Plan de transformation du système de santé : que va-t-il vraiment changer?

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

21 septembre 2018

Paris, France – Impossible d’y échapper, le plan de transformation du système de santé intitulé "Ma santé 2022" et présenté mardi dernier, a fait l’objet d’une méticuleuse campagne de communication de la part du gouvernement.

D'abord, des fuites dans la presse pour créer un peu de « teasing » : les pouvoirs publics envisageraient de supprimer le numerus clausus. Puis, le lundi 17 septembre, une conférence de presse en off organisée à l'Élysée, où a été confirmé l'abandon du numerus clausus, mais aussi l'augmentation de 400 millions d'euros du budget de la santé en 2019, tout en déroulant les principales mesures de ce plan (voir encadré). Enfin, le jour J, ce 18 septembre, la communication officielle s'est déroulée en deux temps. Le discours du président de la République, en milieu de matinée, devant des pontes du monde de la santé, puis la conférence de presse d'Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, laquelle conférence a été largement éclipsée, du reste, par le discours d'Emmanuel Macron quelques heures auparavant... Une opération de com millimétrée pour un enjeu de taille : éteindre le feu qui a pris au lac sanitaire.

Multiplication des conflits sociaux

Car depuis qu’Emmanuel Macron a pris les rênes de l'Hexagone, en 2017, les conflits sociaux et les cris de détresse se multiplient dans les hôpitaux. Ainsi, en l'espace d'une année, plusieurs centaines de praticiens hospitaliers ont rédigé deux lettres ouvertes au gouvernement pour les alerter sur la catastrophe à venir dans les établissements de santé, par manque de moyens, de management participatif, et par un excès d'économie inscrite dans le plan triennal 2015-2017. Au début de l'année 2018, dans toute la France, les urgences ont connu une vague de grève importante. Dans certains établissements de santé psychiatrique, comme au centre hospitalier du Rouvray, les personnels ont été jusqu'à observer une grève de la faim avant que la direction ne décide de la création, ou du maintien, de nouveaux postes. Même les EHPAD, direction et personnel main dans la main, ont observé une journée de grève le 30 janvier dernier. Autant de mouvements sociaux ont conduit le pouvoir à proposer une « transformation du système de santé », De fait, en guise de « transformation », « Ma santé 2022 » – car tel est le nom de ce nouveau plan – s'inscrit, à l’exception de quelques nouveautés, dans la continuité des réformes passées, en particulier celles mises en place par Marisol Touraine.

Ma santé 2022, ce qu’il faut en retenir

- Une loi : les 54 mesures du plan « Ma santé 2022 » devraient être inscrite dans la prochaine loi de financement de la sécurité sociale 2019. Par ailleurs, une loi devrait être votée la même année. En effet, les dispositions ayant trait à l’exercice libéral seront négociées dans le cadre de la convention médicale

- Budget : la présentation du plan, au global, n’a pas été chiffrée. Toujours est-il que l’objectif national de dépense de l’assurance maladie (Ondam) pour l’année 2019 a été revue à la hausse de +0,2 point, soit 400 millions d’euros de plus. Par ailleurs, le ministère de la santé a estimé que le coût d’un assistant médical serait de 50 000 euros l’année, soit 200 millions d’euros par an pour 4000 assistants médicaux.

- les mesures : si le plan comporte 54 mesures, on peut le résumer en 10 mesures phares.

1- création en 2019 de financement au forfait pour la prise en charge à l’hôpital du diabète et de l’insuffisance rénale chronique ;

2- Déploiement à l’horizon 2022 de 1000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ;

3- Soutien financier auprès des médecins libéraux pour l’embauche d’assistants médicaux ;

4- Labellisation dès 2020 des premiers hôpitaux de proximité ;

5- Réforme des autorisations d’activité de soins, en vue d’une gradation des soins jusqu’en 2020 ;

6- Création d’un statut unique de praticien hospitalier ;

7- Restaurer la place prééminente du service dans l’organisation hospitalière ;

8- Élargissement des compétences de la Commission médicale d’établissement (CME) ;

9- Suppression du numerus clausus et refonte des premiers cycles des études de santé ;

10- Réforme du 2e cycle des études médicales et suppression des épreuves classantes nationales (ECN).

Deux mesures réellement innovantes

Ce plan, qui devrait s'étaler jusqu'en 2022, développe nombre d'initiatives prises par l'ancienne ministre de la santé du gouvernement de François Hollande. Orienté autour de trois points cardinaux – le patient au cœur du système, l'articulation entre médecine de ville, hôpital et médico-social, réforme de la formation et des métiers de santé – il reprend et amplifie des mesures phares déjà présentes présentes dans la loi de santé et le Pacte de confiance de Marisol Touraine, ou encore dans les pactes territoires santé 1 et 2. Seules deux mesures semblent réellement innovantes, dans le plan d'Agnès Buzyn : la suppression du numerus clausus, donc de la PACES (première année commune aux études de santé), et la création de 4000 postes d'assistants médicaux. Il faut aussi compter sur la refonte du statut de praticien hospitalier, qui pour l'heure reste floue.

Une impression de déjà-vu

Pour le reste, c’est du déjà-vu. Ainsi les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qu'Emmanuel Macron et Agnès Buzyn veulent généraliser, ont été créées par la loi de modernisation de notre système de santé. L'attention apportée aux hôpitaux de proximité dans "Ma santé 2022" était présente dès 2012 via le Pacte territoires santé. De la même manière, il était déjà question de dégager des financements spécifiques pour ces établissements, une réforme qui a été menée tambour battant par la DGOS. Quant à la gradation des soins sur le territoire, cette philosophie reprend peu ou prou celle des groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont la matrice sort raffermie, après le passage par "Ma santé 2022". Lequel plan veut redonner ses lettres de noblesse au service, chose déjà faites par Marisol Touraine dans la loi de modernisation de notre système de santé. De la même manière la précédente ministre de la santé avait d'ores et déjà renforcé la médicalisation de la gouvernance hospitalière, ambition également affichée par Agnès Buzyn, tout comme elle avait pris des mesures pour impliquer les patients dans leur prise en charge, ou encore relancer le dossier médical personnel.

Réformer de la tarification à l'activité

Pour ce qui est des nouveaux modes de financement à la qualité, là aussi rien de nouveau : si ce n’est que l’on passe d'une enveloppe de 60 millions d'euros à 300 millions d'euros. Depuis 2012, la DGOS expérimente l'IFAQ (incitation financière à l'amélioration de la qualité). Là aussi, Agnès Buzyn et Emmanuel Macron s'inscrivent dans les pas de Marisol Touraine, lorsqu'ils affirment qu'ils réformeront la tarification à l'activité. Le paiement forfaitaire, qui sera appliquée, tel que l'édicte "Ma santé 2022", au diabète et à l'insuffisance rénale, avait déjà été testé, avec la même volonté de sortir de la T2A, sur les soins critiques. En revanche, si l'on reprend le programme de campagne du candidat Macron, il est deux promesses qui ne font pas partie de "Ma santé 2022" : le doublement des maisons de santé, mais surtout un plan d'investissement de 5 milliards d'euros pour la santé. En lieu et place, Emmanuel Macron a promis une rallonge de budget de seulement 400 millions d'euros, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale 2019. Suffisant pour résoudre la crise sanitaire actuelle ?

 

Le détail des grandes mesures du plan « Ma santé 2022 » fera l’objet de plusieurs articles (à venir).

 

 

 

 

 

 

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