Vers une moins bonne prise en charge de la douleur chronique en France ?

Aude Lecrubier

23 octobre 2018

Paris, France – Va-t-on assister à un recul de la prise en charge de la douleur chronique en France avec la fermeture prochaine de plusieurs centres spécialisés ? Alors que près de 20 millions de français, soit environ 30 % de la population adulte, souffrent de douleurs rebelles aux traitements antalgiques, l’Académie Nationale de Médecine alerte sur les menaces qui pèsent sur leur prise en charge [1].

Les 273 centres de la douleur structures spécialisées douleur chronique (SDC) de France voient en moyenne 5000 patients par centre et par an, avec un délai moyen d’attente de trois mois et le nombre de demandes de consultation « croît continuellement ».

Pourtant certaines d’entre elles sont menacées par le prochain départ à la retraite des médecins qui les ont fondés et le risque que ceux-ci ne soient pas remplacés faute de candidats formés à la médecine de la douleur et/ou du fait de non-renouvellement de postes médicaux.

D’après une enquête démographique de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) réalisée en 2015 auprès de 228 structures spécialisées douleur chronique (SDC), 50,2% des 229 emplois équivalents temps plein sont partis ou partiront à la retraite sur la période de 2015-2025, avec le risque que la moitié au moins de ces emplois ne soient pas remplacés.

Résultat, durant la même période, 16 SDC (13 consultations et 3 centres) seront en danger de fermeture.

Pourtant, ces structures sont essentielles pour les cas de douleurs chroniques rebelles et invalidantes car elles offrent une prise en charge multi-dimensionelle et multiprofessionnelle, associant plusieurs médecins et autres soignants formés à la douleur.

Quels malades consultent les SDC ?

-Lombalgies et sciatalgies : 26 %

-Douleurs neuropathiques : 19 %

-Douleurs cancéreuses : 17 %

-Céphalées, migraines : 12 %

-Fibromyalgie et autres symptômes douloureux idiopathiques : 10 %

-Syndromes douloureux complexes : 8 %

-Autres douleurs : 8 %

Source : HAS 2008

Pour maintenir et optimiser la prise en charge de ces patients en France, l’Académie de médecine émet 5 recommandations phares :

1 - Consolider l’existence des 273 structures spécialisées douleur chronique (SDC). « C’est l’objet numéro un de notre engagement », a souligné le Pr Patrice Queneau (interniste, rhumatologue, membre de l’Académie nationale de médecine) lors de la présentation de l’Académie de médecine à la presse.

2 - [Pour organiser l’enseignement et la recherche] désigner, au sein de chaque faculté de médecine, un « coordinateur universitaire douleur » rattaché à la sous-section « Thérapeutique-médecine de la douleur » du Conseil national des Universités ou à une des grandes disciplines universitaires concernant la douleur.

3 - Veiller au renouvellement des équipes des SDC par :

- des médecins ayant reçu une formation spécialisée transversale (FST) "Médecine de la douleur", en plus de leur Diplôme d’études spécialisées (DES) d’origine. (En 2020, le DESC de 4 semestres sera remplacé par une FST de 2 semestres, durée jugée trop courte par l’Académie nationale de médecine).

- d’autres soignants (infirmières, psychologues, physiothérapeutes…) ayant bénéficié d’une formation « douleur ».

4 - En plus de l’indispensable formation initiale de tous les médecins et soignants à la spécificité de la douleur chronique, faciliter l’accès à des formations complémentaires sur les nouvelles approches non médicamenteuses, technologiques et psycho-sociales.

5 - Développer la recherche clinique et fondamentale translationnelle par la mise en place de choix stratégiques, politiques et organisationnels.

Des répercutions majeures

« La douleur chronique doit être considérée comme une deuxième maladie. C’est une maladie qui évolue par elle-même », a martelé le Pr Patrice Queneau (interniste, rhumatologue, membre de l’Académie nationale de médecine) lors de la présentation de l’Académie de médecine à la presse.

Elle a des répercussions importantes sur la vie professionnelle des patients (licenciements, chômage…), mais également sur leur vie socio-familiale (rejet, rupture, divorce…) et psychologiques (anxiété, dépression) ou médicolégales (invalidité, procès).

En termes de coût, on estime que la douleur chronique impacte dans leur travail les deux tiers des personnes qui en souffrent, soit 88 millions de journées impactées (48 millions par absentéisme et 40 millions par présentéisme avec douleur), selon l’étude National Health and Wellness Survey (NHWS) réalisée en France en 2013 sur 15 000 personnes [2]. D’après cette étude, le surcoût global annuel de la douleur chronique serait d’environ 1,163 milliards d’euros.

La douleur chronique doit être considérée comme une deuxième maladie Pr Patrice Queneau
Les auteurs n’ont pas de liens d’intérêt avec le sujet.

 

 

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