Munich, Allemagne – Ajouter une imagerie par scanner à un traitement médical standard dans l’angor stable se traduit par une diminution de 40% des décès cardiovasculaires et d’infarctus du myocarde à 5 ans. Tels sont les résultats de l’étude SCOT-HEART (Scottish Computed Tomography of the Heart) présentés au congrès annuel de l’ESC et publiés simultanément dans le NEJM [1.]
En raison de sa grande spécificité et de sa sensibilité, le coroscanner est de plus en plus usité pour explorer les patients qui présentent des douleurs thoraciques stables. L’étude initiale a même montré précédemment qu’il améliore la précision du diagnostic et influe sur les investigations et la prise en charge future du patient (voir encadré ci-dessous) [2]. Mais cette imagerie se traduit-elle par des effets bénéfiques à long terme ? C’est ce qu’ont cherché à savoir David E Newby (University of Edinburgh UK) et ses collègues en prolongeant l‘essai SCOT-HEART qui a inclus 4080 patients ayant des douleurs thoraciques stables suspectes d’angor adressés pour évaluation par leur médecins traitants entre 2010 et 2014 [2].
SCOT-HEART
Dans sa version initiale, l’étude ouverte, multicentrique, comparative, randomisée, SCOT-HEART (menée dans 12 centres en Ecosse) avait montré l’apport bénéfique du coroscanner dans la prise en charge à court terme (22 mois) des patients ayant une symptomatologie compatible avec une insuffisance coronaire stable – entrainant une réduction de 38% (non significative) des décès cardiovasculaires et des infarctus du myocarde [2]. Les auteurs concluaient que la visualisation des coronaires avait néanmoins clarifié le diagnostic de maladie coronaire, amélioré la prise en charge ultérieure par rapport au traitement « aveugle » pouvant réduire le risque d’infarctus dans le futur.
Coroscanner en plus du traitement médical standard
Diagnostic, décision de mener d’autres investigations et stratégie de traitement ont été décidés après bilan coronarien. Puis les patients (57 ans, 53% d’hommes) ont été répartis en deux cohortes selon un schéma 1:1, l’une bénéficiait d’un coroscanner en plus du traitement médical standard, l’autre recevait le traitement médical standard. La gestion des patients était alors laissée à la discrétion des médecins qui pouvaient ou non tenir compte des résultats et du score de risque CV ASSIGN découlant de l’imagerie supplémentaire. En cas de pathologies artérielles obstructives, les médecins étaient invités à prescrire un traitement préventif (comme de l’aspirine ou une statine).
Aucune visite de contrôle n’a été prédéfinie et les données sur les patients ont été collectés à partir des dossiers/patients informatisés du National Health Service (NHS). Le critère primaire pré-spécifié pour le long terme était le nombre de patients décédés d’une cause cardiovasculaire ou ayant souffert d’un infarctus du myocarde pendant les 5 ans du suivi. Les analyses statistiques ont été réalisées en l’intention de traiter, selon le modèle de régression de Cox. Un point intermédiaire a été effectué à 12 mois (le coroscanner pouvant être l‘initiateur de coronarographies plus fréquentes).
Décès cardiaques et infarctus non fatals moins fréquents dans la cohorte coroscanner
De novembre 2010 jusqu’à septembre 2014, l’étude a inclus 4146 patients, plus de 20 000 patients-années, qui ont été suivis sur 4,8 ans en moyenne.
Les résultats font état d’un nombre plus important de patients dans le groupe coroscanner ayant bénéficié de mesures préventives : 19,4% (402 patients) vs 14, 7% (305 pts) dans le bras traitement usuel, soit une amélioration de 40% (Odds ratio : 1,40 [IC 95% : 1,19-1,65)]. Même tendance pour la prise d’anti-angineux (QP : 1,27 [IC 1,05-1,54]).
Information plus surprenante, à 5 ans, il n’y a pas eu plus de coronarographies demandées dans le groupe coroscanner que dans le groupe témoin, 491 patients (23,6%) vs 502 (24,2%). Aussi, la tendance vue dans l’étude à court terme en faveur d’une revascularisation précoce dans le groupe coroscanner [2] n’a pas été retrouvée ici, avec 279 revascularisations (13,5%) dans le groupe coroscanner versus 267 (12,9%) dans le groupe standard. Passé le jalon des 12 premiers mois, les patients inclus dans le groupe coroscanner ont eu moins de coronarographies par rapport au groupe contrôle (hazard ratio : 0,70 ; [IC 95% : 0,52-0,95]) et de revascularisations (HR: 0,59 ; [IC 95% : 0,38-0,90]).
