Munich, Allemagne — Avec des résultats clairement positifs – les premiers des hotlines présentés au congrès de l’ ESC2018 à Munich –, l’étude ATTR-ACT met du baume au cœur. En réduisant la mortalité et les hospitalisations d’origine cardiovasculaire des patients atteints d’amylose cardiaque à transthyrétine, le tafamidis (Vyndaqel®, Pfizer) représente un véritable espoir. Il n’y avait, en effet, aucun traitement efficace dans cette maladie rare – et sous diagnostiquée – dont les atteintes cardiaques entrainent inexorablement le décès « dans les 2 à 3 années qui suivent le diagnostic », a indiqué le Pr Claudio Rapezzi (Université de Bologne, Italie) lors de la présentation de l’étude en conférence de presse [1]. Ces résultats font l’objet d’une publication simultanée dans le NEJM[2] et pourraient conduire rapidement à une extension d’indication (voir encadré en fin d’article).
L’amylose héréditaire, rare et mal connue
L’amylose héréditaire (ou familiale) est une maladie rare qui se traduit essentiellement par une neuropathie, mais peut aussi atteindre le cœur, et plus rarement les yeux et les reins. Elle est due à des mutations (plus de 120 répertoriés) du gène de la protéine de transport transthyrétine (ou TTR). Synthétisée par le foie, la protéine anormale (un tétramère composé de 4 sous-unités identiques) se dépose sous forme de substance « amyloïde » toxique (fibrilles) dans les tissus altérant leurs fonctions.
Plus de 500 cas ont été diagnostiqués en France ; en métropole et DOM-TOM. Cette maladie concerne l’adulte (de 20 à 88 ans). L’âge de début de la maladie est très variable : vers 30 ans chez les patients originaires du Nord du Portugal (très nombreuses familles atteintes) ou plus tardif (vers 60 ans en moyenne) pour les sujets d’origine non portugaise.
Par ailleurs, il existe des cas d’amylose dus à des dépôts de transthyrétine non mutée, dite « sauvage » fréquents chez les sujets âgés (amylose dite « sénile ») avec des atteintes essentiellement cardiaques.
441 patients présentant une amylose cardiaque
Après un essai de phase 2, en ouvert impliquant 31 patients, et ayant montré la bonne tolérance du tafamidis, un médicament à prise orale qui stabilise la transthyrétine et ralentit ou inhibe la formation de fibrilles, le Pr Claudio Rapezzi et son équipe ont lancé un essai de phase 3, international, en double aveugle et contrôlé contre placebo chez 441 patients présentant une amylose cardiaque, confirmée par des biopsies ou des examens non-invasifs (scintigraphie). Les patients avaient soit un génotype muté, soit un génotype sauvage (voir encadré ci-dessus) mais présentaient une atteinte cardiaque visualisée à l’échocardiographie et un épaississement de la paroi du septum intraventriculaire (>12 mm) caractéristique de cette pathologie. Les patients, d’âge moyen 74 ans, ont reçu, soit 80 mg de tafamidis, soit 20 mg de tafamidis, ou un placebo, 1 fois par jour, selon un schéma 2 :1 :2. La stratification a été établie en tenant compte du statut génétique (gène muté ou sauvage) et la classification NYHA à l’inclusion. La durée de l’étude était de 30 mois à l’issue desquels les patients se sont vus proposés de continuer le traitement dans le cadre d’une prolongation de l’étude.
Le critère primaire portait sur une combinaison de la mortalité toute cause et de la fréquence des ré-hospitalisations pour raison cardiovasculaire. L’analyse a poolé les deux doses de traitement et les a comparées au groupe placebo, tandis que le critère secondaire a pris en compte la distance parcourue en 6 minutes à 30 mois par rapport à la valeur obtenue à l’inclusion.
Au total, 264 patients ont reçu le tafamidis (80 ou 20 mg) et 177 le placebo. L’adhérence a été forte, 97,2% pour le tafamidis et 97,0% pour le placebo.
Mortalité et hospitalisations moindres sous tafamidis
L’étude d’efficacité (critère primaire) a montré une différence très significative à 30 mois (p<0, 001). Selon la régression de Cox, la mortalité toute cause était moindre avec le tafamidis qu’avec le placebo, soit 78 des 264 patients recevant le traitement actif (29,5%) vs 76 des 177 patients recevant le placebo (42,9%), le hazard ratio étant de 0,70 [IC95% : 0,51 – 0,96]. Et la régression de Poisson a montré un taux d’hospitalisations CV là aussi plus faible sous tafamidis par rapport au placebo (0,48 vs 0,70 hospitalisations par an ; RR :0,68 [IC95% : 0,56 – 0,81].
