POINT DE VUE

TAVI : Nouveautés dans FRANCE-2 et sur le traitement anticoagulant

Pr Hélène Eltchaninoff, Pr Jean-Philippe Collet

Auteurs et déclarations

31 août 2018

Enregistré le 28 août 2018, à Munich, Allemagne

Spécial TAVI à l’ESC 2018 : Hélène Eltchaninoff et Jean-Philippe Collet discutent les résultats à 5 ans de l’étude FRANCE-2 et l’optimisation du traitement anticoagulant post-implantation dans FRANCE-TAVI.

TRANSCRIPTION

Pr Jean-Philippe Collet — Bonjour, je suis Jean-Philippe Collet. On est en direct du congrès de l’ESC 2018 à Munich et j’ai le plaisir d’être avec Hélène Eltchaninoff de Rouen pour avoir une conversation autour du TAVI. Est-ce que tu peux nous dire ce qu’il y a de nouveau sur ce congrès sur le TAVI ?

Le registre France II, à 5 ans

Pr Hélène Eltchaninoff — Cette année on n’a pas de résultats de grandes études randomisées telles que celles que tout le monde attend sur les indications des patients à bas risque, mais on a une présentation des résultats de FRANCE 2 à cinq ans [1], le registre français qui est à l’honneur, présenté par Martine Gilard, et puis on a beaucoup de sessions sur, justement, le moyen et le long terme, puisque c’est la question que tout le monde se pose : la durabilité, la thrombose. Je peux détailler un peu FRANCE 2…

C’est donc cinq ans de suivi. Au départ ce sont les patients qui ont un TAVI entre 2010 et 2011 — il y en avait 4200 au départ, il en reste 1250, c’est normal, c’est une population à haut risque. Et sur les 1200, il y a un très bon suivi. Ce qui est important, c’est que la moitié des patients ont pu avoir une échographie récente à cinq ans qui montre qu’aucun patient n’a eu besoin d’une réintervention — donc c’est la définition chirurgicale en quelque sorte de la dégénérescence. Et il y a à peu près 10 % de patients qui présentent des signes à l’échographie de dégénérescence… mais ce sont des données finalement assez rassurantes et qui sont bien dans la continuité des quelques études qui sont présentées depuis le printemps sur le suivi au-delà de cinq ans, qui sont également assez rassurantes, même si on ne va pas au-delà de sept ans. C’est-à-dire, il ne semble pas avoir d’alarme sur une dégénérescence accrue par rapport aux valves chirurgicales à sept ans, sur des petites populations…

Pr Jean-Philippe Collet —  Et en termes d’endocardite ou de choses comme ça, on n’a pas forcément de mauvais signal…

Pr Hélène Eltchaninoff — Non. En termes d’endocardite cela a l’air comparable à la chirurgie et puis il y a aussi beaucoup de discussions sur la thrombose de valve, qui était connue avec les valves mécaniques, qui était moins abordée avec les bioprothèses chirurgicales et qui est un sujet de discussion maintenant avec l’avènement des scanners, parce qu’en fait, dans des études sur des nouvelles valves il y a des scanners qui ont été faits de façon systématique et qui ont mis en évidence des thromboses infracliniques, des petits dépôts des images scanner. C’est donc un sujet qui intéresse tout le monde, mais il y en a aussi bien dans les valves chirurgicales que percutanées. Sur le plan clinique, c’est très rare aussi, moins de 1 %. Simplement, c’est important, un cardiologue doit savoir qu’il doit faire un suivi échographique annuel et que s’il y a une élévation de gradient, cela peut être une thrombose et que l’anticoagulation marche très bien et que, dans ces cas-là, il faut le confirmer par scanner. Donc c’est un sujet d’intérêt : est-ce que c’est le lit, plus tard, d’une dégénérescence ? Ce sont aussi des discussions… il n’y a pas d’évidence. Mais du coup, je peux peut-être te renvoyer la question : est-ce que, justement, il y a beaucoup d’études en cours sur ce sujet et quel est le meilleur traitement antiagrégant, antithrombotique, à donner aux patients après TAVI ? Est-ce qu’on a eu des données à l’ESC, cette année ?

Quel traitement antiacoagulant après un TAVI ?

Pr Jean-Philippe Collet — On a présenté, justement, les résultats de France-TAVI [publiés simultanément dans le JACC[2] ], le deuxième registre français qui a commencé un peu plus tard — c’était la deuxième série de patients. On a regardé les patients qui ont eu le TAVI entre 2013-2015, leur évolution un peu au long cours en fonction du traitement à la sortie. Et effectivement, on a vu que les 40 % de patients qui étaient sous anticoagulants ont moins de dysfonctions de bioprothèse échographiques plutôt précoces, mais ce qui correspond un peu, probablement, à de la thrombose. Donc c’est une grosse série où il y avait 13000 malades – et les échographies étaient disponibles chez plus de 2500. Donc cela confirme ce que tu dis : ce n’est pas très fréquent, c’est à peu près 4 % - 5 % et on a l’impression que l’anticoagulant a un vrai effet préventif.

