Paris, France — De nouvelles recommandations sur le diagnostic de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI), une maladie rare, de cause inconnue et souvent mortelle, viennent d’être publiées dans l’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine (1] et présentées lors du congrès de l’European Respiratory Society (ERS) 2018. Elles remplacent celles de 2011.
Elles sont le fruit d’un travail conjoint de la Société thoracique américaine (American Thoracic Society), de la Société respiratoire européenne (European Respiratory Society), de la Société respiratoire japonaise (Japanese Respiratory Society) et de la Société thoracique latino-américaine (Latin American Thoracic Society).

Pr Ganesh Raghu
« Notre espoir est que ces nouvelles recommandations comblent l’écart entre les experts de la FPI et les pneumologues généralistes pour diagnostiquer rapidement et correctement la maladie chez les individus qui y sont malheureusement confrontés. Cela permettra aux patients de prendre des décisions éclairées concernant les traitements et de participer à des essais cliniques », a commenté le Pr Ganesh Raghu, président du comité des recommandations et directeur du centre des pneumopathies interstitielles à l’université de Washington à Seattle, dans un communiqué de l’American Thoracic Society[2].
La fibrose pulmonaire idiopathique est la forme la plus commune et la plus mortelle de pneumopathie interstitielle diffuse idiopathique.
La fibrose pulmonaire idiopathique est le plus souvent diagnostiquée après 60 ans, avec une légère prédominance masculine. La symptomatologie initiale associe une dyspnée d’effort, d’installation progressive, une toux non productive ; les râles crépitants secs bilatéraux (reproduisant le bruit du « velcro », râles velcro) sont constants et précoces. Un hippocratisme digital est présent dans près de 50% des cas. Un amaigrissement ou une altération de l’état général sont plus rares. La cyanose et les signes d’insuffisance ventriculaire droite ne s’observent qu’à un stade avancé. La maladie évolue vers l’insuffisance respiratoire chronique restrictive et le décès. La médiane de survie est de 3 à 5 ans après le diagnostic.
« Le diagnostic de FPI est difficile parce que les symptômes sont non spécifiques : ils surviennent avec d’autres maladies pneumopathiques interstitielles et d’autres problèmes respiratoires », a expliqué le Pr Raghu. « Parce que les médicaments peuvent ralentir la progression de la FPI, un diagnostic précoce et précis est essentiel pour débuter rapidement un traitement approprié de cette maladie mortelle », souligne-t-il.
Quels diagnostics différentiels ?
Le diagnostic de FPI est un diagnostic qui nécessite l’exclusion des autres pneumopathies interstitielles :
-de cause connue : antigène organique inhalé responsable de pneumopathie d’hypersensibilité, médicaments (voir www.pneumotox.com), agent minéral responsable de pneumoconiose (silice, amiante), cancer primitif ou secondaire, œdème pulmonaire lésionnel ou hémodynamique, infections ;
-de cause inconnue mais survenant dans un contexte défini : d’une connectivite ou autre maladie systémique, en particulier la polyarthrite rhumatoïde et la sclérodermie systémique ; d’une sarcoïdose; d’une PID bien définie comme une lymphangioléiomyomatose, une granulomatose pulmonaire à cellules de Langerhans ou une pneumopathie chronique idiopathique à éosinophiles.
Ces différentes affections peuvent le plus souvent être évoquées sur les données de l’interrogatoire et de l’imagerie, et posent assez peu de difficultés de diagnostic différentiel avec la FPI, à l’exception de l’asbestose pulmonaire, et de formes chroniques de pneumopathie d’hypersensibilité (notamment aviaires), dont la présentation est parfois comparable à celle de la FPI.
Source : Recommandations pratiques pour le diagnostic et la prise en charge de la fibrose pulmonaire idiopathique Elaborées par le Centre National de Référence et les Centres de Compétence pour les maladies pulmonaires rares sous l’égide de la Société de Pneumologie de Langue Française. Auteurs: Cottin V1 , Crestani B2 , Valeyre D3 , Wallaert. 2013
Critères diagnostics : du nouveau par rapport à 2011
Depuis les dernières recommandations de 2011, de nouvelles données ont permis d’affiner les critères diagnostiques de la maladie, qui reposent toujours sur la détection de la pneumonie interstitielle commune (PIC). La présence d’un aspect de PIC, radiologique et/ou histologique, est indispensable pour que le diagnostic de FPI puisse être posé.
Désormais, les FPI sont classées en quatre catégories diagnostiques basées sur la tomographie à haute résolution (THR) du poumon (volumétrie) et l'histologie : pneumonie interstitielle commune (PIC), PIC probable, résultat indéterminé et autre diagnostic.
Le comité d’experts recommande que la même terminologie soit employée pour les images de scanner haute résolution et pour les analyses des biopsies afin de faciliter les discussions entre les pneumologues (rhumatologues dans certains cas), les radiologues et les anatomopathologistes.
Diagnostic de FPI en fonction du scanner HR et des biopsies

Quelle stratégie diagnostique ?
En premier lieu, lorsqu’une pneumopathie interstitielle est détectée, les experts recommandent la réalisation d’un historique détaillé des médicaments pris, des expositions environnementales et des analyses sanguines chez tous les patients pour exclure toutes les pneumopathies infiltrantes diffuses survenant dans le contexte des connectivites et de diverses maladies systémiques.
Pour les patients atteints d’une pneumopathie interstitielle diffuse (PID) nouvellement détectée avec un profil à la THR de PIC probable, un profil indéterminé ou un profil renvoyant à un autre diagnostic, des recommandations conditionnelles sont formulées pour la réalisation d’un lavage bronchoalvéolaire (LBA) et d’une biopsie pulmonaire chirurgicale (BPC). Ces recommandations sont conditionnelles (très faible niveau de preuves).
En raison du manque de données probantes, aucune recommandation n’a été formulée en faveur ou non de la réalisation d’une biopsie transbronchique du poumon (BTP) ou d’une cryobiopsie pulmonaire (CP).
En revanche, les patients atteints d’une PID nouvellement détectée qui présentent un profil à la THR de PIC, des recommandations fortes sont formulées contre la réalisation d’une BPC, d’une BTP et d’une CP, avec une recommandation conditionnelle contre la réalisation d’un LBA.
Concernant la biopsie transbronchique du poumon et la cryobiopsie pulmonaire, le Pr Raghu a souligné, lors de la présentation des recommandations, que le rapport bénéfice-risque de ces techniques n'était pas encore clairement établi. En revanche, il a ajouté « qu'il était raisonnable pour les centres experts et les experts ayant des données de suivi sur la sécurité de la cryobiopsie de continuer à la réaliser ».
Les recommandations déconseillent fortement l’utilisation de biomarqueurs sériques (MMP-7, SPD, CCL-18, KL-6) dans le seul but de distinguer la FPI des autres PID en raison des forts taux de faux positifs et de faux négatifs.
Devant le caractère conditionnel de plusieurs de ces recommandations, le comité d'experts conseille fortement la tenue de réunions multidisciplinaires lors de l'établissement du diagnostic.
Les liens d’intérêt des auteurs sont listés dans l’article. |
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Citer cet article: Fibrose pulmonaire idiopathique : nouvelles recommandations diagnostiques - Medscape - 18 sept 2018.
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