Paris, France -- La présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2019 (PLFSSS 2019) a eu lieu ce mardi 25 septembre par Gérald Darmanin, Ministre de l’Action et des Comptes publics et Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Et l’on peut dire que ce budget prévisionnel relève d’un subtil jeu d’équilibristes navigant entre la volonté de respecter des engagements en matière de maîtrise de la dépense publique et nécessité de libérer « des marges de manœuvre en faveur de l’investissement hospitalier et la transformation du système de soins ». Les syndicats, prompts à adouber le plan gouvernemental, ont fait part de leur déception et de leurs craintes sur les moyens accordés (et les économies suggérées). Passage en revue des mesures les plus à mêmes de concerner les médecins, en ville et à l’hôpital, et réactions des syndicats.
Retour à l’équilibre
Le PLFSS 2019 a été présenté une semaine, jour pour jour, après le plan « Ma santé 2022 » [1]. Ce « timing » ne doit rien au hasard : une grande partie des mesures prises dans le cadre du plan « macronien » de transformation du système de santé sont financés par le PLFSS 2019. Ce plan ne devrait d’ailleurs pas peser plus que cela sur les finances de la sécurité sociale puisque pour la première fois depuis 18 ans, le budget prévoit un retour à l’équilibre avec un solde prévisionnel de 0,7 milliards d’euros (contre - 1 milliard en 2018), même si l’assurance maladie restera déficitaire à - 0,5 milliard d’euros. L’apurement total de la dette sociale est, lui, prévu à l’horizon 2024.

L’ONDAM à 2,5%, une évolution exceptionnelle
Le taux de progression de l’objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) sera de 2,5% contre 2,3% l’an dernier. Une « évolution exceptionnelle » qui marque, indique le dossier de presse, la volonté de renforcer l’effort d’investissement pour transformer le système de santé dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ». Les moyens supplémentaires dégagés devraient donc être consacrés à la mise en place dès 2019 des principales mesures adoptées pour structurer les soins de proximité : création de communautés professionnelles territoriales de santé, financement de postes d’assistants médicaux, structuration des hôpitaux de proximité, nouvelles formes de tarification comme la prise en charge hospitalière du diabète et de l’insuffisance rénale chronique en 2019 (élargie à d’autres pathologies en 2020), incitation à la qualité (l’enveloppe passera de 60 millions d’€ à 300 millions d’€).
Nouveaux modes d’exercice : expérimentez !
Les nouveaux modes d’organisation des professionnels de santé ne sont pas oubliés, le PLFSS 2019 prévoit de favoriser leur émergence. Huit mois après l’ouverture de ce droit à l’expérimentation (rendue possible grâce à l’article 51 du PLFSS 2018), 82 lettres d’intention, sur des projets à l’initiative des acteurs de santé, ont été déposés auprès des ARS. De même que 7 cahiers des charges, correspondant à des projets finalisés, indique le gouvernement. En 2019, l’idée est de rendre possible des projets encore plus ambitieux, notamment sur le champ des établissements de santé, quitte à faire fi (à titre exceptionnel) de certaines règles relevant des règles d’organisation ! Enfin, tout devrait être mis en place pour faciliter l’exercice groupé en permettant aux sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoire (SISA) d’embaucher des infirmiers en pratique avancée.
Une disposition facilite par ailleurs le remplacement de médecins par des étudiants en médecine ou de jeunes médecins qui ont une pratique ponctuelle du remplacement, en simplifiant le régime social associé, un obstacle qu’avaient signalé les acteurs de terrain. « Concrètement, cela permettra aux médecins effectuant des remplacements de simplifier la déclaration et le paiement de leurs cotisations sociales grâce à l’instauration d’un taux unique et d’une assiette simple ».
La prévention reste une priorité
Ce gouvernement a voulu faire de la prévention sa priorité et le PLFFS 2019 lui en donne les moyens, nous dit-on. Premier combat : la lutte contre les substances psychoactives, dénomination qui inclut aussi bien les produits licites (alcool, tabac) qu’illicites, responsables en France de plus de 12000 décès évitables par accidents ou maladie. Ainsi, le champ d’intervention du fonds de lutte contre le tabac va être élargi aux addictions liées à ces substances, hausse des moyens à l’appui avec, au bas mot, 10 millions d’euros de plus, alimenté par les amendes contre la consommation de cannabis.
Comme la prévention commence par les plus jeunes, un focus devrait être mis sur le repérage et la prise en charge précoce des problèmes médicaux ou des troubles sensoriels. Les marges de progression en matière de prévention étant particulièrement fortes dans le domaine bucco-dentaire, le programme de prévention « M’T dents » sera étendu aux enfants dès 3 ans. Pour les 3 - 24 ans, la consultation d’un dentiste pour un dépistage et les soins qui en découlent seront intégralement pris en charge par l’assurance maladie et sans avance de frais, a minima une fois tous les trois ans.
Enfin, au vu du succès de l’expérimentation dans deux régions de la vaccination contre la grippe dispensée par des pharmaciens, la mesure est élargie à deux régions supplémentaires pour la campagne 2018- 2019 et une généralisation à l’ensemble du territoire est prévue pour la campagne 2019-2020.
Les génériques, ça devient automatique
Autres postes de dépenses important : le médicament. Avec un cheval de bataille récurrent qui consiste à inciter les médecins à recourir aux génériques. Ici, la mention « Non substituable », apposée de façon manuscrite par le médecin, passe à la trappe. Un moyen d’empêcher les contrefaçons, comprendre l’ajout à la main par le patient. Si mention (en format informatique) il y a, elle devra obligatoirement être basée sur des « critères médicaux objectifs » définis en lien avec l’ANSM. Et pour enfoncer le clou, un patient qui refusera à l’avenir de se voir substituer une molécule princeps par un générique sera remboursé selon le prix du générique et non celui du princeps.
