L’arrêt progressif du tabac a souvent mauvaise presse. Pourtant, la réduction avant arrêt complet peut être bénéfique notamment chez des fumeurs avec un profil plus sévère comme les gros fumeurs avec ancienneté importante du tabagisme et moindre confiance en eux pour l’arrêt. Dans cette vidéo, le Dr Ivan Berlin revient sur l’intérêt de cette stratégie et les données récentes de la littérature.
TRANSCRIPTION
Dr Ivan Berlin (médecin tabacologue, hôpital Pitié-Salpêtrière) : « On peut arrêter de fumer de deux façons. Soit d’un seul coup, soit progressivement. La majorité des fumeurs assez « addict » choisiraient d’arrêter progressivement en quelques jours ou en quelques semaines. Ce qui compte finalement sur le plan de la santé, c’est l’arrêt définitif : zéro cigarette. Que l’on arrête de fumer en 24 heures, une semaine ou trois semaines, après 20 ans de tabagisme, cela revient au même. L’objectif est d’arrêter définitivement. La prescription standard des substituts nicotiniques et de la varénicline (Champix®, Pfizer) est l’arrêt brutal mais il y a d’autres façons d’arrêter avec le Champix, comme l’a montré l’étude « Reduce to Quit » publiée dans le JAMA en 2015[1] (voir encadré). Même si on arrête progressivement, on a des résultats excellents. On peut donc utiliser ce médicament dans le but d’un arrêt progressif aussi bien que dans un l’arrêt immédiat. Cela dépend de la préférence du patient. On peut donner le choix. Le résultat essentiel, c’est zéro cigarette à trois mois. »
L’essai « Reduce to Quit » en bref
Essai international, randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo
Objectif : évaluer l’efficacité et la sécurité de la varénicline dans le sevrage tabagique selon un modèle de réduction progressive.
Méthode : 1500 participants randomisés pour recevoir la varénicline ou le placebo pendant 24 semaines, à une posologie de 1 mg deux fois par jour puis suivis les 28 semaines suivantes. Les sujets devaient avoir réduit ≥ 50 % ou plus leur consommation de cigarettes à la semaine 4 et de ≥ 75 % à la semaine 8 dans l’optique d’avoir arrêté à la semaine 12. Les patients ont été suivis et accompagnés de conseils durant toutes les phases de l’étude. Les taux d’abstinence continue ont été mesurés par le taux de CO expiré.
Les critères d’inclusion : 18 ans ou plus, consommation moyenne > 10 cigarettes/jour, pas plus de trois mois d’abstinence pendant l’année précédente, taux de CO expiré <10 ppm, fumeurs ne souhaitant ou ne pouvant pas arrêter dans le mois suivant le début du traitement mais qui souhaitaient réduire leur consommation puis faire une tentative d’arrêt avant la fin des 3 premiers mois de traitement.
Les critères d’exclusion : tentative de suicide ou comportement suicidaire < 2 ans, épisodes d’anxiété ou de dépression majeure, troubles psychiatriques récemment diagnostiqués, abus d’alcool ou de drogue < 12 mois, BPCO sévère, pathologie CV ou cérébrovasculaire <2 mois, femmes enceintes, allaitantes, prise antérieure de varénicline.
Efficacité : le groupe varénicline (n=760) a présenté des taux d’abstinence supérieurs à ceux du groupe placebo (n=750) entre les semaines 15 et 24 (32,1% vs 6,9% ; RR=4,6]), entre les semaines 21 et 24 (37,8 % vs 12,5 %, RR=3), et entre les semaines 21 et 52 (27% vs 9,9%, RR=2,7).
Tolérance : des événements indésirables graves sont survenus chez 3,7 % du groupe varénicline et 2,2 % du groupe placebo (p=0,07). Les événements indésirables les plus fréquents (>10%) avec la varénicline sont les nausées, la rhinopharyngite, les rêves anormaux, les insomnies et les céphalées.
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Citer cet article: Tabac : l’arrêt progressif est-il un mythe? - Medscape - 8 nov 2018.
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