En direct de l’ESMO 2018, les Drs Manuel Rodrigues (Institut Curie, Paris) et Constance Thibault (Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris) discutent des avancées qui pourraient changer les pratiques dans les cancers de la prostate, du rein et de la vessie.
TRANSCRIPTION
Manuel Rodrigues — Bonjour et bienvenus sur le site de Medscape. Je suis le docteur Manuel Rodrigues — je suis oncologue médical à l’institut Curie, à Paris, et nous sommes aujourd’hui au congrès européen de l’ESMO, à Munich, l’ESMO 2018, pour parler de cancer urologique et en particulier de cancer de la prostate et de cancer du rein et de la vessie avec le docteur Constance Thibault, de l’hôpital européen Georges Pompidou, oncologue médicale, également.
Cancer de la prostate : du nouveau avec STAMPEDE
Manuel Rodrigues — Commençons par la prostate, en particulier dans la situation métastatique hormonosensible. Il y a eu deux présentations, hier, à la session plénière — tu pourrais nous en dire plus, en particulier sur la première, sur le traitement médical de ces situations ?
Constance Thibault —Les résultats qui ont été présentés sont potentiellement, on va dire, practice et changing pour les mois à venir, avec, notamment, l’abiratérone. Pour l’abiratérone, on avait déjà eu les résultats de LATITUDE [1], qui était une phase 3 qui évaluait l’intérêt de l’abiratérone au stade hormonosensible des cancers de la prostate métastatique, mais, dans LATITUDE, les patients avaient une maladie à haut risque, c’est-à-dire qu’il fallait qu’ils aient un Gleason supérieur ou égal à 8 et au moins trois métastases osseuses ou des métastases viscérales – cela sélectionnait une maladie agressive.
Là, nous avons eu les résultats de l’étude STAMPEDE[2], cette étude anglaise multibras a, elle aussi, donné des résultats en faveur de l’abiratérone, mais, elle a inclus tous les patients métastatiques hormonaux sensibles, pas uniquement les hauts risques. Et ce qui est intéressant, c’est qu’ils ont fait une analyse en sous-groupes et eux, ils ont démontré que, certes, ça marchait chez les hauts risques, mais aussi chez les faibles risques, donc probablement que l’abiratérone ne devra désormais plus être prescrite uniquement dans la population de LATITUDE, donc les hauts risques, mais chez tous les patients métastatiques au stade hormonosensible.
Manuel Rodrigues — C’est une ouverture, un élargissement de l’indication d’un médicament que vous connaissez depuis longtemps.
Constance Thibault — Exactement.
Manuel Rodrigues — L’étude STAMPEDE est intéressante — c’est une étude avec plusieurs milliers de malades, qui est toujours en cours, où on pose des questions, de nouvelles questions, régulièrement avec des nouveaux bras…
Constance Thibault — Tout à fait. Avec des bras qui peuvent se fermer et s’ouvrir selon le changement du bras standard. C’est pour ça que cette étude permet vraiment d’apporter des résultats et de compléter les résultats d’autres études un peu plus standard, de phase 3. Parfois, quand on a des résultats un peu contradictoires entre différentes phase 3, ce type d’étude permet de trancher pour l’une ou l’autre stratégie.
Manuel Rodrigues — Il y a une question en oncologie que vous avez déjà abordée en uro-onco, il y a quelques mois — c’est la question des traitements de la tumeur primaire chez un patient qui est métastatique. Et, justement, STAMPEDE [3] répond aussi à une question dans cette situation-là.
Constance Thibault —STAMPEDE, chez les patients avec un cancer de la prostate métastatique hormonosensible, a aussi posé la question de la place d’un traitement focal et, notamment, de la radiothérapie.
Dans le cancer de la prostate, on avait l’impression, en se basant sur des études rétrospectives, qu’il pouvait y avoir un intérêt. Mais récemment, il y a eu une l’étude de phase 3, HORRAD[4], n’a pas montré de bénéfice à faire un traitement local par radiothérapie chez les patients avec un cancer de la prostate métastatique.
Dans l’étude STAMPEDE, ce qui est très intéressant, c’est qu’on a une population de 1800 patients, donc quatre fois plus que dans l’étude HORRAD, et cette fois-ci, en fait, il y a un bénéfice, mais uniquement chez les patients avec un faible volume. Dans la population globale, l’étude est négative — il n’y a pas de bénéfice en termes de survie — mais par contre, quand on regarde l’analyse en sous-groupe des patients avec un faible volume, là il y aurait un intérêt à faire un traitement focal.