Les courbes de survie (de Kaplan-Meier) montrent que le tafamidis résulte en une réduction de la mortalité toute cause, les courbes commençant à diverger après environ 18 mois de traitement.
En termes d’analyse en sous-groupe selon le génotype, la classe NYHA, et la dose, le tafamidis a été plus favorable au statut sauvage vs. muté, aux classes I et II vs. III et la dose 80 vs. 20 mg. Seuls les patients qui étaient déjà au stade III de la classification NYHA à l’inclusion ont connu un taux de réhospitalisation plus élevé que les patients sous placebo.
L’effet du tafamidis a aussi été marqué en termes de qualité de vie en augmentant la résistance à l’effort. Le tafamidis a ainsi réduit le déclin au score des 6 minutes de marche comparé au placebo [75,68 m (erreur standard + 9,24 ; P<0,001)], avec une première divergence apparaissant à 6 mois.
La tolérance a été bonne et similaire dans les deux groupes, et « les diarrhées et les infections urinaires qui avaient été rapportées précédemment ont même été moindre dans le groupe traité par rapport au groupe placebo » a signalé l’orateur.
Le plus tôt est le mieux
L’étude est donc extrêmement positive améliorant la survie, la qualité de vie tout en étant bien tolérée. Elle fait du tafamidis la première et la seule option à ce jour pour les patients souffrant d’amylose cardiaque à transthyrétine (voir encadré en fin d’article). Compte tenu de la nature progressive de l’évolution de la maladie et du mécanisme par lequel le tafamidis réduit spécifiquement l’amyloïdogenèse – en stabilisant les tétramères de transthyrétine – il est attendu que le bénéfice du médicament soit plus important quand il est donné tôt. « Le plus tôt est le mieux » a confirmé l’orateur, que ce soit pour le diagnostic et le traitement. « Quand l’étude a été protocolisée, une biopsie était nécessaire pour diagnostiquée la pathologie, désormais la scintigraphie au technétium est une technique validée, très sensible et spécifique permettant de détecter les dépôts amyloïdes bien avant l’épaississement de la paroi septale, les symptômes cliniques d’insuffisance cardiaque et les biomarqueurs cardiaques de la pathologie » a expliqué l’orateur. De quoi autoriser une détection précoce – et un traitement ad hoc – pour une pathologie sous-diagnostiquée.
D’autres traitements à l’étude
La nécessité d’intervenir avant que les dépôts amyloïdes aient altéré les organes concernés est renforcée par les différents délais observés dans l’étude (réduction des hospitalisations à 9 mois, de la mortalité toute cause à 18 mois, tandis que la capacité de marche diminue fortement tous les 6 mois en l’absence de traitement) est soulignée par les éditorialistes [3]. Ces derniers remarquent d’ailleurs que le bénéfice sur la réduction du nombre total d’hospitalisations est beaucoup plus impressionnant que celui portant sur la première hospitalisation, compte tenu du délai nécessaire au traitement pour agir et modifier la pathologie sous-jacente.
Néanmoins, au-delà de ce traitement prometteur, « d’autres sont à l’étude pour traiter la neuropathie et la cardiopathie dues à l’amylose à transthyrétine, dont les ARN interférents avec le patisiran et les oligonucléotides antisens avec l’inotersen qui interfèrent avec la production de transthyrétine et réduisent la progression de la neuropathie chez les patients avec au premier stade de la maladie dans sa version mutée » indiquent-ils.
Tafamidis, approuvé en Europe dans la polyneuropathie amyloïde
Le tafamidis (Vyndaqel®) s'est vu octroyer la désignation de médicament orphelin pour traiter la polyneuropathie amyloïde, à la fois dans l'Union Européenne et aux Etats-Unis en 2012. Il est indiqué dans le traitement de l'amylose à transthyrétine chez les patients adultes présentant une polyneuropathie symptomatique de stade 1, pour retarder le déficit neurologique périphérique, sur la base d’une étude randomisée comparative versus placebo conduite chez 128 patients atteints d'amylose à TTR avec une mutation V30M et ayant une polyneuropathie symptomatique de stade 1.
Informée des résultats de l’étude ATTR-ACT, la FDA a accordé cette année au tafamidis le statut de « breakthrough therapy », un premier pas vers une approbation officielle dans cette nouvelle indication qu’est l’amylose cardiaque, qui ne disposait jusqu’à présent d’aucun traitement.
L’étude a été financée par Pfizer. |
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Citer cet article: Amylose cardiaque à transthyrétine : le tafamidis améliore significativement la survie - Medscape - 29 août 2018.
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