Bédaquiline ou délamanid : efficaces sur la tuberculose MR mais non sans risque

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

26 septembre 2018

Paris, France – Peut-on envisager une éradication de la tuberculose à l’horizon 2050 ? Quels rôles pour les nouveaux antituberculeux ? Le sujet a fait l’objet d’une présentation au congrès de l’ERS[1].

Deux nouvelles molécules, les premières depuis 50 ans

« Si l’on veut atteindre l’objectif de l’OMS – c’est à dire éradiquer la tuberculose dans le monde d’ici 2050 – il est nécessaire de proposer des traitements universels et raccourcis (ce qui devrait être le cas en 2020) et de mettre à la disposition des patients atteints de souches résistantes voire ultra-résistantes de nouveaux traitements. Aujourd’hui, nous disposons de deux nouvelles molécules – la bédaquiline (Sirturo® approuvée par la FDA en 2012), et le délamanid (Deltyba® approuvé par l’EMA en 2013). Ce sont les premiers antituberculeux développés depuis 50 ans ! » a expliqué le Dr Giovanni Batista Migliori (Tradate, Italie) au congrès de l’ERS. Sachant que « l’utilisation de ces traitements reste encore très encadrée : l’OMS ne les recommande que chez des patients atteints de souches multi-résistantes, dans des conditions de suivi particulières et seulement chez les enfants de plus de 6 ans. » a-t-il ajouté.

77 % de succès avec la bédaquiline

La bédaquiline est une diaryquinoline mise au point en 2007 et dont les premiers résultats positifs dans le traitement de la tuberculose ont été publiés en 2014[2].

En association avec une pentathérapie, elle permet une conversion des crachats plus rapide que le placebo (83 jours contre 125). Les essais cliniques réalisés depuis 2014 rapportent un taux de succès du traitement par bédaquiline de 77 % en moyenne en Europe et 64 % en Afrique.

Si la survenue en nombre d’effets secondaires n’est pas majorée avec la bédaquiline par rapport au placebo, plus d’un patient sur 10 dans les essais de phase 2 se plaignait de céphalées, arthralgies, vertiges ou nausées. Plus rarement (moins d’une fois sur 10), ils présentaient des diarrhées, une cytolyse hépatique ou des douleurs musculaires. Enfin, cet antituberculeux peut être à l’origine d’un allongement du QT.

Les autorités sanitaires insistent sur l’importance de la signature d’un consentement éclairé, sur la mise en place de mesures de pharmacovigilance et sur l’intérêt de la surveillance du QT. «Cette  surveillance du QT est un défi dans les conditions rurales, et c’est en partie peut être pour cela que le taux de succès est moins important en Afrique qu’en Europe, puisque les décès y sont plus fréquents », analyse le Dr Migliori.

 
Cette surveillance du QT est un défi dans les conditions rurales Dr Giovanni Batista Migliori
 

Le délamanid, alternative à la bédaquiline

Le délamanid est un nitroimidazolé dont les premiers résultats positifs sur les souches de tuberculose multi-résistantes ont été rapportés en 2012 [3]. Ce traitement, prescrit en association avec le traitement des tuberculoses multi-résistantes, améliore significativement le taux de conversion des crachats à 2 mois.

Ce traitement représente une alternative à la bédaquiline dans les tuberculose MDR (résistantes à l’isoniazide et à la rifampicine), pré-XDR (résistantes à l’isoniazide, à la rifampicine, aux fluoroquinolones ou à un aminoside injectable) et XDR (résistantes à l’isoniazide, à la rifampicine, aux fluoroquinolones ou à un aminoside injectable).

Parmi les effets secondaires du délamanid, outre les effets digestifs et neurologique, la survenue d’allongement du QT est significativement plus fréquente qu’avec le placebo.

Afin de diminuer les risques de décès par allongement du QT, il est conseillé de  contrôler l’ECG et les électrolytes sanguins (potassium, calcium et magnésium) avant le traitement et régulièrement pendant la cure.

En association, 25 % d’allongement du QT

« Avec l’arrivée de ces deux nouveaux médicaments, de plus en plus de patients souffrant de tuberculose résistantes ont pu avoir accès à des traitements efficaces. Reste que parfois – devant la gravité clinique et biologique et après avis pluridisciplinaire – un traitement combiné par bédaquiline et délamanid peut être proposé avec un suivi clinique et pharmacologique particulièrement intensif », continue le Dr Migliori. A ce jour, moins d’une centaine de patient a bénéficié d’une telle association avec un taux de succès important (70 à 100 %) mais au prix d’un allongement significatif du QT pour un quart des patients.

 

 

 

 

 

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