Paris, France – Face au constat d’une prise en charge de l’hypertension qui ne s’améliore pas en France contrairement aux autres pays européens, comme l’a encore confirmé l’étude Esteban[1]en septembre dernier, l’un des multiples leviers serait d’optimiser la mesure la pression artérielle.
La Société Française d’Hypertension (SFHTA) a donc réuni un groupe de travail multidisciplinaire sur ce thème pendant deux ans et publié de nouvelles recommandations en décembre dernier (pdf du texte disponible ici) [2].
Le texte final, qui contient 13 recommandations pratiques, a été présenté aux Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC) 2019[3] et peut se résumer en deux points clés :
- appareils électroniques dans tous les cabinets ;
- tout hypertendu devrait avoir son appareil d’automesure.
Deux grandes orientations qui posent toutefois quelques questions.
Vers l’abandon des appareils non-électroniques
Les quatre premières recommandations du texte concernent les types de tensiomètres à utiliser.
La première recommandation préconise de ne plus utiliser les appareils non-électroniques pour mesurer la pression artérielle (mmHg) que ce soit au cabinet médical ou en dehors. « Nous devons tous, maintenant, avoir des appareils électroniques à notre cabinet », a indiqué le Pr Thierry Denolle (Dinard), Président de la SFHTA, lors de la présentation des recommandations.
Dans certains cas, cependant (extrasystoles, fibrillation auriculaire, prééclampsie, chez l’enfant), l’appareil traditionnel garde une place.
Concernant le type de tensiomètre, il est recommandé d’utiliser ceux qui ont un marquage CE et qui ont été validés (protocoles ESH, AAMI, Universel) (Recommandation 2).
« Le marquage CE est un marquage industriel. Il faut donc dire aux patients qu’il est important qu’il y ait une recommandation métrologique. Il ne faut pas les renvoyer vers les pharmaciens, qui ne connaissent pas forcément. Aussi, comme les patients achètent souvent sur internet, il est primordial de les conseiller », explique l’orateur.
La Recommandation numéro 3 précise également qu’il est déconseillé d’utiliser les tensiomètres au poignet et qu’il faut leur préférer les appareils huméraux. « Même si ces appareils au poignet sont homologués, les mesures dépendent trop de la position du poignet », précise le Pr Denolle.
Enfin, il est préconisé d’avoir au moins trois brassards, un large, un pour les petits bras et le brassard normal. En outre, il ne faut pas mélanger les brassards car l’appareil électronique a été validé avec un brassard donné (Recommandation 4).
Privilégier l’ambulatoire
Une fois l’appareil bien choisi, comment prendre au mieux la pression artérielle du patient ?
Les nouvelles recommandations préconisent de mesurer la pression artérielle en position assise ou couchée après quelques minutes de repos, sans parler et sans avoir fumé. La mesure de la pression artérielle s’effectue initialement aux deux bras pour dépister une asymétrie puis, par la suite, au bras ayant la pression la plus élevée (Recommandation 6). Elle doit être réalisée au moins trois fois à une minute d’intervalle, de préférence avec un appareil avec déclenchement automatique. Au final, la moyenne des deux dernières mesures détermine le niveau de pression artérielle (Recommandation 7).
« Cette recommandation d’effectuer la mesure dans le calme est très difficile à suivre en cabinet, elle demande beaucoup d’organisation. Cela signifie que, théoriquement, la mesure de la pression artérielle ne doit pas être réalisée pendant la consultation », souligne le Pr Denolle.
Les nouvelles recommandations insistent donc fortement sur l’importance de la mesure de l’hypertension en ambulatoire (Recommandation 11).
Il est recommandé de réaliser des mesures hors milieu médical :
- avant de débuter un traitement antihypertenseur ;
- avant de modifier la posologie du traitement antihypertenseur ;
- en cas de suspicion d’HTA résistante pour éliminer un effet blouse blanche ;
- avant une consultation dans le cadre du suivi de l’HTA traitée ;
- dans le suivi des patients ayant une HTA blouse blanche pour dépister l’apparition d’une hypertension permanente.
Soit « tout le temps », souligne l’intervenant.
