Silver Spring, Etats-Unis — Sur le pied de guerre, la FDA vient d’interpeller très sérieusement les fabricants de dispositifs médicaux qui vantent les bénéfices de leurs produits dans le cadre d’un « rajeunissement vaginal » [1,2]. Elle rappelle avec force, par la même occasion, aux praticiens et patientes concernés, que ces lasers et autre matériel à radiofréquence, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité/sécurité pour les « cures de jouvence » gynécologiques et urinaires diverses et variées promues par les fabricants. Mais surtout, la FDA met en garde fermement sur les dangers potentiels de protocoles qui ne sont pas sans conséquence pour les femmes.
FDA garante de la « santé des femmes »
La FDA s’érige en garante de la « santé des femmes » – qui est aujourd’hui l’une de ses priorités, nous dit-elle – et compte bien surveiller et agir avec fermeté contre les « mauvais acteurs » dans le domaine de la santé qui « profitent de la confiance naïve des consommateurs en leur vantant des produits non approuvés et trompeurs posant des problèmes de sécurité » [1]. Les premiers à faire les frais de ces nouvelles dispositions sont les entreprises qui commercialisent des dispositifs dits de « rajeunissement vaginal », présentés par les fabricants comme une panacée universelle capables de traiter ou d’améliorer de multiples symptômes ou maladies féminines liées à la ménopause, à l’incontinence urinaire ou à la sexualité.
Preuve de cet engagement en faveur de la santé des femmes, la FDA a envoyé un avertissement à 7 de ces fabricants (Alma Lasers, BTL Aesthetics, BTL Industries, Cynosure, InMode, Sciton, and ThermiGen). Lesquels devront sous 30 jours justifier d’une approbation de la FDA – ou faire connaitre les raisons de leur absence de demande d’approbation – de leur matériel dans les multiples indications qu’ils font valoir dans leurs publicités (site Internet, prospectus, etc). En l’absence de réponse, elle prendra des mesures de rétorsion. Le ton est donné.
Arguments marketing trompeurs
« Lasers et autres dispositifs de ce type (radio-fréquence, etc) sont utilisés pour détruire ou redessiner le tissu vaginal. Ces produits présentent des risques sérieux et nous ne disposons pas de preuves suffisantes pour une utilisation dans ces indications. Nous nous inquiétons vraiment que les femmes puissent être lésées » affirme le Dr Scott Gottlieb, au nom de la FDA [1,2]. « Outre des arguments marketing trompeurs en lien avec ces usages particuliers, ces dispositifs peuvent être vraiment dangereux, insiste-t-il. Certains d’entre eux sont commercialisés à l’intention des femmes qui ont subi un cancer du sein et présentent des symptômes de ménopause précoce. Faire des promesses marketing trompeuses avec des protocoles dangereux sans bénéfices prouvés, y compris chez des femmes qui ont eu un cancer, c’est juste inouï » s’insurge-t-il dans le communiqué de la FDA [1].
« Rajeunissement vaginal » : un terme « fourre-tout » assez flou
Car si la FDA a, en effet, validé ces dispositifs pour la destruction des tissus cervicaux ou vaginaux anormaux ou pré-cancéreux dans le cas de condylomes ou de verrues génitales, leur efficacité et leur sécurité n’a, en aucun cas, été évaluée et encore moins confirmée par la FDA dans le but d’un « rajeunissement vaginal » rappelle, avec fermeté, le représentant de l’Agence américaine. Lequel fait d’ailleurs remarquer que l’appellation « rajeunissement vaginal » ne recouvre rien de précis, il s’agit plutôt un terme « fourre-tout » assez flou pour désigner pêle-mêle un ensemble de protocoles non-invasifs destinés à traiter ou à améliorer divers symptômes ou maladies féminines liées à la ménopause, à l’incontinence urinaire ou à la sexualité allant de l’atrophie de la muqueuse vaginale, à l’incontinence urinaire, en passant par le syndrome de relâchement vaginal, la sécheresse vaginale mais aussi les douleurs ou les moindres sensations lors des rapports sexuels…
Pour ce qui est des dangers, la FDA évoque des effets indésirables à type de brûlures vaginales, de cicatrices, de sensations douloureuses pendant les rapports sexuels et de douleurs chroniques et récurrentes. Mais l’agence du médicament américaine n’ayant pas évalué ces dispositifs, « l’étendue des risques est inconnue ». Cependant, indique-t-elle, les plaintes qui lui ont été rapportées montrent que ces produits peuvent entrainer de sérieux problèmes. De plus, ils peuvent masquer l’accès et détourner les patients de traitements reconnus et validés.
