POINT DE VUE

Gels antiseptiques : gare au développement de bactéries résistantes à l’alcool !

Pr Christian Perronne

Auteurs et déclarations

30 août 2018

Le blog du Pr Christian Perronne – Infectiologue

Alors que l’utilisation de solutés hydroalcooliques est maintenant bien ancrée dans la pratique des soignants, il faut être vigilants face au risque d’apparition de bactéries résistantes à ces produits, selon le Dr Christian Perronne.

TRANSCRIPTION

Bonjour, je vais vous parler aujourd’hui d’une nouvelle inquiétante : les bactéries commencent à résister à l’alcool.

Des chercheurs australiens ont montré qu’au fil des années des bactéries hospitalières responsables d’infections nosocomiales deviennent de plus en plus tolérantes aux antiseptiques à base d’alcool.

La bactérie concernée actuellement est Enterococcus faecium, une bactérie de la flore intestinale habituellement inoffensive. Cet entérocoque est devenu la cinquième cause de sepsis en Europe, et est responsable au niveau mondial de 10 % des bactériémies liées aux soins. Enterococcus faecium est le plus souvent résistant aux antibiotiques et en particulier à l’amoxicilline, mais aussi à la vancomycine. Cette nouvelle est inquiétante, car la politique de réduction des infections liées aux soins, le plus souvent dues à des bactéries multirésistantes aux antibiotiques, est en grande partie basée sur l’utilisation généralisée des gels et solutés hydroalcooliques contenant 70 % d’alcool. Leur utilisation est maintenant bien ancrée dans la pratique des soignants, médecins ou paramédicaux.

L’étude est publiée par Sacha Pidot et collaborateurs dans le journal Science Translational Medecine[1] et les chercheurs ont recueilli 139 souches d’Enterococcus faecium dans deux hôpitaux de Melbourne entre 1997 et 2015. Ils ont testé toutes ces souches sur des dilutions croissantes d’alcool. Les souches d’entérocoque recueillies après 2009 sont significativement plus tolérantes à l’alcool que les souches recueillies avant 2004. Il existe une grande variabilité dans le niveau de tolérance d’une souche à l’autre avec une fourchette de 4,7 log du nombre résiduel de bactéries ayant survécu et les souches moins sensibles à l’alcool sont porteuses de mutations sur des gènes impliqués dans le métabolisme. Les chercheurs ont ensuite confirmé ces données in vitro par une étude in vivo : ils ont montré, en utilisant des souris porteuses d’Enterococcus faecium dans leur intestin, que le nettoyage de leur cage avec un antiseptique alcoolique laissait subsister des bactéries viables capables d’infecter de nouvelles souris indemnes d’infection, souris introduites secondairement après le nettoyage des cages.

Si l’alcool perd de son efficacité, il est important de développer la recherche pour valider de nouvelles techniques de désinfection. Ainsi, d’autres chercheurs australiens, dont Mohan Jacob et son équipe[2], commencent à travailler sur des huiles essentielles de plantes, notamment à base d’arbre à thé.

 

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