Munich, Allemagne -- Traiter des patientes atteintes de cancer du sein métastatique triple négatif dont la tumeur exprime PD-L-1 par de l’atezolizumab (Tecentriq®, Hoffmann-La Roche/Genetech) associé à du paclitaxel lié a de l’albumine (Abraxan®, Abraxis BioScience) permet d’allonger la survie globale de 10 mois par rapport au placebo plus chimiothérapie (HR 0,62, IC95%; 0.45 - 0.86), selon les résultats de l’étude IMpassion 130 présentés à l’occasion du congrès de de l’European Society of Medical Oncology (ESMO 2018) et publiées simultanément dans le New England Journal of Medicine[1,2].
C’est la première étude de phase 3 qui confirme l’efficacité en première ligne du traitement d’une immunothérapie en sus de la cimiothérapie dans une population ciblée de patientes à très haut risque de décès puisque la survie moyenne sous chimiothérapie (anthracycline ou taxanes) est estimée à 18 mois voire moins. Ce travail confirme les observations de phase 1 déjà publiées avec l’atezolizumab, le pembrolizumab et l’avelumab.
« Ces résultats sont sans précédents dans cette sous-catégorie des cancers du sein dont le pronostic est actuellement le plus mauvais. Cette étude fait entrer le cancer du sein triple négatif dans l’ère de l’immunothérapie, ce qui était attendu depuis quelques années » a commenté le Dr Peter Schmid (Londres, Grande Bretagne), principal investigateur de l’étude lors de la présentation des résultats.
Lutter contre l’effet anti-inflammatoire des corticoïdes
L’une des particularités de cette étude c’est d’avoir choisi d’associer l’atezolizumab (un anti PDL1 qui restaure l’activité des lymphocytes T) à du paclitaxel lié lui-même à de l’albumine (nab-paclitaxel). Cette approche permet de lutter, en partie, contre l’effet anti-inflammatoire des corticoïdes utilisés de façon systématique avec le paclitaxel comme nombre d’autres chimiothérapies.
Cette utilisation conjointe de chimio et d’immunothérapie est actuellement de plus en plus utilisée dans les cancers solides. En effet, la chimiothérapie pourrait induire des modifications de l’environnement tumoral en lien avec l’apoptose cellulaire – principalement un relargage d’antigènes tumoraux – qui pourraient majorer la quantité de lymphocytes présents localement et ainsi augmenter l’efficacité de l’immunothérapie.
Tumeur triple négative
IMpassion 130 a inclus un total de 902 patientes (moins de 1% d’hommes) en stade localement avancé non chirurgical ou métastatique d’emblée d’une tumeur triple négative testée aussi pour l’expression de PD-L1 et éligibles pour une mono thérapie par taxane. Les femmes étaient âgées en moyenne de 55 ans et elles présentaient pour 75 % d’entre elles de 0 à 3 sites métastatiques (poumon 50 %, os 32 %, foie 30 %).
Le traitement a été administré en moyenne pendant 24,1 semaines et le suivi médian était de 12,9 mois. L’analyse en intention de traiter a montré qu’à l’issue du suivi 79,4 % (358) des patientes du bras atezolizumab-nab-paclitaxel et 83, 8 % (378) du bras placebo-nab-paclitaxel étaient décédées ou en progression de leur maladie. Toutes populations confondues, la survie sans progression était majorée avec l’immunothérapie (7,2 contre 5,5 mois).
Résultats sans précédents
Mais c’est l’analyse du sous-groupe des patientes dont la tumeur – et plus principalement, les lymphocytes présents au sein de la tumeur – exprimait PD-L1 (soit 41,5 % des patientes) qui fait toute la nouveauté de cette étude. En effet, dans ce sous-groupe de 185 personnes, seules 138 sous atezolizumab-nab-paclitaxel (74.6 %) progressent ou décèdent contre 85,3 % des témoins. A 12 mois, le taux de survie sans progression s’établit à 29,1 % sous traitement contre 16,4 % sous placebo (HR 0,63 ; IC95% : 0,49 à 0,81).
A l’issue des 13 mois de suivi, 34,6 % des patientes sous atezolizumab-nab-paclitaxel sont décédées contre 47,8 % dans le groupe comparateur. Il s’agit de résultats préliminaires sur la survie globale. Une nouvelle ligne de traitement a été nécessaire pour 53,7 % des patientes sous atezolizumab-nab-paclitaxel contre 60,3 % de ceux sous placebo.
La question de l’accès à l’innovation
Pour le Dr Guiseppe Curigliono (Milan, Italie), « le choix de la chimiothérapie par paclitaxel a peut-être fait sous-estimer les résultats, en effet cette molécule n’est pas, on le sait maintenant, la plus immunogène dans un contexte d’utilisation conjointe de chimio et immunothérapie. Par ailleurs, le choix de la population est particulier puisque 43 % des patientes étaient naives de traitement et 41 % présentaient une positivité PD-L1. Bien que l’on ne dispose pas de précisions sur ce statut, il aurait pu être intéressant de tester le bras l’atezolizumab seul dans ce contexte puisque l’on sait que l’immunothérapie est particulièrement efficace en première ligne même sans association avec une chimiothérapie. On peut aussi regretter que le statut BRCA n’ait pas été pris en compte puisque ces patientes auraient pu bénéficier d’un traitement par PARP inhibiteurs en première intention. Toutes les études d’immunothérapie sur le cancer du sein triple négatif devront désormais être centrées sur la sélection des patientes les plus à mêmes de bénéficier de ce traitement. Elles permettront de stratifier les différentes options thérapeutiques et notamment les séquences d’utilisation des différentes familles médicamenteuses ».
Interrogé par Medscape édition française, le Pr Fabrice André (Gustave Roussy, Villejuif) explique que « le problème reste le délai d’accès à l’innovation en France et plus généralement en Europe. Oui, aujourd’hui, on peut affirmer qu’il existe un traitement qui prolonge la vie des femmes atteintes de tumeurs triple négatif, mais combien d’entre elles décèderont avant que l’atezolizumab ait l’AMM en France ».
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Citer cet article: Cancer du sein métastatique triple négatif : pour la première fois, une immunothérapie efficace en première ligne - Medscape - 21 oct 2018.
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