Remplacement des bioprothèses par TAVI: le «valve-in-valve» se perfectionne

Vincent Richeux

31 janvier 2019

Paris, France Au cours d’une présentation aux Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC2019), le Dr Dominique Himbert (Hôpital Bichat, Paris, AP-HP) est revenu sur les spécificités de la procédure « valve-in-valve », qui semble s’imposer pour remplacer une bioprothèse aortique défaillante [1]. Pour preuve: les fabricants proposent désormais des bioprothèses chirurgicales conçues pour faciliter cette opération.

Avec le vieillissement de la population, « nous allons être de plus en plus confrontés à des dégénérescences de bioprothèses », d’autant plus que l’implantation de ces prothèses est désormais envisagée chez des patients plus jeunes, a commenté le cardiologue. « Un jour ou l’autre, se posera pour eux la question du valve-in-valve ».

La durabilité des prothèses en question

Contrairement aux valves mécaniques, les bioprothèses ont l’inconvénient de se dégrader avec le temps. Dans le cas des bioprothèses implantées par voie transcutanée (TAVI), le recul est encore insuffisant pour se prononcer sur leur durabilité, mais il semble qu’elle soit similaire, du moins à court terme, à celle des prothèses biologiques posées par chirurgie.

C’est ce qu’a notamment démontré l’étude NOTION, après un suivi de plus de cinq ans de patients à bas risque chirurgical, implantés soit par chirurgie, soit par voie transcutanée [2]. Si des cas de dégradation ont été constatés à six ans pour les deux types de valves, la nécessité de réintervenir pour une dégénérescence est restée rare dans les deux groupes.

Il n’empêche, la pose d’une bioprothèse implique désormais d’anticiper un éventuel remplacement, qu’importe la méthode employée pour la poser. Et, le principe du « valve-in-valve » s’est imposé comme le moyen le moins risqué de remplacer une prothèse, en implantant une nouvelle valve TAVI à l’intérieur même de la prothèse défaillante.

L’opération exige, au préalable, un bilan approfondi, afin de « faire la distinction entre une vrai dégénérescence et une thrombose de prothèse », a rappelé le Dr Himbert, qui a insisté sur le rôle fondamental de l’examen par scanner pour mener à bien la procédure. C’est également l’occasion de mesurer le gradient de pression transprothétique.

Le principe du « valve-in-valve » s’est imposé comme le moyen le moins risqué de remplacer une prothèse.

Fracturer la prothèse défaillante ?

Ensuite, il faut mesurer le diamètre interne de la première bioprothèse. Or, pour le moment, seul le diamètre externe est renseigné par le fabricant, précise le praticien. « Il est donc indispensable, pour chaque procédure valve-in-valve, de mesurer soi-même le diamètre interne de la prothèse défaillante par scanner avant de choisir la prothèse de remplacement ».

De ce diamètre dépendent également le choix de la procédure à suivre et son taux de succès. Une étude a, en effet, montré que la pose d’une nouvelle prothèse avec un calibre interne de moins de 21 mm est associée à une mortalité à un an de près de 30%. Pour un diamètre de 25 mm ou plus, la mortalité à un an passe à moins de 10% [2].

En cas de calibre trop petit, les praticiens ont la possibilité de fracturer la prothèse initiale par voie transcutanée, à l’aide d’un ballonnet capable de résister à des pressions élevées. « Il existe un consensus sur la fracture des petites prothèses, dont le diamètre interne est compris entre 17 et 19 mm », précise le cardiologue. « On peut alors insérer une prothèse plus grande et avoir de meilleurs résultats. »

Des études ont d’ailleurs été menées pour connaitre les conditions de fracturation des différents modèles de prothèse. « On a ainsi remarqué que certains modèles sont trop résistants pour être fracturés. » C’est le cas des bioprothèses chirurgicales Trifecta® et Hancock II®.

Il est donc indispensable, pour chaque procédure valve-in-valve, de mesurer soi-même le diamètre interne de la prothèse défaillante Dr Dominique Himbert

Risque d’obstruction coronaire

Concernant la prothèse à insérer, il faut tenir compte des différences entre les valves auto-expandables (CoreValve®), dont les feuillets se déploient, en partie, au-dessus de l’anneau aortique (supra-annulaire), et celles implantées par ballonnet (Sapien®), qui ont davantage un effet « poupée russe » en s’insérant complètement dans l’ancienne valve, réduisant ainsi nettement le calibre final.

