Global leaders : une monothérapie par ticagrélor ne fait pas mieux que la DAPT après stenting

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

25 septembre 2018

Munich, Allemagne — Une monothérapie par ticagrelor inhibiteur réversible des récepteurs plaquettaires P2Y12, est-elle supérieure à la bithérapie antiplaquettaire classique (DAPT), plus aspirine après implantation de stent ? C’était la question posée par l’étude Global-Leaders dont les résultats ont été présentés à l’ESC cette année[1]. Et la réponse est négative. A 2 ans, le taux de mortalité toute cause et d’infarctus du myocarde non fatal avec onde Q n’est pas significativement réduit avec la stratégie testée versus le traitement de référence. Les résultats ont été publiés dans le Lancet [2].

Quel traitement post-implantation de stent actif ?

Le ticagrélor en monothérapie précoce et au long cours peut-il faire mieux qu’une DAPT usuelle de 12 mois suivie d’aspirine ? « L’idée était de s’affranchir du sur-risque de saignement potentiellement associé à la prise d’aspirine (même à faible dose) ajouté au ticagrelor, tout en maintenant les bénéfices cliniques d’un antiplaquettaire puissant après angioplastie, au-delà de la période de haut risque de thrombose de stent des 30 premiers jours » a expliqué le cardiologue interventionnel, Patrick Serruys (Erasmus Medical Center, Rotterdam), lors de la présentation des résultats en conférence de presse.  

Pour le savoir, les investigateurs de Global Leaders ont mis au point un essai randomisé. Les 15 968 patients, issus de 130 centres dans 18 pays (Europe, Amérique du Nord et de Sud, Asie), ont tous bénéficié d’une angioplastie avec pose de stent actif. Les patients du bras expérimental ont reçu un traitement expérimental par ticagrélor 90 mg deux fois par jour durant 24 mois (en association à l’aspirine 75-100 mg/j durant le premier mois). Tandis que les patients du groupe standard recevaient un traitement standard par aspirine (75-100 mg/j) plus clopidogrel 75 mg/j (pour ceux qui présentaient une coronaropathie stable) ou du ticagrélor 90 mg deux fois par jour (pour ceux qui présentaient un syndrome coronarien aigu) durant un an, suivi d’aspirine pendant 12 mois.

 
L’idée était de s’affranchir du sur-risque de saignement potentiellement associé à la prise d’aspirine (même à faible dose) Pr Patrick Serruys
 

Pas de supériorité de la monothérapie

À 2 ans, le traitement expérimental ne s’est pas révélé supérieur au traitement standard sur le critère principal d’évaluation (voir tableau) : 304 (3,81%) des participants du bras expérimental et 349 (4,37%) du groupe contrôle étaient décédés ou avaient eu un infarctus du myocarde non fatal avec onde Q (critère composite), soit un RR de 0,87 [IC95% : 0,75-1,01], p=0,073. La mortalité toute-cause est survenue chez 224 (2,8%) patients dans le groupe expérimental contre 253 (3,2%) dans le groupe traitement standard (RR 0,88, IC95% : 0,74–1,06, p=0,186), tandis que l’incidence des infarctus du myocarde non fatal a été de 1,0% versus 1,3%, respectivement (RR 0.80, [IC95% : 0,60–1,07], p=0,142). Par ailleurs, des saignements de grade 3 et 5 sont survenus chez 163 individus dans le groupe expérimental et 169 dans le groupe contrôle (2,04 vs 2,12%, RR 0,97 [IC95% : 0,78-1,20], p=0,77).

Critères

Nbre de patients

Groupe experimental (N=7980) (%)

Groupe contrôle (N=7988) (%)

RR (IC95%)

Valeur p

Mortalité et IDM non fatal

3,81

4,37

0,87 (0,75 – 1,01)

0,073

Mortalité toute cause

2,81

3,17

0,88 (0,74 – 1,06)

0,18

IDM avec onde Q

1,04

1,29

0,80 (0,60 – 1,07)

0,14

Saignements (grade 3 à 5)

2,04

2,12

0,97 (0,78 – 1,20)

0,77

La question de l'adhésion au traitement

En conclusion, l’étude Global Leaders n’a pas réussi à montrer la supériorité d’une stratégie fondée sur une monothérapie par ticagrélor, ni, par conséquent, l’intérêt de changer les schémas actuels.

Cependant, dans sa présentation des résultats, le Pr Serruys n’a pas manqué d’arguments pour expliquer ce résultat négatif, en évoquant la question de l’adhésion au ticagrelor, en particulier pendant la deuxième année, qui a été mauvaise, et a pu compromettre la supériorité de la stratégie expérimentale. « Si l’étude avait été stoppée à 1 an, elle aurait probablement été positive », a considéré l’investigateur.

Et, en effet, l’adhésion au traitement était de 82% et 89% à la fin de la première année dans le bras expérimental et contrôle, respectivement. Puis ce chiffre est passé à 79% dans le groupe expérimental à 18 mois tandis qu’il se maintenait à 92 % dans le bras contrôle. A 2 ans, 18% des patients du bras expérimental avait stoppé leur traitement contre 7%, dans le bras contrôle. Raison avancée pour ces arrêts de traitement : la survenue de dyspnée, un effet secondaire connu du ticagrélor.

Par ailleurs, le fait d’avoir « amalgamé » des patients stables et aigus dans le groupe contrôle a pu aussi perturber les résultats, a ajouté l’orateur.

En attendant, l’aspirine reste leader

Dans un commentaire accompagnant la publication de l’article dans le Lancet, intitulé «Aspirin—still the GLOBAL LEADER in antiplatelet therapy », le Dr Deepak Bhatt (Brigham and Women's Hospital, Boston) considère que les stratégies de dé-escalade de la durée et de l’intensité de la bithérapie antiplaquettaire sont intéressantes en termes de réduction du risque de saignement et précise que si les pratiques ne vont pas changer sur la base de cet essai, cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas améliorer les standards actuels en la matière. « La meilleure façon d’optimiser la balance bénéfice/risque (événements ischémiques/saignements) serait d’utiliser des tests biologiques ou de simples scores de risque pour établir la durée et l’intensité d’un traitement antithrombotique chez chaque patient » propose-t-il. « Ce qui laisse encore un grand champ d’investigation pour une médecine plus personnalisée » conclut-il, ajoutant que d’autres études sont en cours pour savoir si la thérapie antiplaquettaire post-stenting peut être écourtée.

 
Cela laisse encore un grand champ d’investigation pour une médecine plus personnalisée Dr Deepak Bhatt
 

 

L’étude GLOBAL LEADERS a été financée par l’Institut européen de recherche clinique (European Clinical Research Institute), qui reçoit des financements de Biosensors International, AstraZeneca, et de Medicines Company. Le Pr Serruys a reçu une retribution financière des laboratoires suivants :  Abbot Laboratories, AstraZeneca, Biotronik, Cardialysis, GLG Research, Medtronic, Sino Medical Sciences Technology, Société Europa Digital Publishing, Stentys France, Svelte Medical Systems, Philips/Volcano, St Jude Medical, Qualimed, et Xeltis.

 

 

 

 

 

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