France -- Comme chaque année, le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) a présenté son atlas de la démographie médicale. Une fois n’est pas coutume, la sortie de l’atlas de la démographie médicale s’accompagne d’un communiqué replaçant les données socio-démographiques médicales dans le contexte explosif actuel. Inquiet, le CNOM met en garde sur le creusement des inégalités départementales en matière de soins – « une fragilité territoriale » contribuant « à la remise en question du pacte Républicain », affirme-t-il.
Accroissement des inégalités
Cette année – parution de l’Atlas en plein mouvement #Giletsjaunes oblige – les enseignements tirés de l’analyse géographique de l’offre de soins, au travers les médecins qui la représentent, se veut plus « politique » que d’habitude. Outre le recensement désormais classique des caractéristiques socio-démographiques médicales – nombre de médecins actifs, retraités, répartition hommes/femmes, etc –, le CNOM insiste aujourd’hui sur les inégalités territoriales en matière d’offres de soins, lesquelles ne cessent de se creuser et confirment « l’urgence d’une réforme portant un véritable changement de paradigme ».
A l’appui de ses dires, des données qui « révèlent un accroissement des inégalités entre les départements les mieux lotis en termes de densité médicale (décile 10) et les départements les moins bien lotis (décile 1)».
« Les départements les plus mal lotis ont par ailleurs connu une dégradation plus rapide de leur densité médicale : là où la densité des généralistes a chuté de 9,8% dans les départements les mieux lotis entre 2010 et 2018, elle chutait de 19,8% dans ceux qui sont le moins favorisés » peut-on lire. Idem pour les spécialistes médicaux et les spécialistes chirurgicaux.
Fragilité territoriale
Facteur aggravant : aux difficultés en termes de densité médicale viennent souvent s’ajouter d’autres facteurs de fragilité territoriale. « Ces territoires sont souvent les territoires ne bénéficiant que partiellement d’une couverture internet mobile, ou encore ceux dont les habitants souffrent d’un accès difficile aux équipements de la gamme intermédiaire (collèges, supermarchés, stations-services…) ». Ce sont aussi ceux où les populations les plus en demande de soins (et notamment le plus de 60 ans) sont le plus souvent éloignées de l’accès aux soins, remarque l’Ordre.
Résultat : une situation explosive et « un mouvement – les gilets jaunes – qui trouve son origine dans de nombreuses fractures sociales et territoriales ». Face à celui-ci, l’Ordre des médecins s'implique en « réaffirmant que la santé est au cœur du pacte Républicain, et que les médecins sont des acteurs centraux de ce pacte ». Il réclame aussi de façon urgente, une réforme en profondeur et cohérente dans le cadre de la stratégie gouvernementale « Ma santé 2022 ».
Le salariat gagne du terrain
Pour le reste, l’Atlas reste très classique dans la forme et tend à montrer que d'une année sur l'autre, les tendances de fond s'accentuent. Ainsi, si le nombre de médecins en activité inscrits au tableau est en augmentation de 2% et s'établit à 296 755 au 1er janvier 2018, le nombre de médecins en activité régulière est en légère baisse à (- 0,1%) à 198 081. Depuis 2010, le nombre de médecins en activité régulière a diminué de 10%. Cette tendance à la baisse concerne en premier lieu les médecins généralistes, « de 94 261 en 2010, ils ne sont plus que 87 801 en 2018, soit une baisse de 7,3% depuis 2010 ». Autre tendance : le salariat gagne du terrain chez les médecins : ce mode de rémunération est choisi par 47% des médecins contre 42% en 2010. « La proportion des médecins libéraux a suivi le chemin inverse, passant de 47% à 42% ». Chez les médecins généralistes, le salariat est maintenant préféré par 37% d'entre eux contre 33% en 2010. Ce mode d’exercice est plébiscité par les primo-inscrits, puisque 83% d’entre eux font ce choix et 16% le choix du libéral, avec toutefois une légère inflexion : en 2010, 88% des primo-inscrits faisaient le choix du salariat, et 11% celui du libéral.
Insuffisance du renouvellement générationnel
Sans grande surprise, la féminisation se poursuit. Ainsi 11 départements ont une part plus importante de femmes que d'hommes et en Ile-de-France, la moitié de ses départements ont plus femmes médecins que d'hommes : Val-de-Marne, Hauts de Seine, Yvelines, Paris.
Dernière constatation, la profession ne se rajeunit pas tant que cela. L’augmentation de 2% de médecins inscrits au tableau, évoqué ci-dessus, est à mettre essentiellement au profit des médecins retraités dont le nombre, selon l’ordre, augmenté de 43,6% depuis 2010 alors que le nombre d'actifs n’augmentait lui que de 0,3% sur la même période. Enfin, l’Atlas de la démographie médicale met par ailleurs en évidence « l’insuffisance du renouvellement générationnel, alors que les étudiants admis en faculté après le rehaussement du numerus clausus (à partir de 2005-2006 notamment) commencent seulement à rentrer dans un exercice plein » note le CNOM.
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Citer cet article: Démographie médicale : la CNOM met en garde contre le creusement des inégalités territoriales - Medscape - 10 déc 2018.
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