France --- Au cœur de l’été, le 11 juillet dernier, la start-up Doctolib, leader européen de la prise de rendez-vous en ligne, rachetait l’un de ses concurrents MonDocteur [1]. Une opération financière somme toute banale mais qui donne tout de même naissance à un mastodonte de la e-santé qui ne cache plus ses ambitions européennes.
Stanislas Niox-Château, co-fondateur et président de Doctolib, décrit ainsi l'opération : « Le rapprochement entre Doctolib et MonDocteur est une opportunité de bâtir un champion européen de la e-santé et d’accentuer notre participation à l’amélioration du système de santé en partenariat avec nos professionnels et établissements de santé »[2].
Optimiser l’organisation des rendez-vous
Créés la même année, en 2013, Doctolib et mondocteur.fr proposent aux médecins – français et allemands – « d’optimiser l’organisation des rendez-vous », de diminuer le nombre de rendez-vous non honorés, via l’envoi de SMS de rappel, de faciliter le fonctionnement du cabinet… Côté patient, ces services permettent avant tout de prendre des rendez-vous en ligne 24h/24 et 7 jours sur 7.
Engouement
Apparus en France en 2006, après avoir vus le jour aux Etats-Unis, les outils de prise de rendez-vous en ligne n’ont réellement émergé dans l’hexagone qu’en 2013. Depuis l’engouement pour la prise de rendez-vous sur Internet ne se dément pas – plus de 20 000 médecins en France ont déjà franchi le pas fin 2016 selon les éditeurs – indique une étude de marché de l’Union Régional des Professionnels de Santé - Médecins libéraux Ile-de-France sur ces services.
Doctolib en pole position parmi toutes les solutions à disposition
Si l’offre est désormais pléthorique (plus de 50 solutions recensées en France à ce jour par l’URPS), cette nouvelle acquisition place Doctolib en pole position avec un « partenariat » englobant 55 000 médecins et 1200 établissements de santé. Le rachat de MonDocteur permet surtout au géant européen de la prise de rendez-vous en ligne d’attaquer un nouveau marché, celui des établissements de santé.
Grâce à une levée de fond substantielle de 35 millions d’euros en 2017 – la plus importante dans l’e-santé, et la troisième tous secteurs confondus – la société devrait être en mesure de recruter 200 personnes supplémentaires en 2018, et de doubler son équipe d’ingénieurs qui passera de 50 à 100 salariés, expliquait le Comité de direction de l’entreprise, afin de faciliter le quotidien des patients et des praticiens et les « accompagner dans l’évolution des usages ».
Créer les cabinets et les hôpitaux de demain
Aujourd’hui, Doctolib précise ses ambitions – et elles sont de taille – puisqu’il s’agit de « créer les cabinets et les hôpitaux du futur et améliorer l’expérience de la prise en charge des patients » [1]. En France comme de l’autre côté de Rhin : « Le nouveau groupe souhaite accentuer sa participation à l’amélioration du système de santé en France et en Allemagne. » Pour ce faire, l’entreprise annonce que « les équipes de développement technologique vont tripler pour atteindre 250 ingénieurs d’ici 2020 dans nos centres de R&D à Paris et Berlin ». Et si cette acquisition n’a rien modifié aujourd’hui, il faut s’attendre à des innovations dans les prochains mois annonce le communiqué de Doctolib, histoire de manager le suspense. Contacté par Medscape édition française, la direction de la start-up n'a pas commenté plus avant ces informations.
Charte de confiance
Quoi qu'il en soit, tout n’est pas si rose au pays des E-rendez-vous en ligne. En février dernier, face à l'explosion des services de prise de rendez-vous en ligne, l'URPS Ile-de-France a fait signer aux principaux acteurs du secteur une « charte de confiance » [3]. L'Union des médecins libéraux avait en effet constaté « une transparence insuffisante », et des « zones d'ombre ». En cause, entre autres : la difficulté pour les médecins de récupérer leurs données après une rupture de contrat. Mais aussi des problèmes de référencement des médecins sur les plateformes, amenant à une confusion sur l'identité de tel ou d’untel.
L'URPS pointait aussi du doigt le manque de sécurité des données, comme les motifs de consultation renseignés par les patients, qui dans certains cas ne sont ni cryptés ni effacés après un délai fixé.
La charte a été signée par dix plateformes, dont Doctolib et MonDocteur.
Elle engage ces plateformes à respecter les règles et principes du conseil national de l'ordre des médecins, ayant trait à l'activité médicale, à la publicité et la confidentialité des données. Elle ne fait pas non plus l'impasse sur l'accessibilité des plateformes, la protection des données, le référencement des médecins, la transparence des sources de financement… Car les plateformes de prise de rendez-vous en ligne font planer une menace d'ubérisation de la médecine.
Un pas de plus vers l’ubérisation de la médecine ?
En 2015, l'URPS avait publié une étude sur les rendez-vous non honorés par les patients, qui avaient tendance à se multiplier. En cause : la facilité de la prise de rendez-vous en ligne, qui ont tendance à faire de la consultation un produit de consommation comme un autre. L'apparition d'un mastodonte de la prise de rendez-vous en ligne risque-t-elle d'aggraver ces tendances ? Contacté par Medscape édition française, l'URPS n'a pas été en mesure de répondre.
Mais, selon son étude publiée en 2017, de nombreux médecins ont tendance à affirmer que la prise de rendez-vous en ligne a aussi pour vertu de faire baisser le nombre de consultations non honorées [1]. Ces plateformes permettent aussi une meilleure coordination ville-hôpital, et un adressage des patients vers d'autres collègues.
Demain, Doctolib proposera-t-il une solution de télémédecine totalement intégrée ? Cela semble se dessiner. Déjà, il est question de proposer des consultations à domicile, en couplant ses services avec ceux d'Uber
Ou encore d'offrir une plateforme de téléconsultation médicale. Le danger étant, bien sûr, de confier l'organisation des soins à un seul et même acteur, qui échapperait à la tutelle de l'État...
Sept ans après Grenoble, l’AP-HP adopte la prise de rendez-vous médicaux en ligne
Rendez-vous non honorés et consultations urgentes intercalées : un phénomène sociétal ?
Visites à domicile : que penser des nouveaux services «d’Uber médecine» comme Docadom ?
Uber Health, la solution contre les rendez-vous manqués ? Pas forcément…
Ubérisation de la médecine : ignorer, combattre ou rivaliser ?
Avenant télémédecine : la téléconsultation pour tous dès septembre 2018
Zava, la nouvelle plateforme anglaise de téléconsultations s’implante en France
Actualités Medscape © 2018 WebMD, LLC
Citer cet article: Avec le rachat de MonDocteur, Doctolib se voit en champion européen de la e-santé - Medscape - 20 août 2018.
Commenter