Berlin, Allemagne -- Ajouter de la linagliptine (Tragjenta®, Lilly-Boerhinger Ingelheim) à un traitement habituel du diabète de type 2 chez des patients à haut risque cardiovasculaire ne modifie pas le pronostic cardiovasculaire ou rénal, selon les résultats de l’étude post-marketing CARMELINA (Cardiovascular and Renal Microvascular Outcome Study With Linagliptin in Patients With Type 2 Diabetes Mellitus) présentés à l’occasion du congrès de l’ EASD 2018 [1]. Ce traitement ne majore pas non plus le risque de pancréatites et celui de cancers du pancréas.
Un effet classe gliptine ?
Cette étude post-commercialisation avait été mise en place à la suite d’un avertissement de la FDA sur la famille des gliptines en 2016 en raison de la publication d’une part de l’étude SAVOR-TIMI53 (saxagliptine, Onglyza ®, AstraZeneca Pharmaceuticals LP) en 2013 qui concluait à un excès d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (augmentation de 27 %) et d’autre part de l’essai EXAMINE (alogliptine, Nesina ®, Takeda Pharmaceuticals) qui rapportait une majoration du risque d’insuffisance cardiaque (non significative toutefois). L’étude TECOS (sitagliptine, Janivia ®, Merck) n’avait pour sa part pas retrouvé une telle tendance en 2015.
Risque cardiovasculaire et rénal
CARMELINA a inclus 6991 patients recrutés dans 605 sites de 27 pays. Tous considérés comme à haut risque cardiovasculaire (IDM, coronaropathie, ou albuminurie) et les trois quarts souffraient d’insuffisance rénale (stade 3 à 5). Les patients ont été traités pendant deux ans avec de la linagliptine (5 mg) ou du placebo.
Les patients étaient âgés en moyenne de 66 ans, 17 % avaient plus de 75 ans, un peu plus d’une moitié étaient des hommes, 17 % étaient âgés de plus de 75 ans. Le diagnostic de diabète avait été posé en moyenne 15 ans auparavant et l’HbA1c moyenne s’établissait à 8 %.
Les patients ont été traités en moyenne pendant 1,9 ans : 23,9 % ont suspendu le traitement par linagliptine et 27,4 % le placebo.
En fin de période de suivi, l’HbA1c était abaissée en moyenne de 0,36 % dans le bras traitement actif.
Pas de différence sur les critères CV
Le critère principal de l’étude – la survenue d’un événement cardiaque majeur (MACE : décès, infarctus du myocarde ou AVC) – a été similaire dans les deux bras de l’étude. Au total, 854 évènements ont été recensés : parmi eux, 33,5 % d’infarctus non mortels, 14,3 % d’AVC non mortels et 52,2 % de décès CV. Aucune différence n’a été notée entre les groupes quant au temps d’apparition du premier évènement dans les deux groupes (HR = 1,02 ; P = 0,0002 pour la non infériorité; P = 0,77398 pour la supériorité).
L’incidence des hospitalisations pour angor instable, pour poussée d’insuffisance cardiaque (HR 0,90, IC95 % : 0,74-1,08, p=0,2635 pour la supériorité sous gliptine) a été considérée comme équivalente dans les deux bras pour le Dr Daren McGuire (Dallas, Etats-Unis) qui présentait les résultats cardiovasculaires.
Ni rénaux
Le suivi rénal des patients conclut à une réduction significative de la progression de l’albuminurie avec la linagliptine (HR : 0,86, p=0,0034) et de la progression de la macro-albuminurie chez des patients inclus avec une micro-albuminurie (HR : 0,84, p=0,067). Il n’y a eu, quoi qu’il en soit, aucune différence sur le critère composite concernant le rein entre les deux groupes, même après stratification selon les caractéristiques à l’inclusion.
Avec le traitement actif, le nombre de patients traités en cours de suivi par un autre antidiabétique a été abaissé de 25 % par rapport au placebo.
Cette étude est rassurante, puisqu’aucun effet indésirable particulier n’a été noté en post-marketing sur 2 ans et il semblerait même que l’incidence des pancréatites aiguës et des cancers pancréatiques soit plus élevée avec le placebo. En revanche, le nombre total de cancers est le même dans les deux bras, et le risque d’hypoglycémie n’était pas majoré.
S’intéresser au devenir microvasculaire
Si CARMELINA a été l’occasion d’aborder cette question du suivi à moyen terme des patients sous gliptines, le Dr Philip Home (Newcastle, Grande-Bretagne) fait un constat amer, « 3 à 5 milliards de dollars ont été dépensés pour les différentes études de sécurités, mais ce qu’il faut aussi mettre en place désormais ce sont des études à plus long terme (10 à 20 ans) prenant aussi en compte le devenir microvasculaire des patients et notamment des patients présentant plusieurs facteurs de risque (rénaux et cardiaques). J’espère au moins que le paradigme du risque cardiaque des gliptines sera désormais abandonné ».
L’étude a été fiancée par Boehringer Ingelheim et Eli Lilly.. Le Dr Rosenstock déclare des conflits d’intérêt avec AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Daiichi Sankyo, Eli Lilly, Intarcia Therapeutics, Janssen, Lexicon, Merck, Novo Nordisk, Sanofi, GlaxoSmithKline, Hanmi Pharmaceutical, MannKind, Merck, Novartis, Pfizer, Sanofi et Takeda Pharmaceuticals. Le Dr Toto déclare des conflits d’intérêt avec Amgen, Boehringer Ingelheim, ZS Pharma, Relypsa, Novo Nordisk, Reate, AstraZeneca et le National Institutes of Health. Le Dr Kahn déclare des conflits d’intérêt avec Novo Nordisk. Le Dr Buse déclare des conflits d’intérêt avec Adocia, American Diabetes Association, AstraZeneca, Dexcom, Elcelyx, Eli Lilly, Fractyl, Intarcia, Lexicon, Metavention, National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases, National Institute of Environmental Health Sciences, NovaTarg, Novo Nordisk, Sanofi, Shenzhen Hightide Biopharmaceutical, VTV Therapeutics, Boehringer Ingelheim, Johnson & Johnson, National Center for Advancing Translational Sciences, National Heart, Lung, and Blood Institute, Patient-Centered Outcomes Research Institute et Theracos. Le Dr McGuire déclare des conflits d’intérêt avec AstraZeneca, Sanofi-Aventis, Ortho-McNeil-Janssen, Boehringer Ingelheim, Merck, Novo Nordisk, Lexicon Pharmaceuticals, Eisai, GlaxoSmithKline, Esperion Therapeutics et Eli Lilly. |
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Citer cet article: CARMELINA : pas de sur-risque cardiovasculaire ou rénal avec la linagliptine - Medscape - 16 oct 2018.
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