Paris, Villejuif, France -- Et si sans biopsies - en analysant simplement des images de scanner - il était possible de déterminer si une tumeur peut ou non répondre à une approche par l’immunothérapie ? C’est le pari qu’ont fait des médecins-chercheurs de Gustave Roussy, CentraleSupélec, l’Inserm, l’Université Paris-Sud et TheraPanacea (spin-off de CentraleSupélec spécialisée en intelligence artificielle pour l’oncologie-radiothérapie et la médecine de précision).
En concevant et en entrainant un algorithme à analyser une image de scanner, les chercheurs ont créé une signature dite radiomique (voir encadré en fin d'article). Celle-ci définit le niveau d’infiltration lymphocytaire d’une tumeur et détermine un score prédictif de l’efficacité de l’immunothérapie chez un patient. Les résultats de cette étude élégante qui sont publiés dans le Lancet Oncology pourraient permettre de mieux sélectionner les patients potentiellement répondeurs aux immunothérapies (15 à 30 % environ) [1,2].
Machine learning
Sachant que plus l’environnement d’une tumeur est riche en lymphocytes (degré d’infiltrat tumoral en lymphocytes T CD8), plus l’immunothérapie a de chance d’être efficace, les chercheurs ont cherché à estimer cet environnement grâce à l’imagerie pour le corréler à la réponse clinique des patients.
Pour arriver à leurs fins, les chercheurs ont « nourri » un algorithme à partir des images de scanner de l’étude MOSCATO (500 patients atteints de tumeurs solides toutes localisations confondues), dont la particularité était d’avoir associé à l’imagerie des données de génomique. C’est ainsi que l’algorithme a appris à prédire le degré d’infiltrat tumoral en lymphocytes T CD8 (cytotoxiques) en recherchant la signature par le gène CD8B.
Cette approche a été validée avec succès chez 119 patients dans la base de données TGCA (Cancer Genome Atlas) et dans deux autres cohortes de patients atteints de tumeurs solides.
Dans une nouvelle phase de validation de la signature radiomique, l’algorithme a été utilisé chez des patients inclus dans cinq études de phase I d’immunothérapie par anti-PD-1 ou anti PD-L1 (137 patients au total). Trois et 6 mois après l‘inclusion, c’est chez les patients dont le score radiomique – donc l’infiltrat lymphocytaire – était le plus élevé que les taux de réponse objective se sont révélés les meilleurs (respectivement p=0,049 et p=0,025). La médiane de survie s’est établie à 24,3 mois en cas de score radiomique élevé contre 11,5 mois lorsque le score était bas.
Mieux sélectionner les patients ; diminuer les risques et les coûts
Quel avenir pour cette technique ? L'approche permet de s'affranchir de la biopsie qui peut être risquée en raison de la localisation de la tumeur, par exemple dans certains cas de cancers du poumon. Aussi, il est sûr que l’idée de pouvoir prescrire une immunothérapie au coût particulièrement élevé aux seuls patients chez qui le taux de réponse est le plus important est séduisante. Par ailleurs, sélectionner les patients candidats à l’immunothérapie sans biopsies ni hospitalisation préalables pourrait permettre à la fois une baisse des coûts et un accès plus rapide à un traitement potentiellement efficace. Reste encore à valider cette approche sur de plus grandes séries de façon rétrospective et prospective et en analysant selon le type de tumeur concernée.
A propos de la radiomique
L’imagerie médicale computationnelle (ou radiomique) est une discipline récente et extrêmement prometteuse [3]. Elle consiste à analyser informatiquement des images médicales et à les traduire en données quantitatives complexes. Ces données permettent une caractérisation et une analyse plus en profondeur du phénotype tumoral. Son objectif final est de déterminer des biomarqueurs d’imagerie apportant une aide à la décision médicale et permettant aussi de mieux comprendre la biologie du cancer. « En radiomique, on considère que l’imagerie (scanner, IRM, échographie…) ne reflète pas seulement l’organisation et l’architecture des tissus mais aussi leur composition moléculaire ou cellulaire. Cette technique consiste à analyser de manière objective par des algorithmes une image médicale afin d’en extraire des informations invisibles à l’œil nu comme la texture d’une tumeur, son microenvironnement, son hétérogénéité… C’est une approche non invasive pour le patient qui peut être répétée tout au long de la maladie pour suivre son évolution », complète Gustave Roussy dans son communiqué de presse [2].
Actualités Medscape © 2018 WebMD, LLC
Citer cet article: Choisir les candidats à l’immunothérapie sans biopsie : c’est possible grâce à l’AI - Medscape - 10 sept 2018.
Commenter