France -- Des dysfonctionnements estivaux étaient attendus dans les services d’urgences, avant même les épisodes caniculaires de l’été. Qu’en est-il en pratique ? La Ministre de la Santé qui s’est déplacée dans plusieurs services d’urgences affirme que la situation est suivie de près par les Agences régionales de santé (ARS). A Paris, l’AP-HP ne signale pas de difficultés particulières.
Sur les 650 services d’urgences en France, au 4 aout, seuls 18 avaient activé le dispositif hôpital en tension, a explique le Dr Buzyn à l’occasion de sa visite d’un centre parisien de la Croix Rouge, le 3 aout 2018. Alors, tout va bien ?
Des plannings de garde tendus
Pourtant, interrogés par l’Association des Médecins Urgentiste de France (Amuf), 80 % des services d’urgences ont déclaré avoir à faire face à des difficultés dans le bouclage des plannings.
Cette situation est en partie liée à la décision de plafonnement de la rémunération des intérimaires, qui semble diminuer encore l’attractivité de certaines structures. Cette année encore, le CH de Saint Vallier dans la Drôme s’est même résolu à fermer ses urgences en l’absence d’un nombre suffisant de médecins.
Pour le Dr Christophe Prudhomme , porte parole de l’Amuf, « cela fait 15 ans que ça dure, mais là, la situation est devenue critique : les familles doivent porter plainte contre l’état, l’accès aux soins est un droit constitutionnel ».
Appel aux médecins retraités payés 210 euros la journée
Quel recours alors que la demande en soins d’urgence reste tendue, en particulier du fait des différentes phases de canicule qui ont touché le pays ? Comme il avait été évoqué au début de l’été, les ARS ont fait appel à la réserve sanitaire. Cet opérateur a été crée pour répondre aux situations d’urgence sanitaire en France comme à l’étranger.
Chaque ARS a adressé aux médecins urgentistes inscrits régionalement un mail détaillant les hôpitaux (par exemple, ceux de Saint Quentin, Péronne, Chauny, Laon, Beauvais ou Senlis pour les Hauts-de-France) et les dates à problème. Le corps de la réserve sanitaire est majoritairement constitué de médecins retraités depuis moins de 5 ans qui sont rémunérés 53 % de 500 euros bruts par jour soit 265 euros bruts et 210 euros nets – sans précision sur la durée de la journée travaillée – contre 1 404 euros bruts plafonnés pour les intérimaires sur 24 h. Une solution à bas coût ?
Vers une transformation du système hospitalier
Quel avenir pour les urgences hospitalières ? Attendues début juillet, les annonces sur la stratégie de transformation du système de santé ont été reportées à début septembre. L’Intersyndicat National des Praticiens Hospitalier déplore « le flou » qui entoure les réformes à venir dans un contexte de manque d’attractivité des carrières hospitalières. Le syndicat souligne que c’est ce manque d’attractivité qui est à l’origine – du moins en partie – de « l’augmentation progressive et inexorable du taux de vacances des praticiens ».
Le Conseil National de Gestion, dans son rapport annuel, souligne que 19 000 postes de PH sont actuellement en vacance soit 27,4 % des postes à temps plein et 47 % de ceux à temps partiel. Ce sous-effectif épuise les équipes et impose un recours aux intérimaires en particulier dans les services à garde tels que les urgences.
Parmi ces intérimaires – au nombre de 6 000 environs, toutes spécialités confondues – on retrouve de plus en plus de médecins qui n’ont pas pris ou qui ont quitté un poste de PH en raison du manque d’attractivité d’une carrière hospitalière exclusive.
Quelles réformes possibles pour les urgences ?
Interrogé sur Europe 1 début aout sur les fermetures de service d’urgences, le Dr Olivier Véran, député LREM et initiateur de la mesure de plafonnement des rémunérations d’intérimaires, a expliqué : « l’été, on accumule pas mal de problématiques… Les infirmières et les médecins prennent des vacances, c’est plus compliqué de faire tourner les services … et en cas d’afflux de touristes, les urgences sont saturées ».
Parmi les pistes explorées, la fermeture la nuit de certains services d’urgences (dont le nombre de passage reste à définir) est envisagée. Evoqué aussi dans le rapport Mesnier, la création de centres de consultations sans rendez vous, animés par des urgentistes et des généralistes, et équipés d’un plateau technique minimal (radio, biologie, voire scanner) pourrait permettre aux patients de disposer d’autres recours que les urgences. Enfin, l’idée de la mise en place de trauma centers à la française fait son chemin dans certaines régions.
Vague de chaleur en Ile-de-France : bilan provisoire de l’AP-HP
Au vendredi 3 août, les services d’urgences et SAMU / centres 15 de l’AP-HP constataient [1] :
· une très légère augmentation du nombre de cas de pathologies liées à la chaleur aux urgences adultes en Ile-de-France (9 cas dont 6 cas de personnes de plus de 75 ans, répartis dans les 22 services d’urgences inclus dans la surveillance) ;
· un nombre de passages aux urgences de personnes âgées (> 75 ans) reste légèrement supérieur à celui observé l’an dernier à la même période (+6,7%) (sachant que les passages aux urgences de personnes âgées augmentent chaque année d’environ 2,5% à 3%) ;
· pas d’augmentation des passages aux urgences pédiatriques de l’AP-HP au cours des derniers jours ;
· une augmentation de 11,2% du nombre de dossiers de régulation médicale des 4 Samu de l’AP-HP (75, 92, 93 et 94) par rapport à la même période de l’an dernier. Les appels en lien avec la canicule sont passés de 13 à 30 pour la journée du vendredi 3, a indiqué le SAMU 75.
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Citer cet article: Coup de chaud aux Urgences : le dernier avant la réforme ? - Medscape - 6 août 2018.
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