Munich, Allemagne — Au-delà de leur action symptomatique, quel est l’impact des bêtabloquants et des inhibiteurs calciques sur la mortalité post-infarctus chez les coronariens stables ? Et si impact il y a, après quelle durée de prescription ? L’analyse du registre international CLARIFY, portant sur plus de 22 000 patients coronariens stables après un événement ischémique, confirme la tendance qui semblait se dessiner : les bêta-bloquants n’ont pas d’effet sur la mortalité au-delà d’un an post-infarctus. En parallèle, aucun bénéfice sur la mortalité globale n’est observé avec les antagonistes calciques, quelle que soit la durée de prescription. Les résultats ont été présentés lors du congrès annuel de l’ESC2018[1].
« L’usage de bêtabloquants devraient être privilégié la première année après un infarctus du myocarde, a commenté le Dr Emmanuel Sorbets (Hôpital Avicenne, Bobigny, France), lors de sa présentation. Au-delà, cette classe thérapeutique, tout comme les antagonistes calciques, peuvent être envisagés dans les cas symptomatiques, mais sans attendre un bénéfice sur la mortalité ».
Manque d’efficacité suspectée
Si face à une pathologie ischémique chez des patients coronariens stables, les recommandations de 2013 de l’ESC indiquent qu’il faut envisager en première intention un traitement par bêtabloquant et/ou antagoniste calcique afin de contrôler la fréquence cardiaque et améliorer les symptômes, leur intérêt à long terme sur la mortalité semble de plus en plus contesté. Et il en va de même des inhibiteurs calciques.
Les données disponibles sur le pronostic associé à l’usage de ces médicaments restent limitées, confirme le Dr Sorbets. Dans le cas des bêtabloquants, « il n’y a pas d’études randomisées. Et, de récentes études observationnelles ont suggéré un manque d’efficacité sur le long terme ».
Pour tenter d’y voir plus clair sur l’intérêt de ces traitements, le cardiologue s’est penché avec son équipe sur les données du registre international CLARIFY. Ouvert dans 45 pays, ce registre compte plus de 32 000 patients coronariens stables (IDM > 3 mois, sténose coronaire > 50% à l’angiographie, douleurs avec signes d’ischémie, pontage ou angioplastie > 3 mois).
Les chercheurs ont repris les données de 22 000 patients suivis pendant cinq ans. La majorité d’entre eux (78%) ont reçu un bêtabloquant en première ligne, avec en première place le bisoprolol (35% des patients sous bêta-bloquant), puis le métoprolol (27%) et le carvédilol (17%). Seuls 13% ont eu la dose de bêtabloquant recommandée.
Comparativement aux patients ne prenant pas de bêtabloquants, ceux qui en prenaient « étaient plus jeunes (63 contre 65,5 ans), présentaient davantage de facteurs de risque cardiovasculaires, étaient plus fréquemment atteints de maladie artérielle périphérique et recevaient plus souvent des traitements de prévention secondaire en complément », a précisé le Dr Sorbets.
Dans cette cohorte, 26% des patients prenaient un antagoniste calcique, majoritairement des dihydropyridines. « Ceux-ci étaient en moyenne plus âgés que ceux n’en prenant pas (65,7 contre 63 ans). Ils avaient aussi une fraction d’éjection plus élevée. Mais n’étaient pas traités différemment en prévention secondaire ».
Mortalité CV réduite de moitié
Chez les patients prenant des bêta-bloquants après un infarctus diagnostiqué depuis moins d’un an, les résultats montrent une mortalité toute cause confondue de 7%, contre 10% chez ceux n’en prenant pas. La différence n’est plus significative après un an. Au-delà de trois ans, la mortalité est de 10% pour les deux groupes.
Concernant la mortalité d’origine cardiovasculaire, la différence est encore plus marquée la première année, avec une mortalité réduite de moitié chez les patients sous bêtabloquants (4,5% vs 8,5%). Les différences ne sont plus significatives un à trois ans en post-infarctus (4,6% vs 5,5%) et après trois ans (6,4% vs 7%).
Ces résultats font écho à ceux obtenus après une analyse du registre FAST-MI, qui a suggéré qu’un traitement par bêtabloquant étendu au-delà d’un an après infarctus n’apporte aucun bénéfice sur la mortalité à cinq ans. Cette analyse avait conclu à une absence d’impact sur le pronostic à long terme.
Pas de différence selon les doses
Les chercheurs ont également différencié trois groupes en fonction de la dose de bêtabloquants prescrite. Après ajustement, la mortalité globale et le risque de décès d’origine cardiovasculaire apparaissent similaires entre les patients prenant la dose recommandée et ceux prenant la moitié de la dose ou moins de la moitié.
En ce qui concerne les antagonistes calciques, aucune différence significative n’apparait entre les groupes, tant pour la mortalité toute cause confondue que pour la mortalité cardiovasculaire, et ce quel que soit le délai après le diagnostic de l’infarctus.
« Lorsqu’ils sont administrés la première année après l’infarctus, les bêta-bloquants sont associés à un meilleur pronostic, ce qui confirme ce qui a déjà été observé dans de précédents essais. En revanche, les antagonistes calciques n’ont, dans l’ensemble, aucun impact sur le pronostic », a commenté le cardiologue.
CLARIFY : quel pronostic à 5 ans ?
Les données sur le pronostic des patients du registre CLARIFY ont également été présentées lors du congrès de l’ESC 2018, sous forme de poster. L’analyse, également conduite par le Dr Sorbets et ses collègues, révèle une mortalité d’origine cardiovasculaire de 5% à cinq ans [2]. Les décès sont liés à un infarctus ou à un AVC dans respectivement 20,5% et 10,7% des cas.
Le taux de patients ayant eu au moins un événement cardiovasculaire majeur (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus et AVC mortels ou non) s’élève à 8,7%. Au total, 30% des coronariens inclus dans le registre ont été à nouveau hospitalisés pour un événement cardiovasculaire. Plus de la moitié des patients avaient bénéficié d’une revascularisation.
Actualités Medscape © 2018
Citer cet article: Bêtabloquant en post-infarctus : un intérêt limité à la première année, confirme CLARIFY - Medscape - 29 août 2018.
Commenter