Avec les nouvelles recommandations d’utilisation d’Androcur, quelles perspectives contre l’acné ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

26 octobre 2018

Pau, France L’ANSM a publié ses recommandations concernant l’utilisation de l’acétate de cyprotérone (Androcur® et génériques) dans l’objectif de limiter le risque de méningiome. Désormais, les prescriptions hors AMM sont à proscrire. Comment, dès lors, traiter une acné résistante? La question a fait débat lors d’une session portant sur les conditions d’usage d’Androcur®, organisée au congrès Infogyn 2018.

L’acétate de cyprotérone est un dérivé de la progestérone avec des propriétés anti-androgéniques. Il est indiqué, à la dose de 50 mg, contre l’hirsutisme chez la femme en cas de retentissement majeur sur la qualité de vie et contre certaines formes de cancer de la prostate chez l’homme. Il est également utilisé à dose élevée (100 mg) en « castration chimique » pour traiter la paraphilie.

Très prescrit en France

En France, ce médicament est couramment prescrit. Il existe une forte tendance à utiliser Androcur® et ses génériques hors AMM dans le traitement de l’acné résistante, mais aussi de l’endométriose, de la séborrhée ou encore des kystes ovariens. Selon l’ANSM, plus de 89 000 femmes ont reçu au moins une fois un traitement par Androcur® ou l’un de ses génériques au cours de l’année 2017.

« En incluant les données de commercialisation d’Androcur® du Royaume-Uni, de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Espagne, la France concentre 60% des ventes », a précisé le Dr Gabriel André (gynécologue, Strasbourg) au cours d’une présentation, qui a abordé les conditions d’utilisation d’Androcur® et le risque de méningiome associé [1].

Les gynécologues restent les principaux prescripteurs d’acétate de cyprotérone (39% des prescriptions), selon des données de l’année 2017. Viennent ensuite les médecins généralistes (27%), les prescripteurs hospitaliers (15%), les endocrinologues (10%) et enfin les chirurgiens (3%), à égalité avec les dermatologues (3%).

Surveillance depuis 2009

Depuis 2009, le traitement fait l’objet d’une surveillance au niveau européen après une première alerte émise en France sur le potentiel lien avec le développement de méningiome, une tumeur bénigne du cerveau.

Le lien est depuis avéré. Selon les premiers résultats d’une étude de l’Assurance maladie, portant sur 250 000 femmes exposés à l’acétate de cyprotérone, le risque de méningiome est multiplié par 7 chez les celles traitées par de fortes doses pendant plus de 6 mois et par 20 au-delà de 5 ans de traitement à posologie de 50 mg/jour (Voir Androcur et risque de méningiome : l’ANSM met en place un numéro vert).

Ces travaux ont également révélé une forte relation dose effet. Par ailleurs, le risque de méningiome augmente avec l’âge. Dans la grande majorité des cas, les méningiomes se développant sous acétate de cyprotérone ont la particularité de régresser totalement à l’arrêt du traitement. Ces tumeurs ne sont quasiment plus opérées.

Compte tenu de ces données et face au non-respect des indications, l’ANSM a lancé une réévaluation du dérivé de la progestérone. Elle a réuni un comité d’experts indépendants (CSST), dont l’avis a permis la publication de nouvelles recommandations (voir encadré). Les prescriptions hors AMM sont désormais proscrites.

Avec cet encadrement plus strict des prescriptions, bon nombre de gynécologues semblent démunis, en particulier ceux ayant l’habitude de prescrire Androcur® contre l’acné résistante. « L’acné invalidante peut avoir autant de retentissement sur la qualité de vie des patientes qu’un excès de pilosité », a souligné le Dr André.

Une extension d’indication pour l’acné?

« On peut espérer obtenir une extension d’indication de l’acétate de cyprotérone pour traiter l’acné », a ajouté le gynécologue, considérant qu’il est difficile de s’en passer dans cette situation. En attendant, « il faut essayer de respecter les indications ». Selon lui, il convient de rassurer les patientes, de les informer et surtout, « de rester très prudents lors de la prescription ».

Un avis que ne partage pas le Dr Christian Jamin (gynécologue, Paris), modérateur de la session. « Les indications actuelles d’Androcur® sont parfaites. Il ne faut pas les changer », a-t-il affirmé en fin de session. Il s’agit, selon lui, de la seule option viable contre l’hirsutisme, à condition de l’utiliser en traitement d’attaque suivi d’une mise sous estroprogestatifs.

