Réadaptation cardiaque : comment améliorer la pratique ?

Dr Dany-Michel Marcadet, Dr Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

30 janvier 2019

Enregistré le 21 janvier 2019, à Paris, France

Seulement 30% des patients qui ont eu un infarctus vont suivre un programme de réadaptation cardiaque ? Comment améliorer la pratique ?

(Voir partie 2 : Les défis de la réadaptation cardiaque chez la femme)

TRANSCRIPTION

Dr Jean-Pierre Usdin — Bonjour, je suis le Dr Usdin, cardiologue à Paris et j’ai le grand plaisir d’avoir à mes côtés le Dr Dany Marcadet, cardiologue spécialiste en cardiologie du sport et de réadaptation à la clinique du centre de santé Bernoulli, à Paris. À l’occasion des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC) 2019, il y a eu des sessions très intéressantes où l’on a justement parlé de cette réhabilitation cardiaque…

Je me suis laissé dire qu’il y avait très peu de patients qui participaient à ces réadaptations, donc dans un premier temps, peux-tu nous dire combien il y a de personnes ? Pourquoi n’y a-t-il pas suffisamment de patients qui viennent dans ces réadaptations ? Le sport est pourtant très important, la réhabilitation aussi…

Dr Dany-Michel Marcadet — La première chose effectivement : tout le monde sait que la réadaptation est un excellent traitement pour les patients qui ont eu un accident coronarien — parce que ce sont les patients qui viennent en plus grand nombre en réadaptation — et que 70 % de ces gens, qui ont eu un infarctus par exemple, ne vont pas en réadaptation. Il y a une véritable perte de chance pour eux parce qu’on sait que la réadaptation est classée 1a dans les recommandations. Alors, pourquoi n’y a-t-il que 30 % de ces patients qui sont adressés en réadaptation ?

  • Il y a un travail qui a été fait à Bordeaux et qui montre que, déjà, il y a un défaut de prescription, puisque seulement un patient sur deux a une réadaptation qui est prescrite. Donc défaut des médecins au niveau des hôpitaux, qui n’y pensent pas.

  • La deuxième chose, c’est que parmi les gens à qui on a prescrit la réadaptation, il n’y a que la moitié qui vont y aller… Cela fait une perte de plus en plus importante, c’est pour cela qu’on va se retrouver finalement à 30 %. Et dans les refus des patients qui ne veulent pas y aller, il y a des refus non motivés de l’ordre de 20 % et des refus qui sont liés à des parties pratiques : parce qu’ils habitent trop loin du centre, parce qu’ils ont des obligations familiales ou professionnelles telles qu’ils ne peuvent pas donner ce temps-là à la réadaptation. Or, c’est une véritable perte de chance pour les patients. Je pense qu’il y a beaucoup de travail à faire sur la motivation des patients pour y aller. Si on ne leur explique pas à quoi ça sert et le bénéfice qu’ils peuvent en tirer, ils vont dire « pourquoi je vais aller à 20 km de chez moi dans un centre de réadaptation, alors que je ne suis resté qu’un seul jour à l’hôpital, on m’a posé un stent et je suis sorti ? »

Dr Jean-Pierre Usdin — C’est un point important du problème… qui doit être travaillé sur le temps ; ce n’est effectivement pas quelque chose qu’on peut faire du jour au lendemain. Mais ce qu’il faudrait faire passer comme message auprès des patients, c’est que c’est un médicament comme le fait d’arrêter le tabac ou de prendre une statine.

Dr Dany-Michel Marcadet — Exactement.

Dr Jean-Pierre Usdin — Est-ce que tu penses que le facteur « durée » intervient dans le fait qu’il y a des patients qui ne suivent pas, en tout cas, jusqu’au bout ?

Dr Dany-Michel Marcadet — Aux JESFC, il y a de plus en plus de monde dans les sessions organisées dans le cadre du GERS (Groupe-Exercice-Réadaptation-Sport et Prévention de la Société Française de Cardiologie). Les salles sont de plus en plus pleines, là il n’y avait pas assez de places assises. Cela veut dire que l’intérêt augmente et le travail fait depuis 10-20 ans porte ses fruits. Reste à faire passer, maintenant, ces messages dans la population.

Grâce au relais des médias, on se rend compte que de plus en plus de gens sont sensibles à l’activité physique, à la nutrition, à la lutte antistress. Et c’est très bien parce que cela nous aide, c’est exactement ce que l’on fait dans les centres de réadaptation. En gros, la réadaptation est une espèce de trépied.

  1. Le premier est le reconditionnement physique et l’éducation à l’activité physique – quand je dis éducation à l’activité physique, c’est pour tous les patients qui pensent qu’ils font bien, qui font du marathon, qui courent tous les jours, mais certains le font mal, parce que trop haut ou trop bas. Donc, il y a une éducation à l’activité physique, savoir ce qu’il faut manger avant, s’hydrater, etc.

  2. La deuxième branche du trépied est l’optimisation thérapeutique. C’est l’endroit idéal pour introduire les médicaments qu’on n’a pas pu introduire en phase aiguë, c’est l’adaptation des doses en fonction de la réponse à l’effort, etc. Donc cette optimisation thérapeutique elle est là aussi assez fondamentale. Elle ne sera jamais faite en cabinet, on s’en aperçoit, toutes les études le montrent. Les gens gardent le traitement de sortie de l’hôpital.

  3. Et puis, la troisième branche, qui est extrêmement importante, est l’éducation pour la santé, qui comprend en gros l’éducation thérapeutique — c’est-à-dire pour comprendre les médicaments, c’est quoi ma maladie réellement. Quand vous posez la question aux gens qui arrivent de l’hôpital après un infarctus, ils ne savent pas exactement ce qu’ils ont eu, malgré les explications qu’ils ont reçcues. Parce qu’on sait bien qu’il y a une période réfractaire pendant laquelle on n’entend rien. On est sonné un peu par l’accident…

Dr Jean-Pierre Usdin — Par les informations diverses, aussi…

Dr Dany-Michel Marcadet — … et on a du mal à comprendre ce qu’on a eu et après on rentre dans une période de déni ; donc il faut du temps. Et ce temps-là, il n’y a qu’en réadaptation qu’on pourra l’avoir. Et à côté de l’éducation thérapeutique il y a toutes les autres techniques qui vont gérer les facteurs de risque de la maladie coronaire ou d’aggravation de la maladie coronaire : la dépression, [la nutrition,] le stress, apprendre à gérer son stress – cohérence cardiaque, l’autohypnose, toutes les techniques qu’on a mises au point maintenant, et qui fonctionnent très bien chez les patients.

Dr Jean-Pierre Usdin — Donc le message est : il faut prescrire cette réadaptation à la sortie du patient qui est entré pour une insuffisance cardiaque ou un infarctus du myocarde. Il faut absolument penser à la prescrire et, de notre côté faire le travail en amont pour pouvoir faciliter le travail de nos collègues qui font la réadaptation. Bien expliquer au patient qu’il s’agit d’un médicament et qu’il faut absolument le suivre.

Voir partie 2 : Les défis de la réadaptation cardiaque chez la femme

 

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