
Pr Martine Gilard
Paris, France — Les idées reçues ont la vie dure et la pathologie cardiovasculaire continue à être vue comme une maladie typiquement masculine. « C’est pourtant la première cause de mortalité chez la femme » rappelle avec insistance le Pr Martine Gilard, Présidente de la Société Française de Cardiologie (SFC) [1]. Bien loin devant le cancer du sein, puisque la pathologie cardiovasculaire tue 4 fois plus. Ce qui a donné l’alerte, c’est l’emballement du rythme : « au cours des 10 dernières années, on a observé une progression de 25% des infarctus chez la femme jeune (non-ménopausée), celle-là même que l’on croyait protégée par son statut hormonal » poursuit la cardiologue interventionnelle du CHU de Brest.
Pour la SFC, il est temps d’agir. Mais enrayer le phénomène suppose avant tout de le comprendre et de l'expliquer. C’est pourquoi, la Société savante a décidé d’une levée de fonds auprès des entreprises mécènes et donateurs. Objectif affiché : récolter 150 000 euros pour financer, via sa Fondation Cœur & Recherche, un projet de recherche d’envergure, réunissant des équipes sur l’ensemble du territoire français, sur ce thème. La clôture de la campagne de collecte de fonds en septembre 2019 s’accompagnera d’un lancement à appel de projet auprès des chercheurs français.
La cause reste une énigme
Si la Société Française de Cardiologie a décidé de mobiliser toute la communauté scientifique sur la question des maladies cardiovasculaires, c’est qu’à l’heure actuelle, l’augmentation de leur incidence chez les femmes de moins de 60 ans reste une énigme. « On a bien des pistes comme la prévalence du tabagisme, qui n’a cessé de croître chez la gente féminine, et ce dès le lycée. Ou encore la sédentarité et la surcharge pondérale » considère le Pr Gilard. Il est vrai que s’ajoute à la journée de travail des femmes, la gestion domestique – qu’on appelle désormais la charge mentale –, qui laisse peu de temps pour les activités sportives. « Mais au-delà des hypothèses, il est aujourd’hui fondamental de connaitre la réalité des causes » considère la cardiologue, celles-ci pouvant être aussi d’origine physiologique. « On sait, par exemple, qu’il existe une fragilité artérielle chez les femmes les prédisposant à une dissection coronaire, laquelle consiste en une rupture de la paroi de l'artère, ou à la formation d’un hématome dans la paroi, qui peut entrainer une occlusion de l’artère coronaire, engageant le pronostic vital. Une situation qui se voit particulièrement en post-partum, mais pas seulement. L’étude française DISCO menée sous l’égide du Pr Pascal Motreff, cardiologue au CHU de Clermont-Ferrand devrait permettre d’en savoir plus (voir encadré) » explique le Pr Gilard.
A l’image de cet essai, la Fondation Cœur & Recherche espère pouvoir lancer dès la fin 2019, date de la sélection du projet par le Conseil scientifique, une vaste étude permettant de mieux comprendre ce qui fragilise le cœur des femmes.
DISCO, l’étude
L’étude DISCO s’intéresse à une pathologie cardiaque rare, peu connue et certainement sous-estimée (environ 1 000 à 1500 cas par an en France), touchant essentiellement des femmes de moins de 60 ans, sans facteurs de risque cardiovasculaires : la DISection COronaire spontanée.
Son objectif est de recenser l’ensemble des dissections coronaires spontanées survenues en France depuis 2010. L’analyse des données médicales collectées devrait permettre de mieux comprendre l’origine de la maladie et de faire connaître les signes cliniques et les images typiques observées dans cette pathologie. Sa cause reste en effet à ce jour inconnue, même si une fragilité de la paroi des artères a été évoquée et des facteurs favorisants son apparition (exercice physique, un stress émotionnel intense, fin de grossesse et post-accouchement) identifiés.
Des premiers résultats partiels de DISCO seront présentés au cours des prochaines Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie à Paris en janvier prochain.
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Citer cet article: Infarctus du myocarde de la femme jeune : de la nécessité de « booster » la recherche - Medscape - 27 sept 2018.
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