Concernant l’acné résistante, « la cause est souvent génétique chez les femmes ». Par conséquent, « si on prescrit de l’Androcur® pour traiter de l’acné, on est obligé de l’envisager sur le long terme, car la récidive survient forcément à l’arrêt du traitement. On doit tout faire pour ne pas l’utiliser ». Une position qu’il avait déjà défendue lors d’un précédent congrès.

Selon lui, la pilule estroprogestative est à considérer comme le traitement à long terme de l’acné. « Si cela ne suffit pas, on peut y associer l’acide rétinoïque pendant six mois. L’immense majorité des cas peuvent ainsi être traités. En seconde ligne, on peut ajouter la spirolonactone (Aldactone®, Pfizer). Personnellement, je n’ai jamais eu besoin de l’acétate de cyprotérone.

L’acné invalidante peut avoir autant de retentissement sur la qualité de vie des patientes qu’un excès de pilosité  Dr Gabriel André

Relation dose-effet non évaluée

« A priori, nous n’avons pas les mêmes patients », a répliqué le Dr André. « Il est vrai que nous avons trop utilisé Androcur® contre l’acné. Il existe effectivement d’autres traitements. Mais, ils ne sont pas toujours efficaces. Et, selon mon expérience, des femmes répondent très bien à Androcur®. Parfois, on ne peut pas s’en passer ».

Intervenant également comme modérateur, le Dr David Elia (gynécologue, Paris) a surtout souligné l’absence de doses plus faibles du médicament sur le marché. « En France, nous disposons uniquement de comprimés à 50 mg, alors que dans d’autres pays, comme la Belgique ou l’Allemagne, on trouve des comprimés à 10 mg ».

Il rappelle que le risque de méningiome dépend de la durée du traitement par acétate de cyprotérone et de la dose absorbée. « Or, 50 mg, c’est une dose très forte. Même, une dose à 25 mg me parait élevée. C’est assez choquant de constater que la France est l’un des rares pays européens à ne pas disposer de doses plus appropriées pour nos patientes. »

Evoquant les résultats de l’une de ses études, le Dr Jamin a indiqué qu’une dose à 25 mg d’acétate de cyprotérone a le même effet qu’une dose à 50 mg. Ces résultats, obtenus il y a plus de trente ans, n’ont pas été pris en considération, regrette-t-il.

« L’effet anti-androgène se situe entre 12,5 et 25 mg. La dose efficace est donc à rechercher dans cet intervalle. » Cependant, aucune recherche n’a été menée sur la relation dose-effet, explique le gynécologue. « C’est l’un des problèmes avec Androcur® ».

C’est assez choquant de constater que la France est l’un des rares pays européens à ne pas disposer de doses plus appropriées pour nos patientes Dr David Elia

 

Des recommandations restrictives

Avant d’émettre ses recommandations, l’ANSM avait invité les patients à contacter leur médecin pour adapter si besoin leur traitement. L’agence a mis en place un numéro vert pour répondre aux interrogations des patients ou de leur entourage (0 805 04 01 10, du lundi au vendredi de 9h à 19h). Il est demandé aux médecins de contacter leurs patients actuellement traités pour réévaluer la nécessité de poursuivre le traitement et d’envisager un contrôle par IRM en cas de maintien.

Dans son avis rendu début octobre, le CSST a tout d’abord rappelé l’absence d’alternative dans la prise en charge des femmes présentant un hirsutisme sévère. Il s’est donc prononcé pour le maintien de la commercialisation de l’acétate de cyprotérone 50 mg en France dans le respect de ses indications. Le médicament n’est pas recommandé chez l’enfant et la femme ménopausée.

Dans ses nouvelles recommandations, l’ANSM précise que la posologie minimale doit être privilégiée. Les utilisations prolongées et à fortes doses sont à proscrire. Le rapport bénéfice/risque doit faire l’objet d’une évaluation annuelle pour chaque patiente. L’apparition d’un méningiome en cours de traitement doit conduire à son arrêt.

En ce qui concerne le suivi des patients traités, il est recommandé de réaliser une imagerie par résonance magnétique (IRM) en début de traitement, renouvelée à 5 ans, en cas de traitement prolongé, puis tous les deux ans. Chez les patients ayant arrêté le traitement, il n’est pas nécessaire de réaliser une imagerie cérébrale en l’absence de signe clinique.

 

 

 

 

 

 

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