Paris, France – La très vaste enquête internationale, dite des «Implant Files»[1,2] menée par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) vient de révéler au grand jour toute l’ampleur du problème lié à la certification des dispositifs médicaux. Elle montre une forte augmentation des incidents liés aux dispositifs médicaux partout dans le monde et l’absence criante de traçabilité des incidents en Europe (voir encadré en fin de texte). Ces nouvelles révélations arrivent alors que la réglementation européenne relative aux dispositifs médicaux doit changer en 2020 avec un renforcement de l’évaluation des dispositifs médicaux avant la mise sur le marché (obligation de réaliser des investigations cliniques) et l’instauration d’un suivi post-marketing[3].
Les limites du système actuel
Cela fait, en réalité, des années, que le système d’homologation des dispositifs médicaux, simple marquage CE, est montré du doigt. En 2012, déjà, le British Medical Journal avait réussi à faire certifier une fausse prothèse de hanche et, la même année, le retrait du marché de la prothèse vaginale Prolift et le scandale des prothèses mammaires PIP défectueuses avaient fait prendre conscience, à plus grande échelle, des failles du processus de validation des dispositifs médicaux (DM). De leur côté, plusieurs sociétés savantes ( EASD , ESC ...) ont alerté, à plusieurs reprises, sur les défauts du système et milité auprès de l’agence européenne du médicament (EMA) pour durcir les critères de certification.
Le principal problème est que les dispositifs médicaux ne sont pas soumis à des règles d’évaluation aussi rigoureuses que les médicaments (AMM). Pour pouvoir être mis sur le marché, les fabricants européens doivent obtenir un marquage CE délivré par un organisme certificateur, dit « organisme notifié » (ON). Il s’agit, en général, d’institutions indépendantes placées sous l'égide des états où les organismes sont situés. Pour obtenir un marquage CE, un fabricant peut choisir de déposer sa demande auprès de n'importe lesquels de ces organismes européens qu'il rémunère pour son expertise. A charge pour l'organisme de s'assurer ensuite que le dispositif répond aux spécifications requises par l’Europe pour obtention d’un marquage CE, un label qui permet au fabricant de commercialiser l'appareil à travers toute l'Europe. Le marquage CE est octroyé pour une durée maximale de 5 ans renouvelable.
Les critiques de ce système sont multiples. Elles concernent notamment :
- l’absence d’évaluation clinique comme pré-requis à la certification, mais aussi de traçabilité des dispositifs et d’obligation de surveillance post-marketing ;
-le flou et le manque de rigueur autour de la désignation et de la supervision des organismes certificateurs ;
- le fait que les organismes notifiés sont en concurrence, ce qui peut être source d'abus par certains d’entre eux prêts à se montrer moins rigoureux pour conserver leurs parts de marché (acceptation de faibles niveaux de preuves, promesse d’attribution du marquage CE avant même consultation du dossier…).
Que prévoit la nouvelle réglementation européenne ?
Pour faire face à ces critiques, il est prévu que la réglementation européenne relative aux dispositifs médicaux change en 2020 avec un renforcement de l’évaluation des dispositifs médicaux avant la mise sur le marché (obligation de réaliser des investigations cliniques) et l’instauration d’un suivi post-marketing[3].
Deux nouveaux règlements, l’un spécifique aux dispositifs médicaux (DM), l’autre aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV) devraient assurer « plus de transparence, faciliter la mise en place d’une gouvernance européenne du secteur des dispositifs médicaux ainsi qu’une meilleure évaluation pré et post mise sur le marché », a annoncé l’ANSM dans un communiqué paru l’année dernière[2].
Cette révision en profondeur va-t-elle réellement changer la donne [4] ? Pour le savoir, Medscape édition française a interrogé Jérôme Peigné, spécialiste du droit des produits de santé (Université Paris-Descartes, Institut Droit et santé, Inserm U1145).
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Citer cet article: Certification des dispositifs médicaux : la nouvelle réglementation va-t-elle vraiment changer la donne ? - Medscape - 14 déc 2018.
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