France--Face à l'impuissance des autorités sanitaires à venir à bout de la rupture de stocks d'un médicament anti-parkinsonien, Sinemet® (carbidopa levodopa, MSD France) - indisponible en France depuis septembre dernier - Christian Bochet, dont la femme est atteinte de Parkinson, a décidé de porter plainte devant la Cour européenne des droits de l'homme, rapporte France 3 régions.
Ce retraité de la Somme a fait valoir l’article 2 de la convention européenne des droits de l’homme, celui du « droit à la vie ».
Le septuagénaire explique que sa femme est intolérante aux traitements de substitution. Il a, pour le moment, en parcourant des kilomètres, réussi a constitué une réserve de cinq boites, cinq semaines de stock mais, il s’inquiète de l’avenir.
Rappelons que les médicaments concernés par cette rupture de stock[1], qui devrait durer jusqu'à mars 2019, sont le :
Sinemet 100 mg/10 mg, comprimé,
Sinemet 250 mg/25 mg, comprimé,
Sinemet LP 200 mg/50 mg, comprimé à libération prolongée.
Seule la présentation Sinemet LP 100 mg/25 mg comprimé à libération prolongée semble épargnée, à ce jour, par ces ruptures de stock.
Recommandations de l'ANSM
L'ANSM depuis septembre dernier a publié une série de recommandations tant pour les patients que pour les professionnels de santé.
Pour les patients déjà traités par Sinemet, elle propose de le remplacer par les génériques à base de levodopa/carbidopa (TEVA), ou bien une spécialité à base de levodopa/bensérazide (Modopar® ou ses génériques).
Pour les initiations de traitement, Modopar® ou ses génériques seront prescrits.
Mais l'ANSM ne formule aucune recommandation pour les patients, comme la femme de Christian Bochet, intolérants au générique de TEVA ou au Modopar® et Gé.
Avant que cet époux de patients ne saisisse la Cour européenne des droits de l'homme, le Collectif Parkinson, une association d'usagers, avait porté l'affaire devant le défenseur des droits, Jacques Toubon.
Aussi, le Collectif Parkinson a lancé une pétition sur Change.org, en appelant au président de la République « pour que soit trouvée une réponse urgente à ces problèmes qui mettent en danger les malades et en cause la crédibilité de nos instances politiques ». Au 12 décembre, la pétition avait recueilli plus de 35 000 signatures, et aurait permis selon le Collectif, l'arrivée inopinée d'un arrivage du médicament.
Une pénurie chronique
Pour le Collectif, cette récente pénurie n'est pas exceptionnelle, et se répète depuis 2015, mais surtout en 2017-2018.
« A chaque rupture, nous revenons à des situations dramatiques pour les patients », d'autant que « le générique, fortement sollicité par cette rupture est annoncé également en rupture prochaine », a notamment écrit Didier Robillard, le président du Collectif Parkinson, au défenseur des droits. Une information confirmée par le laboratoire TEVA dans une lettre cet été[2].
Amende contre MSD
Les ruptures de stock de médicaments depuis plusieurs années ont tendance à se multiplier, pour devenir un réel problème sanitaire. La loi de modernisation de notre système de santé consacre d'ailleurs un chapitre aux ruptures de stock des médicaments dont l'intérêt thérapeutique est majeur. Pour ces médicaments, l'industriel est tenu de mettre en place "des plans de gestion des pénuries, afin de prévenir et de pallier toute rupture de stock", stipule l'article 151 de ladite loi.
Or l'entreprise qui fabrique le Sinemet, MSD, n'a pas mis en place de pareils plans de gestion des pénuries et c'est sur la base de cette faute que l'ANSM a infligé à MSD une amende de 348 623 euros.
530 signalements de pénurie : une situation globale préoccupante
Mais, le cas de cet industriel et du Sinemet n’est malheureusement pas isolé.
Une mission d'information du sénat qui a rendu ses conclusions début octobre rappelle que 530 signalements de pénurie ont été faits en 2017 pour des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur pour une durée moyenne de 14 semaines pour ces médicaments, et de 179 jours pour les vaccins. Ces signalements sont dix fois plus nombreux qu'il y a dix ans, rapporte la mission d'informations.
Un Français sur quatre concerné
Selon un sondage effectué cette fois-ci par l'association France Assos santé , un Français sur quatre a déjà été confronté à une pénurie de médicaments.
Cette situation serait due à plusieurs causes : problèmes de production, de distribution, croissance de la demande mondiale, coûts de production trop élevés...
Pour pallier à ces pénuries, la mission d'information a formulé une série de 30 propositions. Constatant que 80% de la production de substances actives est localisée hors de l'union européenne, la mission préconise de revenir à une production hexagonale en favorisant les implantations de sites de production en France grâce à des exonérations fiscales.
Autre proposition : instituer un programme public de production et de distribution de médicaments essentiels confié à la pharmacie centrale des armées, et à l'agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) de l'AP-HP. Sur le plan européen, la mission propose d'activer l'achat groupé de médicaments ou de vaccins par les États membres.
5 médicaments essentiels en ruptures de stocks fréquentes
Outre Sinemet, quatre autres médicaments thérapeutiques essentiels sont très souvent en rupture de stock :
l'anticancéreux Ametycine, introuvable depuis mars 2017 ;
l'antiépileptique Di-Hydan qui avait disparu des pharmacies depuis 2014 et n'est réapparu qu'en mars 2017 ;
l’amoxicilline, l'antibiotique, a connu de nombreuses pénuries entre 2014 et 2018 ;
le vaccin contre l'hépatite B, qui avait disparu entre 2017 et février 2018.
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Citer cet article: Pénurie d’antiparkinsoniens : plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme - Medscape - 29 janv 2019.
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