Doctolib bashing : des attaques justifiées ou pas ?

Philippe Anaton

29 novembre 2018

France -- Parasitisme commercial, publicités pour des pratiques non conventionnelles, positions dominantes... Les accusations portées contre la start-up de prises de rendez-vous médicaux Doctolib se sont multipliées ces deux derniers mois.

Redirections erronées

Dans le dernier épisode en date, c’est à la Fédération des médecins de France (FMF) de monter au créneau. Dans un communiqué daté du 20 novembre dernier, la FMF accuse en effet Doctolib – qui a remporté l'appel d'offres de l'AP-HP sur la gestion de ses rendez-vous médicaux – de rediriger, via son logiciel, les patients de l'AP-HP vers des cabinets privés. Dans une vidéo, le président de la FMF, le Dr Jean-Paul Hamon considère qu’« au-delà du tort causé à l’hôpital public, ces dysfonctionnements graves indiquent que la structure AP-HP a perdu le contrôle de la prise de rendez-vous chez elle » et s’en inquiète. « Cette perte de contrôle place l’hôpital public parisien dans une position de vulnérabilité qui n’est pas acceptable pour une institution publique aussi prestigieuse » ajoute-t-il.

Et ce n’est pas tout, les dysfonctionnements relevés par le Dr Hamon affecteraient aussi « les cliniques privées qui ont intégré Doctolib dans leurs sites internet ».

 

S'en sont suivis des échanges musclés par réseaux sociaux interposés, le Dr Jean-Paul Hamon prenant l’exemple d’une démarche de recherche de médecin ayant été redirigée vers le site de l'hôpital américain. Ce à quoi l'AP-HP a répondu très doctement qu'il s'agissait d'un simple dysfonctionnement : « Les portails de l’AP-HP permettent uniquement la prise de RDV à l’AP-HP. Il s’agit d’un dysfonctionnement technique concernant un cas isolé d’un praticien ayant aussi un abonnement @doctolib pour son activité hors AP-HP. »

 

Ce à quoi le PDG et fondateur de Doctolib, Stanislas Niox-Château, a répondu, toujours par tweet interposé, qualifiant, pour sa part, les informations du Dr Jean-Paul Hamon de fausses et diffamatoires.

 

Et ce n'est pas la première fois, que le PDG doit répondre aux allégations du Dr Jean-Paul Hamon. Quelques semaines auparavant, le 27 septembre, Niox-Château était intervenu sur Twitter – nouveau lieu de polémique – à des accusations de publicité mensongère. Le président de la FMF anticipait, en effet, que Doctolib, – qui s’apprête à lancer en janvier prochain un service de téléconsultation – ne respectera pas le parcours de soins. Ambiance…

Confusion en matière de référencement

Ces dernières accusations portées contre la start-up font suite à de précédentes passe-d’armes twittériennes tout du long du mois d’octobre, auxquelles Doctolib a toujours répondu en dénonçant des propos diffamatoires mais non sans apporter des corrections à ses algorithmes pour calmer la fronde médicale. À commencer par les accusations du syndicat de médecins libéraux UFML. Dans un communiqué daté du 14 octobre dernier,intitulé « Doctolib, faut-il se laisser passer la bague au doigt ? », le syndicat présidé par le Dr Gérard Marty mettait en garde les médecins contre une « captation de leur nom et de leur image ». Explications : lorsque l'on renseignait dans un moteur de recherche le nom d'un médecin non client de la plateforme de prise de rendez-vous, l'internaute à l'origine de cette requête était réorienté vers doctolib. Et se voyait alors proposer, selon l’UFML, des médecins clients de la plateforme.

Mais l'UFML accusait également Doctolib de recenser des professionnels de santé non conventionnels comme, par exemple, les kinésiologues. Interrogé sur la question, par le biais du réseau social Twitter, le Dr Jacques Lucas, en charge du numérique pour le Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM), n'a rien vu à redire aux pratiques de Doctolib, arguant du fait qu'il existe la même proximité sur les pages jaunes, « sans que personne ne s’en offusque ni ne se trompe lors d’une prise de rendez-vous avec un docteur ». Faux, lui rétorquait l'UFML : les médecins paient 109 euros leur référencement sur Doctolib alors que leur apparition sur les pages jaunes est gratuit. À ce prix-là, les médecins, affirme le syndicat « sont en droit d'espérer un meilleur service et une reconnaissance de leur fonction sociétale ». Au final, à la suite d’un échange avec le PDG de Doctolib, Stanislas Niox-Château, l'UFML estime avoir eu gain de cause, Le 29 octobre, le syndicat disait avoir obtenu, de Doctolib, trois avancées : la cessation des redirections des médecins vers sa plateforme, la séparation entre agenda et annuaire, et le « retrait du référencement des FakeMed », en référence aux professionnels de santé non conventionnels renseignés sur doctolib.

Parasitisme commercial ?

Enfin, dans une deuxième communication datée du 25 octobre, le différend entre doctolib et l'UFML a même pris une tournure quasi judiciaire. Cette fois, le syndicat dénonçait dans le Journal du dimanche, le parasitisme commercial dont serait victime le Dr Bertrand Legrand, par ailleurs promoteur d'un site de prise de rendez-vous médicaux Vitodoc. Par parasitisme commercial, il faut comprendre « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire », c’est-à-dire une fois de plus le détournement sur les moteurs de recherche du résultat de la requête au profit de Doctolib, qui tromperait le robot de Google, selon les dires du Dr Bertrand Legrand .

Droit de réponse de Doctolib

Des accusations réfutées auprès de l'Agence de presse médicale (APM) par le directeur de la stratégie de Doctolib, Julien Meraud, précisant que si la plateforme avait concédé à quelques aménagements techniques, ce n'était que par « volonté d'apaisement ».

De son côté, Stanislas Niox Château a fait paraître le 29 octobre une lettre ouverte répondant point par point aux accusations de parasitisme commercial du Dr Bertrand Legrand, fondateur d'un service concurrent de Doctolib, se targuant du soutien de milliers de médecins adhérents de la plateforme. « Nous avons construit notre concept et nos équipes sur des valeurs humanistes très éloignées de vos accusations de ces derniers jours qui sont infondées et fausses » terminait le PDG de Doctolib.

« Doctolib bashing » justifié ou pas ? Difficile de répondre au vu des enjeux économiques qui se profilent d’un côté comme de l’autre. On peut penser que le passage au numérique ne se fera pas sans heurts, ni erreurs, ni même des excès, nécessitant la vigilance de tous. 

 

 

 

 

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