Saint-Maurice, France— Alors que le Sénat vient de rendre publique son rapport sur la pénurie de médicaments et de vaccins et qu’il décrit une situation « grave », l’ANSM communique, pour la troisième fois en un mois sur des tensions d’approvisionnements en médicament.
Après l’antihypertenseur valsartan et l’antiparkinsonien Sinemet® (lévadopa/carbidopa), la nouvelle alerte concerne les médicaments anticancéreux à base de 5-Fluorouracile.
Dans un point d’information[1], l’ANSM indique que : « les patients et les établissements de santé rencontrent actuellement des difficultés importantes quant à la disponibilité des spécialités à base de 5-Fluorouracile utilisées dans le traitement de nombreux types de cancers ».
Les laboratoires rappelés à leurs obligations légales
Aussi, « afin d'éviter tout retard de prise en charge ou report de traitement pour les patients, l’agence demande aux différents laboratoires pharmaceutiques concernés de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour qu’un retour à une situation normalisée puisse se faire le plus rapidement possible, compte-tenu des enjeux pour les patients et l’organisation des soins ».
Elle rappelle, à ce titre, que la couverture des besoins sanitaires en médicaments indispensables relève de la responsabilité des laboratoires industriels qui ont pour obligation de mettre en œuvre des actions palliatives (notamment des plans de gestion de pénurie, une recherche active de pistes d’importation, un suivi étroit des données d’approvisionnement, un accompagnement des professionnels de santé, et une information anticipée et transparente auprès des autorités de santé).
L’ANSM demande urgemment aux laboratoires :
-la mise en place de dépannages inter-hospitaliers et gestion coordonnée des commandes au cas par cas ;
-la mobilisation de spécialités importées initialement destinées à d'autres marchés ;
-le déploiement de nouvelles lignes de production à terme pour sécuriser l’approvisionnement.
Quelles alternatives dans l’immédiat ?
L’ANSM rappelle que des unités importées de FLUOROURACILE TEVA et de FLURACEDYL ont déjà été mises à disposition du marché français depuis le mois d'avril 2018. Elle annonce également que des unités supplémentaires de FLURACEDYL, de FLUOROURACIL ACCORD, FLUOROURACIL HOSPIRA seront mises à disposition par les laboratoires TEVA, ACCORD et PFIZER respectivement au cours des prochaines semaines.
Une situation récurrente en oncologie
Le cas des spécialités à base de 5-Fluorouracile est loin d’être un cas isolé en oncologie. Selon une enquête de l’ANSM, en 2017, les antinéoplasiques et immunomodulateurs figuraient en 3ème place des signalements de risque de rupture de stock de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), représentant ainsi 14% des signalements.
Or, les modifications de protocoles et de prise en charge résultant du recours à des alternatives thérapeutiques ne sont pas sans entraîner des risques importants.
« L’indisponibilité récurrente de certains médicaments conduit à des pertes de chance inacceptables pour les patients notamment s’agissant des médicaments anticancéreux », ont souligné les sénateurs dans leur dernier rapport sur la pénurie de médicaments.
Ces derniers citent notamment les accidents survenus au CHU de Nantes en 2017, lorsque les tensions d’approvisionnement en melphalan, utilisé dans la prise en charge de lymphomes ont nécessité la mise en place d’un nouveau protocole de soins.
Les sénateurs rapportent également le témoignage du Dr Yann Neuzillet, chirurgien urologue à l’hôpital Foch de Suresnes, qui a alerté la mission d’information sur les risques associés à la pénurie de BCG, utilisé pour le traitement adjuvant de certaines tumeurs de la vessie. Le chirurgien indique que les produits considérés comme bioéquivalents n’ont pas le même rapport bénéfice-risque et que, de ce fait une partie des patients qui n’ont pas pu bénéficier du BCG ont subi ou une récidive de leur cancer, ou une ablation totale de la vessie.
Enfin, dans la maladie de Hodgkin, le remplacement du traitement usuel par méchlorétamine (Caryolysine®) par un protocole modifié incluant le cyclophosphamide serait beaucoup moins efficace (75 % de survie sans progression à 2 ans avec le protocole sans méchlorétamine versus 88 % avec[2]).
Pour remédier à ces situations de pénurie de plus en plus prégnantes, les sénateurs ont fait 30 propositions allant d’incitations fiscales pour les fabricants bons élèves à des sanctions financières pour les mauvais, en passant par le renforcement d’une production publique (Lire Pénurie de médicaments : un rapport du Sénat sonne l’alarme).
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Citer cet article: Pénurie en 5-Fluorouracile : l’ANSM rappelle leurs obligations aux industriels - Medscape - 8 oct 2018.
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