Munich, Allemagne — Les résultats de l’étude MARINER présentés ce jour au congrès de l’ ESC2018 à Munich indiquent que prescrire du rivaroxaban (Xarelto®, Bayer/Janssen) pendant 45 jours après la sortie de l’hôpital dans les suites d’une affection médicale aiguë ne diminue pas de façon significative les événements thromboemboliques veineux (ETV) symptomatiques et les décès qui y seraient liés [1]. Ces résultats font l’objet d’une publication simultanée dans le NEJM [2] .
Optimiser la thromboprophylaxie des patients à risque de ETV
Les sujets hospitalisés sont particulièrement à risque de maladie thromboembolique veineuse (MTEV) en raison de la combinaison de facteurs de risques chroniques (âge, insuffisance cardiaque, antécédent de MTEV) et d’un risque accru transitoire en rapport avec l’événement aigu responsable de l’hospitalisation : insuffisance cardiaque ou respiratoire, un accident vasculaire cérébral, sepsis ou maladie inflammatoire chronique. Des scores – tenant compte de la perte de mobilité, de l’âge, d’antécédents de MTEV, de cancer – permettent de stratifier ce risque et de repérer les patients les plus à risque.
Une prophylaxie à base d’anticoagulants réduit ce risque de 50 à 60 % pendant l’hospitalisation mais est rarement poursuivi à la sortie de l’hôpital en accord avec les recommandations actuelles. Pourtant, a précisé le Dr Alex C. Spyropoulos (New York), lors de la présentation de l’étude en conférence de presse, « les 650 000 ETV annuels (estimation) enregistrés aux Etats-Unis et en Europe surviennent dans les 6 semaines qui suivent la sortie de l’hôpital ».
Est-il possible d’optimiser la thromboprophylaxie chez ces patients en prolongeant le traitement lors du retour au domicile? L’étude MARINER a été conçue pour le savoir.
12 024 patients issus de 36 pays
L’étude a inclus 12024 patients particulièrement à risque de d’ETV issus de 36 pays, qui devaient être âgés de plus de 40 ans et avoir été hospitalisés pour une durée entre 3 et 10 jours pour une des affections médicales aiguës suivantes : insuffisance cardiaque avec une FEVG <45%, une insuffisance respiratoire ou une exacerbation de BPCO, un AVC ischémique ou une pathologie infectieuse ou inflammatoire (y compris rhumatologique). Les patients sélectionnés devaient présenter des risques supplémentaires d’ETV, caractérisé par un score IMPROVE > 4 ou un score de risque de 2 ou 3 plus un taux de d-dimère de 2 fois supérieur à la limite supérieure.
Les patients ont été assignés de façon aléatoire pour recevoir du rivaroxaban ou un placebo dès le jour de sortie de l’hôpital ou le lendemain au plus tard. Deux doses ont été attribuées, l’une de 10 mg une fois par jour pour les patients avec une clairance rénale d’au moins 50 ml par minute, et une dose réduite quotidienne de 7,5 mg chez les patients avec une clairance se situant entre 30 et 50 ml par minute.
Les participants ont été contactés 7, 21, et 45 jours après leur sortie de l’hôpital pour s’assurer de leur adhésion au traitement et être interrogés sur la survenue d’EVT. Ils ont ensuite été recontactés pour un suivi de sécurité à 75 jours.
« Cela en fait, selon l’orateur, la première étude à traiter les patients dès leur sortie de l’hôpital, à les suivre aussi longtemps, à avoir dosé les d-dimères et à avoir utilisé une dose réduite de rivaroxaban pour prendre en compte la clairance rénale ».
Critère primaire négatif
Au final, le critère primaire qui était un critère combiné associant les ETV symptomatiques aux décès liés à des ETV s’est révélé négatif, avec 50 (0,83%) des 6007 patients du groupe rivaroxaban concernés versus 66 dans le groupe placebo (hazard ratio : 0,76 ; IC95% : 0,52 – 1,09, P=0,14).
