Munich, Allemagne – Les patients revascularisés au niveau de la seule artère concernée ont un pronostic à un an superposable aux patients ayant eu une « revascularisation complète ». Tels sont les résultats de l’étude CULPRIT prolongée d’une année présentée cette année au congrès de l’ESC et publiés simultanément dans le NEJM[1].
Revascularisation unique : quel bénéfice à plus long terme ?
L’infarctus du myocarde compliqué d’un choc cardiogénique est grevé d’une mortalité importante, améliorée néanmoins par l’angioplastie coronaire en urgence. Il s’agit le plus souvent de patients ayant des lésions coronaires multiples. L’European Society of Cardiology, et les Sociétés Savantes américaines recommandent la revascularisation en urgence non seulement de l’artère responsable de l’infarctus mais aussi des autres artères significativement sténosées. Pour autant, le bénéfice de cette stratégie n’est pas prouvé. D’où CULPRIT-SHOCK (Culprit Lesion Only PCI vs Multivessel PCI in Cardiogenic Shock) dont les résultats à 30 jours de l’étude initiale montraient a contrario une diminution des décès et du recours à l’hémodialyse, quand la revascularisation ne portait que sur l’artère cause de l’infarctus [2]. Le bénéfice immédiat de la revascularisation unique se confirme-t-il à plus long terme ? Pour le savoir, Holger Thiele (Leipzig Heart Institute, Leipzig Germany) et coll. ont présenté cette année au congrès de l’ESC les résultats de l’étude prolongée d’une année.
De nouveaux critères secondaires
CULPRIT-SHOCK est une étude multicentrique, ouverte, randomisée, qui initialement comparait au cours du choc cardiogénique, la revascularisation (<12 heures) de la coronaire coupable par opposition à la revascularisation de toutes les artères accessibles [2]. Les patients étaient randomisés 1:1 immédiatement après la coronarographie. Le critère primaire était le nombre de décès toutes causes et la nécessité du recours à l’hémodialyse.
Pour l’analyse à un an, des critères secondaires pré-spécifiés ont été redéfinis : décès toutes causes, hémodialyse, récidive d’infarctus du myocarde, nouvelles revascularisations, ré-hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Tandis que les critères de sécurité incluent : accident vasculaire cérébral, importance d’une hémorragie éventuelle, ainsi que la qualité de la vie. L’analyse statistique est réalisée avec le principe d’intention de traiter, les événements sont comparés avec le test X², et courbes de Kaplan-Meier pour la survenue des événements dans le temps.
A un an, pas plus de décès dans le groupe « revascularisation unique »
Les 706 patients (70 ans, 75% d’hommes, 65% ST élévation, 63% lésions tri-vasculaires) venant de 83 centres ont été répartis : 344 dans le bras revascularisation spécifique de la coronaire coupable, 342 dans le bras des angioplasties multiples.
Dans l’étude princeps, à 30 jours, le critère primaire (risque de décès ou hémodialyse) survenait chez 158 des 344 patients traités uniquement au niveau « artère coupable » (45,9%) vs 189 de 342 dans la cohorte « multiple » (55,4%) montrant un net avantage pour une revascularisation de la seule artère touchée plutôt que de toutes les lésions coronaires (RR : 0,83 ; [IC 95% : 0,71-0,96 ; p=0,01]).
Au final, à un an, la mortalité (décès toutes causes) entre les deux groupes est superposable, avec 172 décès sur 344 (50,0%) dans le groupe revascularisation de l’artère unique versus 194 sur 341 (56,9%) dans le groupe multiples revascularisations (RR : 0,88 ; [IC 95% : 0,76-1,01]). Les décès d’origine cardiaque sont survenus chez 159 patients (46,2%) dans le bras « artère incriminée » et 180 (52,8%) pour l’autre cohorte. La différence entre les deux groupes n’est pas significative.
Le bénéfice sur la mortalité obtenu à la phase aiguë se confirme à un an
La différence de mortalité favorable au groupe revascularisation de l’artère en cause est donc limitée à la période des 30 premiers jours (RR : 0,84 ; [IC 95% : 0,72-0,98]) – où la revascularisation de la seule lésion touchée diminuait ainsi la mortalité de 16% – avant de s’effacer.
Le critère combiné décès et récidive d’infarctus n’est pas différent dans les deux groupes (avec un taux faible d’infarctus : 1,7% et 2,1% respectivement).
Et comme on pouvait s’y attendre la proportion de revascularisations à un an est 3 fois plus importante dans le groupe artère unique (32,3%) vs revascularisation multi-vaisseaux (9,4%). Si les auteurs s’étonnent du faible pourcentage d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque, pourtant 5 fois plus importantes dans le groupe artère unique (5,2%) vs multi-revascularisation (1,2%), l’appréciation de la qualité de la vie n’a pas différé à un an.
Vers une évolution des recommandations
Il ressort de l’étude CULPRIT-SHOCK que la revascularisation urgente d’un seul vaisseau est favorable à court et moyen terme chez ces patients au pronostic péjoratif, ayant des lésions coronaires souvent multiples. Cependant si le taux de revascularisation, d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque est significativement plus faible dans le groupe revascularisation complète d’emblée, le nombre d’événements est peu important.
Ces résultats concernant la mortalité entre 30 jours et un an sont superposables à ceux de l’étude SHOCK [3] (Sould We Emergently Revascularize Occluded Coronaries for Cardiogenic Shock). « L’hypothèse selon laquelle la revascularisation complète au cours du choc cardiogénique augmente la mortalité immédiate mais diminue le risque des décès survenant à long terme, n’a plus de raison d’être » explique le Dr H Thiele (German Center for Cardiovascular Research, Luebeck, Allemagne), premier auteur de l’étude, en insistant notamment sur la fragilité des patients chez lesquels une procédure invasive prolongée est délétère.
Concernant les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les auteurs évoquent, pour partie seulement, le rôle d’une revascularisation insuffisante – une spéculation tant qu’une étude n’a pas validé cette possibilité.
Ces nouveaux résultats sont susceptibles d’impacter les recommandations. « Les recommandations relatives à la revascularisation complète au cours du choc cardiogénique doivent maintenant être classées III B » a ainsi considéré le Dr H Thiele [4].
Les liens d’intérêt des auteurs sont disponibles sur NEJM.org |
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Citer cet article: CULPRIT-SHOCK confirme la stratégie de revascularisation coronaire unique au cours du choc cardiogénique - Medscape - 28 août 2018.
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