Paris, France — L’implantation d’une valve aortique par voie transcutanée (TAVI) sur bicuspidie valvulaire est associée à de meilleurs résultats cliniques avec les bioprothèses de deuxième génération, selon une récente étude, dont les résultats ont été présentés lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC2019) [1].
« Dans l’état actuel des données, la pose d’un TAVI en cas de bicuspidie est toutefois à réserver aux patients inopérables ou à haut risque chirurgical, pas encore à ceux à risque intermédiaire », a souligné l’intervenant, le Dr Thierry Lefèvre (Hôpital Jacques Cartier, Massy). « Le type de valve est à sélectionner à la carte, selon le profil des patients et la morphologie de l’aorte ».
Caractérisée par la fusion de deux valves aortiques, la bicuspidie valvulaire aortique est la plus fréquente des cardiopathies congénitales. Elle concerne 1 à 2% de la population. Chez l’adulte, cette anomalie peut provoquer un anévrisme, une dissection aortique et nécessiter une prise en charge chirurgicale.
Selon la classification la plus utilisée, les biscupidies sont classées en trois types:
- Type 0 ou biscupidie « vraie » (7 à 8% des cas): constitué de deux hémi-valves sans raphé (zone surélevée marquant la fusion entre les deux valves);
- Type 1 (plus de 80% des cas): présence d’un raphé, plus ou moins complet, avec sténose prédominante;
- Type 2 ou valve unicuspide (moins de 5% des cas): présence de deux raphés.
Généralement, la présence d’une bicuspidie aortique est considérée comme une contre-indication pour la pose d’un TAVI. « Et pourtant, rappelons que la première implantation, réalisée en 2002 à Rouen, concernait un patient avec bicuspidie », a souligné le cardiologue.
Il faut dire que les essais cliniques évaluant les TAVI ont systématiquement exclu les patients présentant cette anomalie valvulaire. Ce choix a été justifié notamment par le risque potentiel de fuite valvulaire, d’occlusion coronaire ou encore d’expansion asymétrique de la prothèse au moment de la pose, a précisé le cardiologue.
Bicuspidie non diagnostiquée
Il n’empêche, des bioprothèses ont pu être posées chez des patients avec bicuspidie, parfois même sans que celle-ci ne soit diagnostiquée. C’est ce qu’a notamment révélé une petite étude, à laquelle a participé le Dr Lefèvre, qui a inclus les patients ayant reçu un TAVI à l’hôpital Jacques Cartier (Massy) entre 2006 et 2012 [2].
Parmi les patients inclus, 229 ont d’abord eu un examen par échographie transoesophagienne pour déterminer le diamètre de l’anneau aortique avant la pose de la prothèse, puis ils ont été à nouveau examinés par scanner. Sur les 21 cas de bicuspidie recensés dans ce groupe, « 70% n’avaient pas été diagnostiqués » par échographie.
La moyenne d’âge était de 82 ans. L’étude montre que les patients avec bicuspidie présentent autant de comorbidités que ceux sans malformation. En ce qui concerne le risque de migration de la valve, de régurgitation aortique ou la mortalité à 30 jours, les résultats apparaissent similaires entre les deux groupes.
« Nous avons été surpris par ces résultats. D’une part, parce qu’on s’est rendu compte qu’on traitait des patients avec bicuspidie sans le savoir et, d’autre part, parce que les résultats [après la pose du TAVI] étaient bien meilleurs chez ces patients que ce qu’on attendait », a commenté le Dr Lefèvre.
Faible risque de fuite valvulaire
D’autres études ont été menées pour évaluer la sécurité des valves sur bicuspidie, avec des prothèses de première, mais aussi de dernière génération. La plus significative est une étude conduite par le Dr Sung-Han Yoon (Cedars-Sinai Heart Institute, Los Angeles, Etats-Unis), qui a inclus 5 000 patients porteurs de TAVI, dont 560 avec bicuspidie [3].
Les chercheurs ont comparé les résultats cliniques de 546 de ces patients avec le même nombre de patients ayant un profil similaire, mais sans bicuspidie. Dans l’ensemble, les résultats sont moins satisfaisants en cas de valves bicuspides. Le taux de succès des bioprothèses sur bicuspidie est légèrement inférieur à celui des prothèses sur valves tricuspides (85% vs 91,4%).
Les résultats diffèrent lorsqu’on distingue les valves de première et de deuxième génération. Concernant les premiers modèles de TAVI (Sapien XT®, CoreValve®), le passage à la chirurgie en cas d’échec est plus fréquent chez les patients bicuspides (2,5% vs 0,3%), de même pour l’implantation d’une seconde valve (7,2% vs 2,2%). Le risque de fuite paravalvulaire est aussi plus élevé (15,9% vs 10,3%).
S’agissant des valves de dernière génération (Sapien 3®, CoreValve Evolut R®, Lotus®), les résultats sont nettement meilleurs, autant pour la conversion à la chirurgie (1,3% vs 0%), que pour la nécessité d’implanter une seconde valve (1,3% vs 0,4%) ou pour le risque de fuite valvulaire de grade 2 ou plus (2,7% vs 1,8%).
Probable élargissement des indications
Pour ce qui est de la mortalité à un an, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes dans le cas des valves de nouvelle génération. Elle est même inférieure dans le groupe bicuspide, avec un taux de décès de 4,4% à un an, contre 7,4% dans le groupe tricuspide, « probablement parce que les patients bicuspides étaient mieux sélectionnés », a commenté le Dr Lefèvre.
« Les résultats des valves de deuxième génération sur bicuspidie sont très bons », a commenté le cardiologue. « On manque de données à long terme, notamment sur la durabilité de ces valves et sur le risque potentiel de dégénérescence. Mais, pour l’instant, je n’ai observé aucune dégénérescence. »
A l’avenir, « il est possible que les indications s’élargissent pour poser des TAVI chez des patients avec bicuspidie plus âgés. On va probablement traiter des valves bicuspides chez les patients de plus de 80 ans, même s’ils sont à risque chirurgical intermédiaire. »
Le Pr Thierry Lefèvre a des liens d’intérêts avec Edward et a reçu des honoraires de Boston Scientific, Direct Flow Medical et Simetis. |
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Citer cet article: TAVI sur bicuspidie valvulaire: les nouvelles prothèses ouvrent des perspectives - Medscape - 21 janv 2019.
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