Préférer l’automesure
Mesurer l’hypertension en ambulatoire, oui mais comment ?
Pour le groupe de travail, pas de doute, cette mesure hors du cabinet doit être réalisée de préférence par automesure (Recommandation 9).
« Il est recommandé de préférer l’automesure à la MAPA. C’est le message le plus important de ces recommandations », indique le Pr Denolle. « Maintenant, il faut que tous nos patients aient un appareil d’automesure », insiste-t-il.
« Cela ne veut pas dire que la MAPA doit être mise au placard, parce qu’elle apporte beaucoup plus de renseignements, mais c’est beaucoup plus compliqué, beaucoup plus onéreux. Elle ne doit donc pas être systématique », a-t-il précisé.
Il est recommandé d’effectuer une MAPA (Recommandation 10) :
- pour poser le diagnostic d’HTA, en l’absence d’automesure ;
- pour évaluer la pression artérielle nocturne (forte valeur pronostique) ;
- en cas de suspicion d’hypotension artérielle ou de grande variabilité ;
- en cas d’HTA non contrôlée par au moins une trithérapie.
Il est recommandé de préférer l’automesure à la MAPA. C’est le message le plus important de ces recommandations Pr Denolle
Comment bien effectuer l’automesure ?
Contrairement aux recommandations européennes, les recommandations françaises préconisent de réaliser l’automesure tensionnelle sur trois jours et non pas sur une semaine. Elle doit s’effectuer après quelques minutes de repos en position assise en effectuant trois mesures le matin au petit déjeuner et le soir avant le coucher à une minute d’intervalle. Si le patient ne peut effectuer l’automesure, il est suggéré de se faire aider par l’entourage selon le même protocole. Une éducation préalable doit être réalisée (Recommandation 8).
Quelques points d’ombre autour du tout « automesure »
Une des problèmes concernant cet objectif « d’automesure pour tous les hypertendus », est le non-remboursement des appareils par l’Assurance Maladie.
« Les diabétiques ont tous leur glucomètre remboursé. Pourquoi, alors qu’il y a 14 millions d’hypertendus en France et qu’ils sont moins chers, les tensiomètres ne sont-ils pas remboursés ? », s’insurge le Président de la SFHTA.
Pour le Pr Denolle, le remboursement est essentiel afin que « tous les hypertendus s’équipent d’un appareil d’automesure et puissent venir systématiquement, en consultation, avec les résultats des trois derniers jours ».
Enfin, une des limites du « tout automesure » a été soulevée par une des participantes à la session qui a souligné que toutes les études cliniques étaient réalisées avec des mesures prises en cabinet. Les cibles tensionnelles à atteindre sont-elles les mêmes lorsque la tension est prise en cabinet ou par automesure ? Cette question reste aujourd’hui sans réponse.
Certains signataires de ce document indiquent avoir des liens d’intérêt avec des industriels qui commercialisent des produits de santé. Ils déclarent avoir réalisé ces recommandations en toute indépendance. La base de données publique Transparence - Santé rend accessible l’ensemble des informations déclarées par les entreprises sur les liens d’intérêts qu’elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé.
Le Dr Thierry Denolle a déclaré les liens financiers suivants : a actuellement, ou a eu au cours des 2 dernières années, une affiliation ou des intérêts financiers ou intérêts de tout ordre avec une société commerciale ou je reçois une rémunération ou des redevances ou des octrois de recherche d'une société commerciale : Soutien à la recherche clinique (MSD, Astra) ; Frais de consultation / Honoraires: Bayer, St Jude, Menarini, Servier, Medtronic, Daiichi Sankyo, Bouchara. |
Hypertension artérielle : un livre blanc pour améliorer la prise en charge
Automesures tensionnelles télétransmises au pharmacien : le rôle clé du coaching
Automesure de la PA: quelles sont les conditions d’efficacité ?
Hypertension artérielle : un livre blanc pour améliorer la prise en charge
Nouvelles propositions de la SFHTA pour améliorer la prise en charge de l’hypertension
Actualités Medscape © 2019
Citer cet article: Mesure de la pression artérielle : nouvelles recommandations, ce qui change - Medscape - 18 janv 2019.
Commenter