Paris, France— Le défenseur des droits, Jacques Toubon, a demandé instamment aux plateformes de rendez-vous en ligne de ne pas reproduire les mentions discriminatoires anti-CMU diffusés par certains médecins[1].
Les plateformes de rendez-vous en ligne, qui ont le vent en poupe, reproduisent les mentions discriminatoires de certains médecins qui ne veulent pas de patients détenteurs de la carte CMU-C, bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS), ou de l'aide médicale d'État (AME). Si la Commission de l'ordre national des médecins sur le refus de soins est passée à côté, cette indélicatesse n'a, en revanche, pas échappé au défenseur des droits, alerté par trois associations, le collectif inter-associatif, la fédération des acteurs de santé (FAS), et Médecins du monde.
Signalements en 2016
L'affaire remonte à 2016, lorsque ces trois associations ont signalé au défenseur des droits ces affichages à caractère discriminatoire sur les plateformes de rendez-vous en ligne.
Une enquête a été menée auprès de deux plateformes, dont Doctolib.
Pour l'une de ces plateformes, constate le défenseur des droits, l'entreprise « et les professionnels de santé n'avaient pas conscience dans un premier temps de leur caractère discriminatoire (des mentions) puisqu'elles ne semblaient pas désavantager les bénéficiaires de ces droits ».
Ces mentions pouvaient être, par exemple : « Apporter la lettre du médecin traitant pour les patients CMU ; CMU acceptés ; les patients bénéficiaires de la CMU ou CMU-C doivent impérativement appeler le secrétariat afin de connaitre la liste des documents à apporter. »
Pour la deuxième plate-forme interrogée, le médecin devait remplir un formulaire qui comportait la question suivante : « acceptez-vous l'AME. Acceptez-vous les CMU ? » Ces questions ont donc été supprimées de ce formulaire, à la demande du défenseur des droits.
« À l’issue de son enquête, le Défenseur des droits constate que le fonctionnement de tous les sites de prise de rendez-vous médicaux en ligne ou de services similaires tels les services infirmiers, est proche des deux situations détaillées ci-dessus. Les problématiques des refus de soins risquent ainsi de se présenter sur d’autres sites de prise de rendez-vous », constate le défenseur des droits.
Recommandations du défenseur des droits
Pour faire face à ces potentiels refus de soins, le défenseur des droits émet une série de recommandations. Outre le rappel de la législation concernant l'interdiction des actes de discrimination, le défenseur des droits préconise de « créer un système de signalement en prévoyant notamment un motif de signalement intitulé "discrimination" ».
À l'endroit de l'assurance maladie, le défenseur des droits demande de faciliter, pour les professionnels de santé, le remboursement des soins des personnes précaires.
Ces mesures pourraient être accompagnées d'un encadrement législatif des plateformes de rendez-vous en ligne.
Reste que ces vœux pieux n'ont pas eu l'heur d'entrainer de changements notables chez certaines entreprises de rendez-vous en ligne, car « le Défenseur des droits a observé que certaines de ces informations et conditions particulières discriminatoires sont restées en ligne sur les profils respectifs parfois pendant presque deux ans avant d’être supprimées des profils des professionnels de santé ».
Dispositions prises par Doctolib
Ce n'est pas le cas de Doctolib, l'une des entreprises visées par cette enquête, qui a pris toute disposition pour éviter sur sa plateforme ces actes de discrimination. La société leader en prise de rendez-vous en ligne a indiqué « avoir mis en place une équipe dédiée à la vérification des fiches de praticiens dès leur création afin de s'assurer de leur légalité ». Par ailleurs, un logiciel de contrôle « parcourt deux fois par semaine les profils en fonction de mots clés paramétrés tels que « CMU, AME, Couverture maladie universelle ».
Certaines mentions, qui paraissaient neutres au premier abord, ont été reformulées par Doctolib. Aussi, la plate-forme offre la possibilité aux usagers de signaler des informations discriminatoires. Dans un communiqué, Doctolib a clarifié sa position : la société condamne « fermement toute discrimination des patients, s'est assuré que tous les praticiens mis en cause avaient bien supprimé toute mention discriminatoire de leur fiche personnelle, travaille avec le défenseur des droits pour éviter toute discrimination ».
Pour les autres plateformes, le défenseur des droits demande à être informé des suites réservées aux recommandations dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision. Il demande aussi aux différents ordres professionnels de publier sur la page d'accueil de leur site « les outils d'information relatifs aux refus de soins produits par le défenseur des droits ». Ce qui n'a pas encore effectué, en particulier sur le site du conseil national de l'ordre des médecins…
Des mentions discriminatoires
Voici quelques unes des mentions qui étaient reproduites sur les plateformes de rendez-vous en ligne, à la demande des médecins :
« À savoir : Les bénéficiaires de la CMU ne sont pas acceptés au cabinet. »
« Bénéficiaires CMU : Pas de rendez-vous (le docteur n'a pas le lecteur de carte). Merci de prendre rendez-vous avec l'Hôpital … »
« Le Docteur n'accepte pas les consultations programmées pour les patients ayant une carte AME »
« Les AME ne sont pas acceptées. »
« Pour les bénéficiaires de la CMU et de l'AME, nous vous remercions de noter qu'il faudra régler la consultation. »
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Citer cet article: Refus de soins : les plateformes de rendez-vous en ligne recadrées - Medscape - 28 déc 2018.
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