France -- A compter du 10 décembre 2018 et pour la première fois en France, un préservatif pourra être prescrit et sera remboursé à 100 % par l’Assurance maladie, a annoncé il y a quelques jours le Ministère de la santé [1]. La délivrance, sous forme de boîtes de 6, 12 ou 24 préservatifs, s’effectuera en pharmacie sur présentation d’une prescription d’un médecin ou d’une sage-femme.
Alors que les Infections Sexuellement Transmissibles (gonococcies et chlamydioses) ont triplé entre 2012 et 2016 pour la plupart d’entre elles chez les 15-25 ans, selon le dernier rapport de Santé Publique France [2], ce nouvel outil de prévention peut-il réellement changer la donne ?
Medscape édition française a posé la question au Dr Jean-Marc Bohbot Médecin Infectiologue andrologue, directeur médical à l’Institut Fournier, Paris.
Medscape édition française : Pourquoi un préservatif remboursé aujourd’hui et qu’a-t-il de particulier ?

Dr Jean-Marc Bohbot
Dr Jean-Marc Bohbot : Il s’agit d’une démarche volontaire du laboratoire Majorelle qui a soumis son préservatif EDEN à une demande de remboursement auprès de la Haute Autorité de Santé (HAS). La HAS a trouvé que l’argumentaire était suffisant pour justifier d’un remboursement. Cette validation de la HAS est aussi un gage de sécurité par rapport au contrôle de qualité, aux normes de fabrication. Il existe beaucoup de préservatifs gratuits qui n’ont pas tout à fait les mêmes niveaux de sécurité. Le latex utilisé dans ce préservatif, notamment, est de qualité premium.
En quoi la gratuité de ce préservatif est-elle un réel pas en avant ?
Dr Jean-Marc Bohbot : Repositionner le préservatif comme un outil de liberté sexuelle accompagné d’une liberté financière est une avancée qui fait tomber un obstacle supplémentaire pour lutter contre les infections sexuellement transmissibles. Quand on interroge les jeunes pour savoir s’ils utiliseraient d’avantage le préservatif s’il était remboursé, 75 % répondent par l’affirmative. Rappelons que d’après les dernières enquêtes [3], 54% des étudiants et 37% des lycéens déclarent ne pas porter systématiquement de préservatif à chaque rapport sexuel. Aujourd’hui, il y a des distributions gratuites de préservatifs, mais il faut aller les chercher dans des centres spécialisés et les quantités distribuées sont parfois insuffisantes par rapport à l’activité sexuelle des patients. Là, les patients ont une ordonnance, qui peut être renouvelable pendant un an. Ils peuvent donc retourner aussi souvent qu’ils le souhaitent chez leur pharmacien.
Ce préservatif est gratuit à condition d’être prescrit par un médecin ou une sage-femme, ce repositionnement médical est-il important ?
Dr Bohbot : Oui, il n’y a pas que le prix qui soit un obstacle. Ces prescriptions vont permettre de replacer le discours médical au centre de la prévention. C’est important parce qu’aujourd’hui encore les messages de prévention ne passent pas bien. Les messages des campagnes d’information ne sont pas adaptés à toutes les IST. En outre, les bonnes recommandations sur l’utilisation du préservatif n’ont pas toujours été bien communiqués. D’après certaines études, 30 % des jeunes pensent que la pilule protège contre les maladies sexuellement transmissibles et 2 étudiants sur 10 déclarent ne pas savoir bien mettre un préservatif masculin [3]. Aussi, il y a une méconnaissance totale du risque de contamination lors des rapports oraux-génitaux. La fellation n’est pas du tout perçue comme une pratique à risque qui doit être protégée par des préservatifs.
Là encore, le manque de conseils avisés, d’informations fiables et la pratique « du bouche à oreille » entre jeunes, nuit à l’efficacité de la prévention des IST.
Les professionnels de santé ont plus que jamais un rôle déterminant à jouer.
Selon vous, les professionnels de santé sont-ils prêts à jouer le jeu ?
Dr Bohbot : Je l’espère. C’est une occasion extrêmement importante de pouvoir remettre le médecin au centre de la prévention et de permettre de donner les bons messages et de libérer la parole. Je pense que les sage-femmes sont très impliquées dans le circuit de la prévention des IST. De leur côté, il faut que les médecins réapprennent à parler sexualité avec leurs patients, même si cela n’est pas toujours facile.
Mais, il faudra accompagner ce préservatif remboursé d’une mise à niveau des connaissances des professionnels de santé. Leur rappeler que ce qui leur parait évident à eux, ne l’est pas forcément pour leurs patients. Il faut, notamment, avoir en tête que les jeunes ne sont pas les seuls concernés – même s’ils représentent la majorité des contaminations. Il ne faut pas oublier les plus de 50 ans qui ont souvent des pratiques à risque parce qu’ils ne font pas partie de la génération « préservatifs ». Tous les prétextes possibles sont bons pour parler de sexualité en s’adaptant aux différents profils de patients et à leur âge. On peut notamment aborder la question de la sexualité chez l’homme, lorsque surviennent les problèmes de prostate...
En pratique, aller chercher ce préservatif en pharmacie avec une prescription présente-t-il des avantages ?
Dr Bohbot : La démarche sera plus facile pour certains jeunes ou même moins jeunes qui n’osent pas demander devant tout le monde une boite de préservatifs. C’est une manière de ne pas avoir à prononcer le mot quand 15 personnes attendent chez le pharmacien. Il suffit de remettre l’ordonnance et on obtient les préservatifs. Et pour ajouter à la discrétion, la boite de préservatif ressemble à une boite de médicament.
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Citer cet article: Premier préservatif remboursé : êtes-vous prêt à le prescrire ? - Medscape - 9 déc 2018.
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