France -- La tribune contre les #Fakemed lancée par 124 médecins le 18 mars 2018 a beaucoup fait parlé l'an dernier. Rappelons que ce texte reproduit par Le Figaro s'en prenait de manière véhémente aux médecines dites alternatives, en particulier l'homéopathie, en demandant leur déremboursement notamment. Fin décembre dernier, la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins de Champagne-Ardenne a sanctionné d'un avertissement deux médecins qui avaient signé cette tribune. Motif invoqué pour cette sanction : le « manque de confraternité ». Dans un dernier rebondissement, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a décidé de faire appel de cette décision. Retour sur une polémique qui n’en finit pas.
Dépôt de plainte
Rappelons qu'à la suite de la publication de cette prise de position d'une centaine de médecins contre les médecines alternatives, plusieurs syndicats, dès mars 2018, avaient décidé de déposer plainte.
L'Union collégiale, un syndicat de médecins libéraux, avait déclaré à la presse qu'il comptait porter plainte dans un premier temps contre 10 des 124 signataires de cette tribune. De nombreux autres médecins avaient signé cet appel en utilisant des pseudonymes et ne pouvaient par conséquent être poursuivis.
En mai 2018, c'était le syndicat national des médecins homéopathes de France (SNMHF) qui décidait de déposer plainte devant l'Ordre. Mais, lui rappelait le CNOM, une plainte contre un groupe de personnes n'était pas recevable : à charge pour le syndicat de déposer des plaintes devant chacun des conseils départementaux de l'ordre des médecins dont dépendaient chacun des 124 médecins. Ce qu'a fait le SNMHF, en partie, puisqu'il ne disposait pas de la totalité des identités de ces 124 signataires.
Le Cnom fait appel de la condamnation
Et c'est à la suite de la plainte du SNMHF devant le conseil départemental de l'ordre de Champagne-Ardenne que deux médecins ont été condamnés.
« En raison du caractère agressif et méprisant de ces énonciations, quel qu'en soit le bien fondé, le rédacteur direct de l'article, le médecin poursuivi a méconnu les dispositions du code déontologie relatives au devoir de confraternité », a jugé la chambre disciplinaire du conseil de l'ordre de Champagne-Ardenne.
Mais, contre toute attente, le Conseil national de l'ordre des médecins a décidé de faire appel de cette décision, et de voler au secours des deux médecins condamnés. Un changement de stratégie, puisqu’en mars 2018, le Cnom dans un communiqué avait regretté que « la forme véhémente de l'interpellation publique » de la tribune anti-fakemed, « ait davantage alimenté le buzz médiatique d'un moment qu'une réflexion sereine et argumentée sur le sujet ».
C'est dans un tweet que l'Ordre des médecins a rendu public son appel. « Le CNOM a été notifié dans les formes prescrites de la décision de la CDPI de Champagne-Ardenne. Il rappelle qu’il n’était pas plaignant en l’affaire. Le Président @BouetP va faire appel à titre conservatoire sur cette décision. »

Conflits d’intérêt
Polémique dans la polémique : le Collectif Fakemed avait dénoncé les conflits d'intérêt du Dr Ducreux, assesseur à la chambre disciplinaire de l'ordre de Champagne-Ardenne, mais, par ailleurs président régional de la Société Française de Mésothérapie, enseignant au DIU de mésothérapie à la Pitié-Salpêtrière. Or, le syndicat des mésothérapeutes faisait partie des groupements de médecins qui avaient porté plainte contre 10 des signataires de la tribune anti-fakemed. Juge et partie, il aurait donc dû, selon le Dr Jacques Lucas, du conseil national de l'ordre des médecins, refuser de lui-même de siéger en tant qu'assesseur.
En attendant l’avis de la HAS…
Depuis, de nombreux médecins ont salué cette prise de position du CNOM. A commencer par le collectif Fakemed : « Le CNOM fait appel du jugement défavorable à l'égard de nos 2 consoeurs. Nous saluons le geste du Conseil national qui prend enfin position en faveur d'une médecine rationnelle et d'une justice objective. Il était temps. » Mais aussi des syndicats de médecins, tel l'UFML.
Le débat sur l'homéopathie et son efficacité devrait aussi se tenir hors des cours de justice. En effet, la Haute autorité de santé (HAS) a été chargée en aout dernier d'évaluer l'efficacité des traitements homéopathiques. Elle devrait rendre son rapport en mars 2019. En attendant la remise de ce rapport, la HAS s'exprime sur le sujet, dans un documentaire qui sera diffusé le 15 janvier prochain. Selon l'agence de presse médicale, qui a visionné ce documentaire, la cheffe du service évaluation des médicaments au sein de l'agence, Anne d'Andon, dit pouvoir imaginer de « rembourser un placebo à partir du moment où il a une certaine efficacité, c'est-à-dire qu'il change quelque chose ».
Entre temps, le Collège national des généralistes enseignants s'est positionné, de façon très radicale sur la question, considérant qu'« il est temps de dérembourser les médicaments homéopathiques », souhaitant même qu'elle sorte du champ universitaire parlant de « méthodes ésotériques qui appartiennent à l’histoire et qui aujourd’hui trompent les patients comme encore certains professionnels».Sûr de son fait, le conseil du CNGE considère que « basée sur des principes incohérents, l’homéopathie [n'est] pas plus efficace qu’un placebo ». et, pour lui, « le remboursement à 30% de l’homéopathie repose sur une dérogation ministérielle arbitraire».
De quoi alimenter encore les discussions et les réseaux sociaux en 2019…
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Citer cet article: Tribune anti-homéopathie : l’Ordre vole au secours des deux médecins signataires condamnés - Medscape - 14 janv 2019.
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