Canagliflozine et risque de fracture: données rassurantes mais prudence chez les patients les plus âgés

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

17 janvier 2019

Boston, Etats-Unis Comparativement aux agonistes du GLP-1, l’antidiabétique oral canagliflozine (Invokana®, Janssen) n’est pas associé à davantage de risque de fracture osseuse, du moins chez les patients potentiellement moins vulnérables, selon une large étude rétrospective, portant sur près de 80 000 patients [1]. La vigilance reste de mise chez les plus à risque, notamment les personnes âgées.

« Nos résultats sont encore plus significatifs chez les diabétiques ne présentant pas d’autres facteurs de risque de fracture, comme un âge avancé ou des antécédents de fracture. Ce qui devrait être rassurant pour les patients et les praticiens au moment d’évaluer les risques et les bénéfices potentiels liés à la canagliflozine », soulignent les auteurs de l’étude.

La canagliflozine appartient à la nouvelle classe thérapeutique des inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2 ou gliflozines). Il s’agit de la deuxième molécule de ce type a avoir montré un bénéfice cardiovasculaire dans le traitement du diabète de type 2 (essais CANVAS), après l’empagliflozine (Jardiance®, Boehringer Ingelheim/Lilly) dans EMPA-REG.

Mise en garde de la FDA

Pour rappel, les glifozines ne sont toujours pas disponibles en France. Les dernières recommandations ADA/EASD concernant le traitement du diabète de type 2 ont intégré ces molécules pour les placer en deuxième ou troisième intention, selon le profil des patients, au même titre que les agonistes du GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1), également associés à une baisse du risque cardiovasculaire.

Si les recommandations proposent de privilégier l’empagliflozine parmi les iSGLT2, c’est en partie en raison du profil de sécurité non satisfaisant de la canagliflozine. Les essais CANVAS avaient notamment relevé un risque d’amputation multiplié par deux. Ce risque, non observé avec les autres gliflozines, a depuis été contesté dans une vaste étude observationelle.

Néanmoins, l’antidiabétique restait associé à un sur-risque de fracture osseuse, qui a amené la Food and Drug Administration (FDA) à ajouter une mise en garde spécifique sur la notice du produit, en se basant sur une dizaine d’essais cliniques. L’agence américaine recommande aux médecins d’« évaluer le risque fracturaire des patients » pour éviter des situations problématiques.

Age moyen de 55 ans

Parmi ces essais cliniques, figure l’un des deux essais CANVAS, qui a révélé une hausse du risque de fracture osseuse de 56% chez les patients sous canagliflozine, après 12 semaines de traitement, essentiellement au niveau des membres. Comparativement à l’autre essai CANVAS-R, qui n’a pas rapporté ce sur-risque, les patients étaient plus âgés (en moyenne).

Dans cette nouvelle étude, qui se veut rassurante, le Dr Michael Fralick (Brigham and Women's Hospital, Boston, Etats-Unis) et ses collègues ont mené une analyse à partir de deux grande bases de données de santé américaines, regroupant les informations de plus de 70 millions de patients, pris en charge entre 2013 et 2015.

Ils ont identifié 79 969 patients diabétiques mis sous traitement par canagliflozine. Leurs données ont alors été comparées à celle d’un nombre similaire de diabétiques recevant, quant à eux, un traitement par agonistes du GLP-1. Les patients étaient âgés en moyenne de 55 ans. Un quart d’entre eux étaient également traités par insuline.

« Nous avons choisis une comparaison avec les agonistes du GLP-1. Ceux-ci sont recommandés en seconde ligne, tout comme les inhibiteurs de SGLT2, mais ils ne sont pas associés à un risque accru de fracture », ont commenté les chercheurs, qui précisent par ailleurs que les données concernant d’autres iSGLT2, était trop limitées pour élargir la comparaison.

La population asiatique plus à risque?

Le critère primaire d’évaluation est un composite associant les fractures survenant au niveau du pelvis ou de la hanche nécessitant une intervention chirurgicale, ainsi que celles touchant l’humérus ou les deux os de l’avant-bras (ulna et radius) prises en charge par chirurgie ou traitement conservateur (plâtre ou immobilisation par attelle).

L’analyse montre que l’incidence de ces factures apparait similaire dans les deux groupes. Le taux est de 2,2 événements pour 1000 personnes-années dans le groupe sous canagliflozine, contre 2,3 événements pour 1000 personnes-années sous agonistes du GLP-1.

Ces résultats confirment ceux rapportés par une méta-analyse [2] portant sur plusieurs études ayant inclus une majorité de patients diabétiques de moins de 60 ans mis sous canagliflozine, « ce qui laisse supposer que seuls les patients les plus âgés pourraient avoir un risque accru », commentent les auteurs. Une hypothèse qui expliquerait les différences entre les essais CANVAS.

Les chercheurs soulignent également que la méta-analyse a, malgré tout, révélé un risque deux fois plus élevé chez les patients d’origine asiatique. Or, cette population était davantage représentée dans l’essai CANVAS rapportant un sur-risque. En l’absence d’accès aux données sur l’origine ethnique, cette hypothèse n’a pas pu être testée dans cette nouvelle étude.

Prudence avec les plus âgés

Quoi qu’il soit, « nos résultats ne peuvent pas être généralisées aux personnes âgées ou aux personnes à risque de fracture », précisent les auteurs. La cohorte a effectivement inclus des patients à faible risque de facture. « Nos patients étaient relativement jeunes et nous avons exclus ceux ayant des antécédents de fracture ou d’ostéoporose ».

Dans un éditorial accompagnant l’étude, les Drs William Leslie (Université de Manitoba, Canada) et John Schousboe (Park Nicollet Clinic and HealthPartners Institute, Bloomington, Etats-Unis) ont appelé à la prudence [3]. Bien que les résultats soient rassurants, « ils convient de rester vigilant dans l’utilisation de ce médicament chez les personnes âgées présentant un risque élevé de fracture, en tenant compte de l’état d’hydratation ou du risque de chute ».

« Cette étude apporte à nouveau la preuve qu’il y a peu ou pas de risque associé à l’utilisation de canagliflozine chez les patients diabétiques à faible risque de fracture », poursuivent les éditorialistes. Ils estiment toutefois que d’autres recherches sont nécessaires pour savoir si ces résultats peuvent s’appliquer chez des diabétiques plus à risque.

 

L’étude a été financée par le Brigham and Women's Hospital (Boston, Etats-Unis).

Le Dr Fralick a reçu notamment des fonds de l’université de Toronto (Canada).

Les Drs Leslie et Schousboe n’ont pas rapporté de conflits d’intérêts en lien avec le sujet.

 

 

 

 

 

 

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