Pour finir, l’Agence américaine invite les femmes et les praticiens à déclarer tout événement indésirable qui surviendrait suite à ce type de procédure.
Et en France ?
Si le phénomène semble prendre plus d’importance aux Etats-Unis que de ce côté-ci de l’Atlantique – témoignages dans les journaux, à la télévision, slogan choc et relai des messages par des célébrités –, la France n’est pas imperméable à ce « rajeunissement ciblé » comme en témoigne la présence de prospectus publicitaires dans les salles d’attente de certains gynécologues et d’une session consacrée au sujet lors du congrès de l’AFU 2016 . Deux urologues, les Drs Florence Court et Adrien Vidart (Suresnes) y évoquaient, avec beaucoup de scepticisme, la place du laser, une procédure ambulatoire, facile, mini-invasive (sans incisions ni cicatrices, indolore sous anesthésie locale) qui peut apparaître comme particulièrement attractive comme alternative à la chirurgie (Voir notre article Laser en uro-gynécologie : des promesses, mais encore peu de preuves. « Quel sera le positionnement dans l’arsenal thérapeutique de l’incontinence urinaire ? Quel sera l’impact sur la morbidité ? Quelle sera l’efficacité à long terme ? » s’interrogeaient-il, compte-tenu du peu d’études à disposition. Avant de conclure : «Il ne faut pas que le laser soit un gadget de plus qui surfe sur un éventuel remboursement pour proposer cette approche à un grand nombre de femmes ».
Si l’Association Française d’Urologie ne s’est pas prononcé officiellement sur le sujet, la Société américaine de gynécologie-obstétrique, a fait connaitre sa position sur la réjuvénation vaginale et les protocoles de chirurgie cosmétique et sur le traitement par laser de l’atrophie vulvo-vaginale.
Aucune vulve ne ressemble à une autre
A toutes celles qui seraient tentées par la chirurgie plastique vulvo-vaginale, une étude parue le mois dernier dans BJOG [3] vient rappeler qu’aucune vulve ne ressemble à une autre et qu’il n’y a aucune raison de vouloir se conformer à une norme…inexistante. Alors que dans certains pays comme en Suisse, on observe une augmentation des demandes d'intervention au niveau de la vulve pour atteindre une certaine normalité, l’équipe du Dr Anne Kreklau (Hôpital cantonal de Lucerne) a recherché s’il existait vraiment une vulve "type". Ils ont donc suivi et mesuré les organes génitaux de 657 femmes caucasiennes âgées de 15 à 84 ans, d'avril 2015 à avril 2017, dans leur clinique. Résultats : la taille des lèvres internes et externes, le clitoris (7 mm, [0,5 à 34 mm]) et l’ouverture vaginale (6 à 75 mm) varient grandement. Les auteurs concluent donc que des vulves et des vagins absolument normaux et sains peuvent voir leur aspect différer grandement d’une femme à l’autre, et qu’aucun vagin « n’est bizarre ou pas comme il faut ». CQFD.
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Citer cet article: Lasers pour « rajeunissement vaginal » : la FDA voit rouge et rappelle à l’ordre les fabricants - Medscape - 6 août 2018.
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