Paris, France—Faut-il poursuivre une contraception après 40 ans et si oui, laquelle ? Le Pr Geneviève Plu-Bureau (hôpital Cochin, Paris, France) a répondu à ces deux questions très pratiques lors des Entretiens de Bichat 2018[1].
« Même si on observe une accélération de la perte folliculaire dès 35 ans, il faut utiliser une contraception après 40 ans si l’on n’a pas de désir de grossesse. La probabilité de grossesse spontanée aboutissant à une naissance vivante après 12 mois de rapports réguliers reste de 44 % après 40 ans et de 15 % après 45 ans », a commenté l’intervenante qui précise : « nous avons encore des femmes qui ont recours à des IVG après 40 ans ». En 2015, le taux d’IVG chez les femmes de 40 à 49 ans était de 6,9‰, selon le rapport 2016 du Ministère des affaires sociales.
Contraception orale combinée après 40 ans et augmentation du risque CV
A la quarantaine, faut-il repenser les modes de contraception ? Avec l’âge, les risques cardiovasculaires et de cancer du sein sont plus importants et doivent absolument être pris en considération.
« C’est le risque cardiovasculaire qui va être majeur dans la prise de décision », souligne l’oratrice. Or, ce risque remet clairement en question la contraception oestroprogestative.
L’incidence des thromboses veineuses augmente fortement avec l’âge chez les utilisatrices de contraception oestroprogestative : 48 /100 000 années-femmes entre 20 et 24 ans ; 152/ 100 000 années-femmes entre 40 et 44 ans et 208/ 100 000 années-femmes entre 45 et 49 ans.
« Le taux de TEV à 35 ans est équivalent à celui observé pendant la grossesse », note le Pr Plu-Bureau.
En parallèle, les taux d’incidence chez les non-utilisatrices de contraception orale combinée (COC) aux mêmes tranches d’âge sont respectivement de 21, 48 et 58 (Lidegaard O. BMJ 2011), soit près de quatre fois moindre après 45 ans.
Sur le plan de la maladie artérielle, l’AVC ischémique et l’infarctus du myocarde (IDM) augmentent également avec les années.
Evolution de l’incidence des accidents artériels en fonction de l’âge et de la présence d’une contraception orale combinée
Age |
Pas de COC |
COC |
AVC ischémique / 100 000 années-femmes |
||
20-24 ans |
5,6 |
9,2 |
40-44 ans |
39,2 |
64,7 |
45-49 ans |
64,4 |
106,3 |
Infarctus du myocarde/ 100 000 années-femmes |
||
20-24 ans |
0,7 |
1,4 |
40-44 ans |
25,4 |
50,8 |
45-49 ans |
38,2 |
76,4 |
Adapté de Lidegaard O. BMJ 2011, NEJM 2012
« Après 40 ans, l’incidence des événements vasculaires est peu acceptable dans le groupe de femmes sous contraception orale combinée », souligne le Pr Plu-Bureau.
Dans le détail, concernant différents les types de contraception oestro-progestative, « les contraceptions de 3ème génération, pilule, patch ou anneau sont les plus à risque et même les contraceptions orales à base d’estradiol sont à risque de thromboses veineuses », précise l’intervenante. En revanche, il n’y a pas de différence de risque artériel entre les contraceptions oestroprogestatives de 2ème génération et les autres.
En ce qui concerne la contraception uniquement progestative (orale, DIU, intramusculaire), il n’y a pas de modification des paramètres de coagulation ni du risque vasculaire (artériel et veineux) en dehors de l’acétate de médroxyprogestérone, assez peu utilisé en France, qui est associé un risque plus élevé de thromboses veineuses (RR = 3,60).
Rechercher les facteurs de risque CV
En pratique, avant de prescrire un moyen contraceptif et à chaque consultation de suivi, il faut rechercher les facteurs de risque cardiovasculaire. Les facteurs de risque artériels sont l’âge >35 ans, la dyslipidémie, le tabac, le diabète, l’hypertension, le surpoids-obésité, la migraine (avec aura), les ATC d’AVC ou IDM avant 60 ans (65 ans femmes). Les facteurs de risque veineux sont l’âge >35 ans, le surpoids-obésité, la thrombophilie biologique connue, les ATC familiaux avant 60 ans au premier degré, les facteurs déclenchants (plâtre, avion, allaitement, cancer…). « Il suffit de la présence d’un seul de ces facteurs de risque CV pour contre-indiquer la contraception oestroprogestative », indique le Pr Plu-Bureau.
Rechercher les signes d’hyper-oestrogénie
En parallèle, lorsque les femmes de plus de 40 ans n’ont pas de facteurs de risques CV particulier, il est très important de tenir compte de la clinique et plus spécifiquement des pathologies mammaires, notamment des mastodynies. Les mastodynies intenses pendant plus de 3 ans augmentent le risque de cancer du sein. « Il faut donc avoir une contraception qui n’induit pas une hyper-oestrogénie et donc des mastodynies. Dans ces cas, les progestatifs ont peut-être un rôle », a souligné l’oratrice.
Cinq algorithmes décisionnels
Pour faciliter la prise de décision, le Pr Plu-Bureau a présenté 5 algorithmes en fonction des différentes situations rencontrées après 40 ans.
En cas d’absence de facteurs de risque CV et/ou de pathologies gynécologiques
Les moyens de contraceptions indiqués sont :
-la contraception macroprogestative ;
-le DIU cuivre/lévonorgestrel ;
-la contraception locale ;
-la contraception définitive (pour la femme et l’homme).
En cas de mauvaise tolérance, une contraception oestroprogestative peut être discutée. Elle doit alors être réévaluée chaque année.
En cas de facteurs de risque CV
Les moyens de contraceptions indiqués sont :
-la contraception progestative ;
-le DIU cuivre/lévonorgestrel ;
-la contraception locale ;
-la contraception définitive (pour la femme et l’homme).
En cas de pathologie utérine bénigne documentée (hyperplasies de l’endomètre…)
Les moyens de contraceptions indiqués sont :
-la contraception macroprogestative ;
-le DIU lévonorgestrel.
En cas de pathologie mammaire bénigne documentée (mastodynies...)
Les moyens de contraceptions indiqués sont :
-la contraception macroprogestative ;
-le DIU cuivre/lévonorgestrel ;
-la contraception locale ;
-la contraception définitive (pour la femme et l’homme).
En cas de contre-indication au traitement hormonal (cancer du sein, pathologies hormonaux dépendantes…)
Les moyens de contraceptions indiqués sont :
-le DIU cuivre;
-la contraception locale ;
-la contraception définitive (pour la femme et l’homme).
« Après 40 ans, il y a toujours nécessité d’une contraception, il faut savoir dépister les signes d’hyper-oestrogénie et faire attention aux facteurs de risque CV pour le choix de la contraception », a conclu l’oratrice.
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Citer cet article: Quelle contraception après 40 ans ? - Medscape - 1er nov 2018.
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