Extension des ATU… aux extensions d’indication thérapeutique
Toujours concernant les médicaments, mais cette fois les plus innovants, les autorisations temporaires d’utilisation (ATU) devraient désormais concerner également les extensions d’indication thérapeutique alors qu’aujourd’hui le dispositif est réservé uniquement à la première indication thérapeutique demandée. « Cette règle restrictive n’est aujourd’hui plus adaptée aux produits d’immunothérapie, pour lesquelles l’accès au marché pour le même produit est réalisé par phases successives, dans différentes indications » précise le gouvernement. Et aussi, une procédure de prise en charge anticipée par l’Assurance maladie de certains dispositifs médicaux sera introduite au travers de ce PLFSS. « Cet accès rapide sera réservé aux dispositifs médicaux innovants, indiqués dans une maladie pour laquelle il n’y a pas d’alternatives thérapeutiques, et pour lesquels l’efficacité et la sécurité sont établies. Un tarif de remboursement temporaire sera fixé, dans l’attente de la conclusion de négociation entre le CEPS et l’entreprise concernée ».
Patients : faciliter l’accès aux soins, y compris pour les plus vulnérables
En matière de protection sociale, le PLFSS instaure un accès à des soins pris en charge à 100% dans le secteur de l’optique, de l’audiologie et du dentaire sur un panier dit « 100% Santé» comprenant des équipements de qualité et répondant à l’ensemble des besoins de santé. Cette absence de reste à charge sera garantie dès 2020 pour l’optique et une partie du dentaire et en 2021 pour l’ensemble des secteurs.
Pour les plus vulnérables, la complémentaire santé (ACS) et la CMU complémentaire (CMU-C) vont être fusionnées. Une réforme qui offrira à tous les assurés sous le plafond de ressources la prise en charge complémentaire de la totalité des frais de soins sur un très large panier de soins et qui devrait, nous dit-on, être particulièrement favorable aux personnes âgées (avec une cotisation à moins de 1€ par jour) et aux personnes handicapées.
Espoirs déçus des syndicats
La mariée était-elle trop belle ? Si le plan « Ma santé 2022 » a été favorablement accueilli par la communauté médicale, pour le PLFSS 2019, c’est plutôt la douche froide. Dans un communiqué, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) considère que « la tendance naturelle de l’évolution des dépenses de l’assurance maladie serait de 4,5 %. L’Ondam 2019 fixé à 2,5 %, salué par nombre d’acteurs comme étant une avancée, nécessitera néanmoins un nouveau plan d’économies drastiques : ceci ne peut plus être supporté par les soins de ville ». Quant à la suppression de la mention manuscrite « non substituable », la CSMF rappelle que cette mention, dans la grande majorité des cas, correspond à des situations particulières : risque de confusion de médicaments chez des personnes âgées, ou chez des personnes analphabètes, qui ne reconnaissent le médicament, par exemple, que selon la couleur de la boite… « Justifier pleinement l’utilisation de la mention non substituable sur une ordonnance se heurtera donc à la défense du secret médical, et au nécessaire respect dû à chaque individu, quels que soient son état de santé, sa situation sociale ou culturelle », ajoute la confédération médicale.
Du côté des médecins hospitaliers la désillusion est plus grande. Pour Action praticien hôpital, qui regroupe les deux grandes confédérations Avenir hospitalier et Confédération des praticiens hospitaliers (CPH), ce PLFSS dénonce de nouvelles restrictions à hauteur de 3,8 milliards, et la suppression de 30 000 postes hospitaliers. « Les Hôpitaux n’en peuvent plus, avec des déficits qui explosent, le mal-être des soignants est à son comble, les accidents dans les soins, souvent liés au surmenage du personnel, fleurissent dans la presse… », rage la Confédération dans un communiqué au titre explicite « Après les promesses chatoyantes, la douche glacée pour la Santé et l’Hôpital! ».
Espoirs déçus aussi du côté de la Fédération hospitalière de France, qui, dans un texte intitulé « PLFSS 2019, vers un rendez-vous manqué », annonce avoir voté, dans la foulée de la présentation du PLFSS 2019, une motion exigeant un « plan d’urgence pour les établissements publics de santé et médico-sociaux et ce d’ici la fin de l’année et dès le PLFSS 2019 ». La FHF demande entre autres, l’arrêt de la baisse des tarifs en 2019, la restitution en 2018 des crédits non consommés, des réponses à la crise de la psychiatrie, des mesures pour le médico-social, etc.
Même la fédération de l’hospitalisation privée (FHP) confesse une appréciation du PLFSS 2019 en demi-teinte. « Certes, l’augmentation de 2.4% de l’Ondam hospitalier traduit la volonté politique bienvenue de mettre des moyens en face des ambitions affichées par les annonces récentes de l’exécutif », reconnait Lamine Gharbi, son président. Tout en poursuivant : « Mais cet effort d’investissement dans la santé ne doit pas occulter l’objectif de réalisation de 3,9 milliards d’économies en 2019. Et c’est là que le bât blesse : les différents postes d’économies ne sont pas documentés, et cela constitue une préoccupante « boîte noire » ».
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Citer cet article: PLFSS 2019 : le financement est-il à la hauteur des ambitions du plan "MaSanté 2022" ? - Medscape - 28 sept 2018.
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