Les résultats en fonction de la fonction rénale et de la dose de rivaroxaban sont détaillés ci-dessous.
Critère primaire |
Rivaroxaban n (%) |
Placebo n (%) |
Hazard ratio (IC95%) |
ETV symptomatique/Décès liés à des ETV |
50/6007 (0,83) |
66/6012 (1,10) |
0,76 (0,52-1,09) |
CC > 50ml/min, dose de 10 mg |
32/4909 (0,65) |
48/4913 (0,98) |
0,67 (0,43-1,04) |
CC:30 - 50ml/min, dose de 7,5 mg |
18/1098 (1,64) |
18/1099 (1,64) |
1,00 (0,52-1,92) |
CC : clairance de la créatinine
La supériorité n’ayant pas été établie dans l’analyse des critères primaires, les critères secondaires pré-spécifiés ont été explorés dans des analyses complémentaires dont les résultats sont indiqués dans le tableau ci-dessous.
|
Rivaroxaban (N=6007) |
Placebo (N=6012) |
Rivaroxaban versus placebo |
|
Critères secondaires |
n (%) |
n (%) |
Hazard ratio (IC95%) |
Valeur de p |
Décès en lien avec un ETV |
43 (0,72) |
46 (0,77) |
0,93 (0,62-1,42) |
0,751 |
ETV symptomatiques |
11 (0,18) |
25 (0,42) |
0,44 (0,22-0,89) |
0,023 |
ETV symptomatiques + mortalité toute cause |
78 (1,30) |
107 (1,78) |
0,73 (0,54-0,97) |
0,033 |
ETV symptomatiques + IM +AVC non hémorragiques + décès CV |
94 (1,56) |
120 (2,00) |
0,78 (0,60-1,02) |
0,073 |
Mortalité toute cause |
71 (1,18) |
89 (1,48) |
0,80 (0,58-1,09) |
0,156 |
Le principal résultat en termes de sécurité, à savoir les saignements majeurs, se résume à 17 (0,28%) des 5982 patients du groupe rivaroxaban et 9 patients du groupe placebo (hazard ratio : 1,88, IC95% : 0,84 – 4,23).
Décision individuelle
La conclusion de l’étude est donc que la prescription de rivaroxaban pendant 45 jours dès la sortie de l’hôpital à des patients hospitalisés pour différents types de pathologies médicales courantes n’a eu pas d’effet significatif sur la survenue d’événements thromboemboliques veineux et les décès qui leur seraient liés par rapport à un placebo dans une population sélectionnée comme étant plus à risque d’ETV. Le traitement n'a pour autant pas majoré le risque de saignement, qui est resté très bas et non significativement augmenté, tout au long de l'étude.
Lors de la discussion de résultats, le Dr Alex C. Spyropoulos a suggéré que la dose réduite chez les patients à fonction rénale altérée avait peut-être été insuffisante, l’effet étant plus marqué avec la dose de 10 mg versus 7,5 mg. Il a tenu à souligner l’analyse exploratoire sur les critères secondaires qui montre une réduction de 56% des ETV symptomatiques et une réduction de 27% des ETV et de la mortalité toute cause.
Au final, en l’absence de nouvelles preuves de l’intérêt d’une thromboprophylaxie chez des patients médicaux sur une durée prolongée, le choix de la poursuite de la thromboprophylaxie en sortie d’hospitalisation dépendra donc toujours de l’évaluation au cas par cas par le médecin en tenant compte des critères de risque du patient et de la balance bénéfices/risques d’un traitement au long cours.
L’auteur a déclaré des liens d’intérêt avec Janssen et Boehringer Ingelheim, Portola, Bayer, ATLAS) L’étude a été financée par Bayer AG et Janssen Research & Development. |
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Citer cet article: Prévention de la maladie thromboembolique veineuse: faut-il la prolonger après la sortie de l’hôpital ? - Medscape - 26 août 2018.
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