Davantage de femmes signataires dans les publications cardiologiques

Dr Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

22 août 2018

Karachi, Pakistan -- S’il y a de plus en plus de femmes médecins, leur présence dans les instances académiques reste bien inférieure à celle des hommes. Publier dans des revues scientifiques est un des principaux moyens pour accéder au rang d’universitaire, les femmes en tant qu’auteure principale y sont encore sous représentées. Néanmoins, sur les 20 dernières années, leur nombre est en hausse. Ce travail vient d’être publié dans J Am Coll Cardiol[1].

Prénoms féminins

Pour arriver à cette conclusion positive (mais pas encore assez convaincante), le Dr Mariam Asghar (Department of Internal Medicine, Dow University of Health Science Karachi, Pakistan) et ses collègues ont passé en revue 6 publications cardiologiques internationales : JACC (Journal of American College of Cardiology), EHJ (European Heart Journal), Circulation, AJG (American Journal of Cardiology) BMJ Heart (British Medical Journal), CC (Clinical Cardiology).

Leur travail a consisté à relever dans les articles publiés en 1996, 2006 et 2016 (soit au cours des 20 années écoulées) le nombre de femmes placées en tête de l’étude (réalisatrice) et en dernière position (instigatrice) de la liste des auteurs. Pour ce faire, ils se sont tout simplement appuyés sur…les prénoms du premier et dernier auteur afin de les rattacher au genre féminin.

Les chercheurs se sont aussi intéressés au type d’article (revue, éditorial, recherche, lettre, …), à l’impact de la publication (impact factor : IF) et au nombre d’hommes et femmes dans le comité rédactionnel. Ce travail minutieux a tenu compte aussi du nombre de citations, du pays (USA, UK, reste du monde) et à la concordance entre le sexe du premier et dernier auteur.

En première auteure dans 1 publi sur 6

Au final, le genre des auteur(e)s a été analysé dans plus de 11 500 papiers. Et il est ressorti de cet épluchage que, sur l’ensemble de la presse cardiologique étudiée, les femmes sont placées en première auteure dans 16,5%, des cas et en position de senior dans 9,1%.

Sur toute la période étudiée (20 ans), la proportion de femmes en tant qu’auteure principale a augmenté de 9,5% quand celle de « teamleader » a cru de 6,6%.

Pour chacun des journaux, le pourcentage de progression a été significatif (mais très variable) qu’il s’agisse de la première auteure (5 à 14%) ou de la place senior (4 à 8%) – à l’exception du EHJ où ce nombre diminue.

La progression des femmes diffère aussi selon le pays d’origine de l’équipe de chercheurs : elle est significative en première auteure pour les Etats-Unis (+9,5%) et le Royaume-Uni (+18,8%) et en position senior (+7,1% et +8,4%), respectivement. Dans le reste du monde, seule le nombre de femmes en progression senior augmente significativement (+6,7%).

La proportion de femmes auteures et seniors a cru significativement pour tous les types d’articles en dehors des revues et des rapports de conférences.

L’impact factor de la revue, pas plus que le sexe prédominant au sein de la rédaction, n’ont eu d’influence sur le genre du premier ou du dernier auteur.

Les articles signés par des femmes sont plus souvent cités que ceux écrits par les hommes. La différence est significative notamment en 1996 et 2006.

A noter : la concordance de genre dans le « couple » première et dernière auteures (25%) est beaucoup plus fréquente que le couple dernier auteur homme/première auteure femme (15,4% ; p<0,001).

 
Sur l’ensemble de la presse cardiologique étudiée, les femmes sont placées en première auteure dans 16,5%, des cas et en position de senior dans 9,1%.
 

Une légère tendance à l’amélioration

Les auteures concèdent qu’il y a eu un progrès entre 1996 et 2016 : la proportion de premières auteures et directrices scientifiques a connu une hausse significative, passant de 11 à 21 % et de 6 à 12% respectivement, en 20 ans. Toutefois, en cardiologie, ces positions – de leaders féminines – restent notablement plus faibles par rapport à d’autres spécialités (37 % en médecine interne, par exemple).

Sur le fait que le nombre de femmes présentes dans le comité rédactionnel n’ait pas d’influence sur le genre du premier signataire. Mariam Asghar et coll. y voient un côté positif. Vite tempéré cependant par ce biais inconscient : « On sait que le même résumé soumis par une femme est plus sujet à critique que s’il est libellé sous un prénom masculin […] une lecture en double-aveugle pourrait surpasser ce problème ».

Le point qui est peut-être le plus intéressant dans cette étude porte sur la concordance du « couple première et dernière signataire » qui est féminin dans 25% des articles évalués (contre 15% quand le « directeur » de l’étude est un homme). Pour le Dr Asghar, c’est une constatation majeure : une femme directrice crée des vocations féminines.

Tant que la proportion de femmes à des postes académiques de haut niveau restera très modeste, il sera difficile pour une femme d’obtenir la place universitaire qu’elle mérite. On peut se rappeler à ce titre ce qu’en disait Marcia Angell*, qui connaît plutôt bien la question, fait la même constatation dans une lettre ouverte à sa fille qui embrasse la carrière médicale [2] :  « …elle (sa fille) ne verra plus la discrimination, entre hommes et femmes pendant ses études. Sauf, peut-être, au très haut niveau des hiérarchies organisationnelles [!], les opportunités pour sa carrière seront les mêmes » (voir aussi La femme médecin est l’égal de l’homme ? Les messages de Marcia Angell).

Le Dr Asghar admet quelques limites dans sa publication : la quête du prénom s’est limitée à seulement 6 revues cardiologiques, par ailleurs, s’interroge-t-elle le prénom jugé féminin était-il fiable ? Elle estime cependant avoir raison dans plus de 99% des cas. Enfin le taux soumission/acceptation d’articles n’était pas connu, et on peut se demander si la dernière position reflétait toujours l’initiatrice du projet ?

 
La proportion de premières auteures et directrices scientifiques a connu une hausse significative, passant de 11 à 21 % et de 6 à 12% respectivement, en 20 ans.
 

Quel féminin pour « mentor » ? 

On notera, pour finir sur une note positive, que dans cette étude, le mentor et destinataire des éventuels courriers concernant l’étude, se prénomme Vincent (M Figueiredo, Einstein Medical Center Philadelphia, Pennsylvania) est en faveur d’une tendance positive vers la parité femmes/hommes dans les publications médicales, même si la place dédiée aux femmes en cardiologie reste modeste notamment dans les instances universitaires.

 
La question maintenant est de savoir si nous sommes capables de garder les portes ouvertes et les ouvrir un peu plus pour nos filles et générations suivantes  Marcia Angell
 

*Marcia Angell a été rédactrice en chef du New England Journal of Medicine entre 1999/2000 après avoir été dans le comité rédactionnel pendant 20 ans. Au début des années 90 elle a été avec Rita Redberg une des premières à révéler la sévérite des maladies cardiovasculaires chez les femmes : signant la fin de la « Bikini Medicine ».

 

Les auteurs ne rapportent pas de conflit d’intérêt.

 

 

 

 

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....