproduits dans d’autres études. »

« L’essai montre que la cigarette électronique est efficace dans le sevrage tabagique. C’est une bonne nouvelle. Les symptômes respiratoires diminuent. Il n’y a pas d’effets indésirables notables. Seulement un peu plus d’irritation de la gorge, ce qui reste négligeable, par rapport au tabac ».

En revanche, le pneumologue s’interroge sur le niveau d’efficacité de la méthode. « On peut noter que plus de 80% des participants qui ont utilisé la cigarette électronique continuaient de fumer du tabac au bout d’un an! Le résultat n’est pas si bon. »

Selon lui, la définition du taux d’abstinence à un an ne permet pas de distinguer les éventuelles rechutes. « Le délai est trop long », estime-t-il. La qualité de l’accompagnement, notamment avec les substituts, est également remise en question, compte tenu des résultats obtenus. « Un accompagnement renforcé est nécessaire pour éviter les sensations de manque ».

Plus de 80% des participants qui ont utilisé la cigarette électronique continuaient de fumer du tabac au bout d’un an! Le résultat n’est pas si bon Pr Bertrand Dautzenberg

ECSMOKE: un protocole plus rigoureux

Le Pr Dautzenberg reconnait toutefois que cette étude a le mérite de mettre en pratique des conditions proches de la vie réelle. Ce qui ne permet pas d’obtenir une comparaison fiable entre les deux méthodes. Les auteurs notent d’ailleurs que résultats ont pu être influencés par le fait que les participants soient conscients de la nature du traitement et qu’ils puissent percevoir les substituts comme une option inférieure.

« Les résultats d’une telle étude ne peuvent pas être utilisés pour l’enregistrement de la cigarette électronique comme médicament », a précisé le pneumologue. L’essai français ECSMOKE répondrait davantage à cette démarche. Il prévoit de comparer, en double aveugle, la cigarette électronique à un médicament ayant déjà l’AMM dans l’aide au sevrage tabagique, la varénicline (Champix®, Pfizer) et à un placebo de cigarette électronique.

Les résultats d’une telle étude ne peuvent pas être utilisés pour l’enregistrement de la cigarette électronique comme médicament  Pr Dautzenberg

Dans cet essai, le traitement dure trois mois et le suivi six mois. Le critère primaire d’évaluation est le taux d’abstinence tabagique continu au cours des quatre dernières semaines d’une période de traitement de trois mois. L’arrêt du tabac devra survenir dans les 7 à 15 jours suivant l’inclusion du participant dans l’étude.

« S’il s’avère que la cigarette électronique est non inférieure à la varénicline, cela voudra dire qu’elle fait aussi bien. Elle pourra être considérée comme un médicament, vendue en pharmacie, délivrée sous prescription », avait déclaré l’investigateur principal de cet essai, le Dr Ivan Berlin (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris), auprès de Medscape édition française.

Les résultats d’ECSMOKE ne sont pas attendus avant plusieurs années. D’ici là, la cigarette électronique devrait avoir trouvé sa place dans le sevrage tabagique, probablement en deuxième intention, comme certains le préconisent déjà.

 

 

L’étude a été financée par des fonds publics provenant du National Institute for Health Research (NIHR) et par le centre de recherche Cancer Research UK.

 

 

 

 

 

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