Munich, Allemagne -- Traiter les femmes et les hommes HR+/HER2- atteints de cancer du sein métastatique en échec thérapeutique et présentant une mutation de sous-unité alpha du gène PIK3CA par un inhibiteur de PI3K, l’alpélisib (BYL719, Novartis) permet de doubler la médiane de survie sans progression (11 mois contre 5,7), selon les résultats de l’étude SOLAR-1 présentés à l’occasion du congrès ESMO 2018 [1,2].
Chez ces patients, le pronostic est actuellement considéré comme mauvais puisque la médiane de survie est de 40 mois. La mutation qui provoque une activation de la PI3kinase (enzyme stimulant le cycle cellulaire et la transformation des cellules saines en cellules tumorales) est en moyenne retrouvée chez 40 % des femmes ménopausées présentant un cancer du sein avancé HR+/HER2-.
Un traitement individualisé

Pr Fabrice André
Interrogé par Medscape.fr à l’occasion d’une conférence de presse, le Pr Fabrice André, co-investigateur de l’étude explique, « c’est la première fois que dans le cancer du sein, l’analyse du profil génomique permet de choisir un traitement ciblé qui prolonge la survie sans pour autant majorer de façon significative l’incidence des effets secondaires. En effet, l’alpélisib n’étant spécifique que de l’une des 4 isoformes du gène PIK3CA, celle qui est mutée, cette molécule n’interfère pas – à l’inverse des autres inhibiteurs de PI3K – avec le fonctionnement physiologique des autres isoformes. C’est ce qui pourrait améliorer la tolérance. Dans un proche avenir, dans le cancer du sein, comme dans celui du poumon, le profil génomique va devenir un outil de sélection des traitements ».
Invité à commenté cette étude le Dr Angelo Di Leo (Prato, Italie), ajoute « la prochaine étape sera désormais de définir quand et comment ce médicament devra être inclus dans l’algorithme des traitements du cancer du sein : en première ligne ou en association avec une hormonothérapie ou un inhibiteur de CDK4/6, ou de façon séquentielle chez les patients qui auront progressé sous hormonothérapie ou inhibiteur de CDK4/6 ? ».
Fulvestrant systématique
Cette étude a été mise en place après la publication des résultats de l’essai SANDPIPER qui a conclu à un effet statistiquement significatif mais modeste d’un inhibiteur de PI3K, le taselisib, en association avec du fulvestrant, au prix d’une toxicité non négligeable.
En 2018, une étude de phase I concluait à un effet possible de l’alpésilib – même en l’absence de mutation alpha – mais cette fois au prix d’effet indésirables gérables.
C’est dans ce contexte que l’étude SOLAR-1 de phase III a inclus en double aveugle 512 patients (femmes ménopausées et hommes) atteints de cancer du sein avancé ou métastasique HR+HER2- ayant progressé pendant ou après un traitement par inhibiteur d’aromatase avec ou sans inhibiteur de CDK4/6. Les patients ont été randomisés à parts égales entre un traitement per os quotidien par alpélisib (300 mg) ou un placebo en complément d’un traitement par injections intramusculaires de fulvestrant (500 mg deux fois le premier mois puis 500 mg par mois par la suite). Le fulvestrant étant le traitement habituel des rechutes dans ce cas de figure.
Deux cohortes selon le profil génomique
Après la randomisation, la population incluse a été divisée en deux cohortes. L’analyse génomique a en effet montré que 341 des patients présentaient une mutation PI3KC3 contre 231 qui en étaient exempts. Ces patients étaient répartis dans les deux bras de l’étude puisqu’un travail préliminaire laissait à penser qu’un effet de l’alpélisib pouvait être attendu quel que soit le statut mutationnel.
Mais cela n’a pas été réellement le cas puisque chez les femmes ne présentant pas de mutation, l’alpésilib n’a pas majorée la survie sans progression.
En présence de mutation, 35,7 % des patients ont répondu au traitement alpélisib-fulvestrant contre 16,2 % avec le fulvestrant seul. Après un suivi moyen de 20 mois, la médiane de survie sans progression s’est établie à 11 mois avec la combinaison alpélisib-fulvestrant contre 5,7 mois dans le bras comparateur (HR 0,65 ; p=0,00065). Désormais, les investigateurs vont suivre ces cohortes afin d’analyser si le bénéfice de survie sans progression se traduit en termes d’allongement global de la survie.
Des hyperglycémies traitées par metformine
« Ce qui est essentiel au-delà de l’augmentation de la survie, c’est que le traitement a été bien toléré et que les effets indésirables ont pu être pris en charge. Il s’agissait majoritairement d’hyperglycémies (64 % dans le bras traitement actif contre 10 % chez les témoins), complication attendue puisque l’inhibition de la PI3K interfère avec le métabolisme glucidique. Cette complication a été traitée par l’introduction de metformine qui a généralement permis une amélioration des symptômes », analyse le Pr André.
Parmi les autres effets secondaires, la toxicité digestive vient au premier plan : diarrhées (58 % contre 16 %), nausées (45 % contre 22 %). Seuls 3 % des patients sous alpélisib ont du suspendre le traitement en raison d’effets indésirables contre 2 % avec le placebo.
« En termes de sécurité, c’est un médicament qui est quand même associé à un profil de tolérance pas si simple à gérer, un peu différent de ce dont on a l’habitude […] il y a une surveillance importante de la glycémie avec régime éventuel, etc., voire introduction de metformine. Donc c’est un traitement un peu nouveau auquel les oncologues devront s’habituer, mais c’est réellement faisable, et cette étude l’a démontré », a commenté pour sa part, le Dr Suzette Delaloge dans un entretien vidéo pour Medscape édition française .
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Citer cet article: SOLAR-1 : résultats encourageants d’une thérapie ciblée guidée par analyse génétique dans le cancer du sein métastatique - Medscape - 8 nov 2018.
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