Syndrome d’apnée du sommeil : quand les big data détectent les apnées centrales

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

1er octobre 2018

Paris, France -- Lors du congrès de l’ERS, le Pr Jean-Louis Pépin (service de pneumologie, CHU de Grenoble) a animé une session sur les transformations de la recherche et de l’exercice médical qui pourraient découler de l’accumulation de données informatiques dans des pathologies bénéficiant d’un monitorage régulier.

C’est le cas des syndromes d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) où le télé-monitoring donne accès, pour la première fois en médecine, à une masse de données inédites en vie réelle. L’analyse de ces « big data » permet une meilleure prise en charge à la fois individuelle – et notamment en détectant les apnées centrales du sommeil qui ne répondent pas au traitement en pression positive (CPAP) – et collective, en précisant la définition syndromique, en participant à la méthodologie diagnostique, en affinant la prise en charge et en influant sur les comorbidités.

Au niveau individuel

« Si le diagnostic et le suivi individuel des SAOS ont été, pendant longtemps, essentiellement fondé sur l’analyse de la polysomnographie – reflet instantané du sommeil –, le télémonitoring permet désormais l’analyse au jour le jour des déterminants de la surveillance individuelle. C’est grâce à cette approche qu’il est possible de détecter des apnées centrales du sommeil chez des patients non ou mauvais répondeurs à la CPAP », analyse le Pr Pépin.

Le traitement par pression positive, en effet, est actif sur les apnées obstructives du sommeil dont l’origine est mécanique.

A l’inverse, les apnées centrales du sommeil sont caractérisées par des troubles de la commande ventilatoire ou une diminution de la capacité respiratoire en dehors de tout syndrome obstructif. Il s’agit d’un groupe hétérogène : certains patients présentent une hypercapnie associée à une trouble de la commande ventilatoire (hypothyroïdie, infarctus du tronc cérébral, encéphalites, malformation d’Arnold Chiari), d’autres sont eucapniques voire hypocapniques : leur commande ventilatoire est fonctionnelle mais ils présentent des épisodes d’apnée induite par le sommeil ou par une respiration périodique (stimulation du centre du contrôle respiratoire en réponse à une hypoxie et une acidose avec hyperventilation qui provoque un phénomène de ré oxygénation induisant à son tour une alcalose et secondairement une hypoventilation par hypopnée et apnée).

Ces apnées centrales ne répondent pas bien au traitement par CPAP et nécessitent une ventilation auto-asservie (support inspiratoire couplé à une pression positive de base).  Il est même parfois possible de coupler CPAP et ventilation auto-asservie.

« Lorsque l’analyse du télémonitoring détecte l’apparition d’apnées centrales du sommeil chez un patient traité sous CPAP, une modification du type de ventilation permet une amélioration des symptômes et, de ce fait, une meilleur compliance », continue le Pr Pépin.

Au niveau collectif

En termes de population, l’analyse des données de grandes cohortes de patients traités par CPAP permet d’apprécier en vie réelle une population de taille bien plus importante que celle de toutes les études cliniques. Ainsi, des données sont actuellement disponibles sur 2 millions de personnes qui utilisent des CPAP aux Etats-Unis. Cette maladie représente dans ce pays le 4ème coût global par affection (après les cancers, le diabète et les maladies cardio-vasculaires et avant l’hypertension, les AVC ou l’insuffisance cardiaque).

Sur la cohorte de 2 millions de patients étudiés aux Etats-Unis, la compliance est de 75 % sur les 90 premiers jours, en moyenne 5,1 heure par nuit. « Il est intéressant de noter que l’utilisation du dispositif peut être favorisée par des dispositifs couplés sur les smart phones (message de rappel, outil de suivi, etc.) » indique le pneumologue.

Répondre aux défis de la prise en charge

D’un point de vue collectif, les big datas permettent aussi de répondre à certains des défis dans la prise en charge de l’apnée du sommeil

-meilleure définition du syndrome : définition de stades qui reflètent mieux la clinique, intégration des phénotypes dans le diagnostic clinique, identification des patients à haut risque, définition de la sévérité et de l’impact possible sur la conduite ;

-amélioration du diagnostic : screening des populations à risque, nouveaux algorithmes fondés sur les mesures de suivi, appréciation de la fonction respiratoire ;

-optimisation des traitements : selon le phénotype, selon la réponse à la CPAP, utilisation de la ventilation auto-asservie en cas d’apnée centrale, outils de télémédecine pour améliorer la compliance ;

-traiter les comorbidités : en prévention primaire en secondaire grâce à une analyse des facteurs de risques et de leur impact, et en prenant en compte l’impact de la CPAP sur les comorbidités.

 

 

 

 

 

 

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