Enfin, concernant le critère primaire, le nombre de décès et d’infarctus du myocarde à 5 ans dans le groupe évalué par coroscanner a été moindre avec 48 patients (2,3%) contre 81 patients (3,9%) dans le groupe témoin (RR 0,59 ; [IC 95% : 0,41-0,84 ;p=0.004]). La différence s’explique par un nombre moins important d’infarctus (RR 0,60 ; [IC 95% : 0,41-0,87]) et persiste quand on exclut les 50 premiers jours, temps nécessaire, selon les auteurs, pour s’assurer du diagnostic et mettre en place le traitement.
Clarification du diagnostic de lésions coronaires : meilleure prise en charge médicale
L’étude princeps SCOT-HEART à 1,7 an le suggérait, sans être significative [2]. Cette étude, 5 ans plus tard, le confirme : il y a un important bénéfice sur la mortalité cardiaque et les infarctus chez les patients évalués par le coroscanner. Cet effet favorable est essentiellement dû au nombre moins important d’infarctus du myocarde.
Pour les auteurs, la clarification du diagnostic permise par l’imagerie a conduit à une meilleure prise en charge tant au niveau de la prévention que de l’acceptation du traitement. Lors de sa présentation à l’ESC, le Dr David Newby a indiqué que 75% patients ayant des lésions coronaires établies par le coroscanner ont eu un traitement par les statines. « Nos résultats suggèrent que le coroscanner permet un diagnostic plus précis de la maladie coronaire par opposition à la prise en charge standard ce qui en retour conduit à un traitement approprié diminuant les événements cliniques » a-t-il affirmé.
Ces résultats sont cependant contraires à l’essai PROMISE qui n’avait pas fait apparaitre d’effet significatif à 25 mois sur la mortalité avec le coroscanner par rapport au groupe standard [3]. Mais il n’y avait pas eu de mesures médicales préventives mises en place, contrairement à l’étude SCOT -HEART, a fait remarquer le Dr Newby.
Dans un éditorial dédié[4], les Drs Udo Hoffman et James Udelson (Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School, Boston; Division of Cardiology and the CardioVascular Center, Tufts Medical Center, Boston.) insistent sur le moindre nombre d’infarctus du myocarde à 5 ans sans qu’il y ait eu –contrairement à l’idée préconçue – de revascularisations plus importantes dans le groupe coroscanner. Il s’agirait donc bien « d’un effet attribuable principalement au traitement préventif mis en place grâce au résultat de l’imagerie ».
Quant à la différence avec l’étude PROMISE, elle s’expliquerait par la nature des tests ischémiques employés : les tests fonctionnels plus spécifiques et sensibles auraient permis une meilleure discrimination des sujets à risque par opposition au test d’effort (moins performant…) majoritairement utilisé dans l’étude SCOT-HEART.
Les éditorialistes arrivent à la conclusion suivante : « Le clinicien conforté par le diagnostic anatomique pourra de façon plus pertinente mettre en place des mesures préventives pour une évolution favorable tout en minimisant les symptômes quotidiens ». De là à proposer le coroscanner dans la routine de l’exploration d’une douleur thoracique…
Une étude sujette à critiques
Cette étude positive, en faveur d’un examen d'imagerie, supposant aussi plus de radiations et plus de coût, n’a pas convaincu tout le monde. Le Dr John Mandrola, en particulier, est plus que dubitatif et a listé dans un article publié sur Medscape édition internationale 5 raisons pour lesquelles il a du mal à imaginer qu’un coroscanner puisse aboutir à une baisse de 40% des décès cardiovasculaires et d’infarctus du myocarde à 5 ans. Parmi ces raisons : une surestimation possible de l’effet des stratégies de prévention (aspirine, statine), une certaine fragilité des résultats due notamment à une sur-estimation de la puissance statistique de l’étude – si 10 événements d’infarctus du myocarde ont été mal classés, le critère primaire perd en significativité, considère l’éditorialiste de Medscape édition internationale. Enfin, des biais sont aussi possibles dans cette étude en ouvert favorisant les patients du groupe coroscanner. Nous vous invitons à lire cette critique ici. SL
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Citer cet article: SCOT-HEART : forte baisse des IDM et de la mortalité CV dans l’angor stable grâce au coroscanner - Medscape - 26 août 2018.
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