Alors après on a regardé l’effet de l’anticoagulant sur la mortalité et là, on voit que c’est associé à la mortalité de façon indépendante, mais tout comme la fibrillation atriale. En fait, la principale raison de la mise sous anticoagulants est la fibrillation atriale. Alors même s’ils sortent de façon indépendante, il y a peut-être aussi des biais qu’on ne connaît pas et cela reste un sujet ouvert, débattu. En tout cas, quand il y a une bonne indication d’anticoagulant il faut mettre des anticoagulants, quand il n’y a pas d’indication, en fait on ne sait pas trop…

Pr Hélène Eltchaninoff — Et il y a des études en cours, en particulier l’étude française ATLANTIS…

Pr Jean-Philippe Collet — Il y a en effet l’étude ATLANTIS qu’on fait en France, il y a l’étude GALILEO qui est faite aussi aux États-Unis et qui s’est arrêtée pour des raisons de sécurité, donc on n’en sait pas plus. Cela reste un débat vraiment ouvert et une vraie question — ce sont des malades un peu fragiles.

Pour revenir à FRANCE 2, où on a quelques données sur le mécanisme de la dégénérescence, on a eu des scanners…?

Pr Hélène Eltchaninoff — Non. En fait, on a les informations purement échographiques et, par exemple dans les petites séries qui ont été publiées, c’est pareil : les rares cas de dégénérescence paraissant sévères, par exemple dans notre série rouennaise qu’on a pu publier, on n’avait pas les informations, parce qu’à l’époque on ne faisait pas de scanner systématique. C’est assez récent qu’on se pose la question de thrombose versus dégénérescence. Mais je pense que cela renforce l’importance de dire aux cardiologues qu’il faut absolument suivre les patients annuellement.

Pr Jean-Philippe Collet — Donc la thrombose, en fait, on ne sait pas trop le lien avec des événements cliniques comme les AVC, etc., c’est un peu le lien qui manque. Et je voulais savoir dans FRANCE 2, est-ce qu’on a des données par exemple sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ? Parce que c’est un vrai sujet, c’est le « bénéfice fonctionnel »…

Pr Hélène Eltchaninoff — Oui, effectivement le lien, parmi les patients qui ont une dégénérescence sévère, il y en a peu. Certains ont eu une poussée d’insuffisance cardiaque, sinon, au total, sur la série de patients de FRANCE 2, il y a eu 15 % de patients qui ont été réhospitalisés dans l’année pour insuffisance cardiaque, et ils ont une mortalité accrue. Donc l’insuffisance cardiaque en général, après TAVI, est un sujet d’importance, parce que c’est lié à davantage de mortalité. Et je pense qu’effectivement ce sont des patients qu’il faut suivre de plus près. Et puis il faut peut-être voir dans l’inclusion : est-ce qu’il y a des patients qui sont dépassés ? Enfin je pense que c’est une population à risque.

Pr Jean-Philippe Collet — Oui, parce que c’est la vraie question — c’est vrai que souvent on a des patients qui ont des sténoses aortiques sévères qui sont peu symptomatiques, on a tendance à attendre. Peut-être qu’il faut doser le BNP pour accélérer l’intervention, parce que souvent en fait, après, quand on attend trop, on voit qu’ils sont réhospitalisés pour insuffisance cardiaque diastolique. Donc c’est une vraie question.

Pr Hélène Eltchaninoff — Oui. Et d’ailleurs il y a des études qui sont en cours. Il y a une étude sur le TAVI chez les asymptomatiques avec un rétrécissement aortique (RA) sévère et puis il y a une étude très intéressante sur le RA modéré, mais chez les patients qui ont une insuffisance cardiaque pour voir si en levant la post charge — c’est-à-dire qu’en supprimant le barrage de la valve, on améliore leur pronostic. Donc c’est vrai, en tout cas, il y a beaucoup d’intérêt sur le RA, ce qui est quand même intéressant, parce que c’était quelque chose un peu oublié. On disait que c’était une maladie liée à l’âge. Et finalement, là, il y a eu des sessions sur les mécanismes, sur comment éviter la progression, est-ce qu’il y a des thérapeutiques qui peuvent agir, donc c’est un sujet qui ressurgit.

Pr Jean-Philippe Collet — Donc plein de choses encore à apprendre. Merci beaucoup, et on vous donne rendez-vous prochainement pour vous en dire un petit peu plus sur le TAVI.

 

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