« Le gradient de pression transprothétique a tendance à augmenter avec une bioprothèse valve-in-valve posée par ballonnet, alors qu’il apparait plus stable avec une valve auto-déployée », souligne le Dr Himbert. « Les prothèses déployées par ballonnets ne sont pas pour autant contre-indiquées ». Tout dépend, encore une fois, du calibre obtenu en fin d’opération.

Le risque majeur avec la procédure valve-in-valve est l’obstruction des artères coronaires, dont l’entrée se situe au-dessus de l’anneau aortique. Leur obstruction étant associée à une mortalité de 50%, « il faut absolument anticiper cette complication », insiste le cardiologue. Le risque dépend notamment du type de prothèse posé initialement.

De par leur positionnement en supra-annulaire, les valves auto-expandables semblent plus à risque. Mais, il faut surtout se méfier des bioprothèses avec stent, dont les feuillets sont cousues à l’extérieur de l’armature métallique (Mitroflow®, Trifecta®), et de celles sans stent (Freedom®, Freestyle®…), associées à une incidence d’obstruction respectivement de 6 et 4% [3]. La pose d’une nouvelle valve risque en effet d’écraser ou de déplacer les feuillets de la prothèse initiale, qui vont alors fermer l’entrée des artères aortiques.

Le risque d’obstruction coronaire apparait très faible lorsque le valve-in-valve est envisagé sur une bioprothèse dont les feuillets sont cousus à l’intérieur de l’armature métallique (majorité des modèles).

Nouvelles prothèses adaptées

Pour faciliter l’opération, mieux vaut l’anticiper en amont en optant, dès la première implantation, pour une prothèse adaptée au valve-in-valve, souligne le Dr Himbert, qui invite à sensibiliser davantage les chirurgiens sur ce point. « Il faut non seulement choisir des prothèses durables, mais aussi radio-opaques, avec des feuillets posés sur stent, qui ne remontent pas trop au-dessus de l’aorte ».

De leur côté, les fabricants proposent déjà des bioprothèses chirurgicales spécialement adaptées à un futur valve-in-valve (Avalus® de Medtronic et Inspiris Resilia® d’Edwards). « Elles apparaissent extrêmement opaques au scanner et présentent une capacité d’élargissement » sous haute pression, évitant ainsi de passer par une fracturation.

En ce qui concerne la durabilité d’une prothèse valve-in-valve, le recul reste insuffisant. A l’hôpital Bichat, où exerce le cardiologue, le premier patient ayant bénéficié d’un valve-in-valve a reçu une CoreValve® en 2009 (valve auto-exapnsible), après une dégénerescence de bioprothèse. Dix ans plus tard, le patient se porte bien, a indiqué l’intervenant.

Pour faciliter l’opération, mieux vaut l’anticiper en amont en optant, dès la première implantation, pour une prothèse adaptée au valve-in-valve Dr Himbert

Valve-in-valve-in-valve

Se pose désormais la question d’un valve-in-valve-in-valve en cas de nouvelle dégénérescence. « Techniquement, c’est tout à fait envisageable », a affirmé le Dr Himbert, avant de rapporter le cas d’un patient, également pris en charge à l’hôpital Bichat, qui a reçu une troisième valve par TAVI en 2013 (deux CoreValve®, après une première prothèse Freestyle® posée en 2002). Il reste aujourd’hui asymptomatique.

Intervenant à la fin de session en tant que modératrice, le Pr Hélène Eltchaninoff (CHRU de Rouen) s’est toutefois interrogée sur le choix de deux prothèses successives CoreValve®, qui se superposent alors en surpra-annulaire, au-dessus des entrées des artères coronaires. « En cas de lésion coronaire, comment va-t-on faire pour l’atteindre? »

« C’est effectivement un problème », a répondu le Dr Himbert. « Il est possible d’atteindre les artères coronaires à travers les feuillets d’une CoreValve®, mais avec deux CoreValve®, cela devient compliqué». Selon lui, cette difficulté devrait être surmontée avec l’arrivée prochaine de nouvelles prothèses présentant un maillage plus large.

 

 

Le Dr Himbert déclare des activités d'expertise pour Edwards Lifesciences

 

 

 

 

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