Actuellement, faire un traitement ou pas – se discute en RCP et, en général, on n’a plutôt pas tendance à le faire parce que, justement, on manque de données. Mais, ces résultats de l’étude STAMPEDE, changeront probablement les pratiques.
Manuel Rodrigues — Oui. On a l’impression qu’en fait il faut traiter la tumeur primaire quand il y a peu de métastases…
Constance Thibault — Exactement.
Manuel Rodrigues — … parce que sinon elle réensemence et elle continue de disséminer.
Constance Thibault — Tout à fait.
Cancer du rein : données encourageantes de l’avélumab + axitinib dans JAVELIN
Manuel Rodrigues — C’est très intéressant. Et dans les cancers du rein, le profil, le traitement, l’horizon thérapeutique de traitement de ces tumeurs n’arrête pas de changer tout le temps et c’est de plus en plus complexe — en tout cas vu de l’extérieur, quand on n’est pas uro-oncologue. Là, l’étude JAVELIN [5] apporte de nouvelles données — comment se positionne-t-elle par rapport aux autres études ?
Constance Thibault —En fait, si on se replace il y a un an à l’ESMO, Bernard Escudier avait présenté les résultats avec nivolumab plus ipilimumab en première ligne de traitement dans les cancers du rein métastatique. Cette étude était positive et avait montré un honnête bénéfice en faveur de « nivo/ipi » chez les patients de pronostique intermédiaire ou mauvais et on attendait impatiemment les résultats de l’autre combinaison qui pourrait être intéressante, celle d’un inhibiteur de check-point immunologique plus un TKI anti angiogénique.
Manuel Rodrigues — Ce qui n’est pas courant, finalement, d’associer les deux…
Constance Thibault — Exactement. L’étude JAVELIN a évalué l’avélumab plus l’axitinib – donc, l’avélumab, un anti-PDL-1 et l’axitinib un anti-angiogénique. Nous avons eu les résultats. Nous avons encore assez peu de recul puisque la médiane de suivi est de seulement un an. Nous avons les résultats en termes de PFS et c’est une étude qui est positive en faveur du combo « avé plus axi », à la fois chez les patients PDL-1+, mais aussi dans la population générale, avec une PFS qui passe d’un peu plus de 7 mois à plus de 13 mois, donc quasiment un doublement de la PFS et un taux de réponse objective qui, là encore, double et dépasse le 50 %. Il est vrai que ce sont des résultats très intéressants.
Nous n’avons pas encore assez de recul pour avoir les données en survie globale et il sera aussi intéressant de voir les autres combos – il y a eu un press release il y a quelques jours sur l’association pembrolizumab – donc cette fois-ci un anti PD 1 – plus l’axitinib, donc le même TKI anti-angiogénique et, a priori, cette étude serait positive à la fois en PFS, en taux de réponse objective et aussi en survie globale. Donc on a hâte d’avoir les résultats qui, j’espère, seront disponibles au courant de 2019.
Manuel Rodrigues — Et avec des questions qui sortiront, derrière, sur comment on va faire quand il y aura des résistances et tout ce qui viendra après.
Constance Thibault —Exactement.
Cancer de la vessie localisé : résultats du pembrolizumab dans PURE-01
Manuel Rodrigues — Un petit mot, peut-être, pour terminer sur les cancers de la vessie, dont on n’a pas parlé ?
Constance Thibault — Il ne faut pas oublier le cancer urothélial. Je dirais que, là encore, l’immunothérapie est au premier plan. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle commence à arriver dans les tumeurs localisées, à la fois les tumeurs infiltrant le muscle. Les résultats de PURE-01[6], qui ont été présentés, ont évalué le pembrolizumab dans le cancer de la vessie localisée avec des résultats intéressants, et puis même à un stade encore plus précoce, au stade des cancers qui n’infiltrent pas le muscle, avec des résultats du pembrolizumab, là encore, qui semblent très intéressants chez les patients qui ont une maladie réfractaire au BCG.
Manuel Rodrigues — Et, donc, le pembrolizumab en intraveineux pour les maladies résistantes au BCG en instillation vésicale…
Constance Thibault — Exactement.
Manuel Rodrigues — C’est intéressant.
Constance Thibault — Oui.
Manuel Rodrigues — Très bien. A bientôt sur le site de Medscape et merci encore pour cet entretien.
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Citer cet article: ESMO 2018 : quelles actualités dans les cancers de la prostate, du rein et de la vessie ? - Medscape - 15 nov 2018.
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