Médicament anti-obésité : pas de cardiotoxicité à long terme avec la lorcasérine

Aude Lecrubier, Lisa Nainggolan

Auteurs et déclarations

3 août 2018

Woodcliff Lake, Etats-Unis -- Le médicament anorexigène lorcasérine (Belviq®, Eisai) n'augmente pas le risque d'événements cardiaques majeurs sur le long terme, d'après les résultats préliminaires d'une étude post-marketing sur plus de 12 000 patients, demandée par la FDA (à ce jour, la lorcasérine n’est pas commercialisée en France).

L'annonce, faite par le laboratoire Eisai[1], indique que l’utilisation de la lorcasérine chez des patients obèses ou en surpoids à haut risque cardiovasculaire (CV) n'augmente pas le risque de décès CV ou d'IDM et d'AVC non mortels.

Le communiqué de presse ne donne pas plus de détails sur la sécurité CV de cet agoniste sélectif des récepteurs 2C à la sérotonine (impliqués dans le contrôle de l'appétit et du métabolisme), notamment en ce qui concerne les valvulopathies, sujet de préoccupations.

Toutefois, le laboratoire précise que l’ensemble des données sera présenté prochainement, lors du congrès de l'European Society of Cardiology (ESC), fin août, et lors du congrès de l'European Association for Study of Diabetes (EASD) début octobre.

L'étude CAMELLIA-TIMI 61 est une étude post marketing de sécurité cardiovasculaire sur la lorcasérine (10 mg 2x/j). L'étude internationale multicentrique a été réalisée en double aveugle et contre placebo chez 12 000 patients à haut risque CV (en surpoids ou obèses, avec des maladies cardiovasculaires, des diabètes de type 2 avec des facteurs de risque CV).

Pour rappel, le traitement est indiqué chez les adultes dont l'indice de masse corporelle (IMC) est supérieur ou égal à 30 ou chez les adultes dont l'IMC est supérieur ou égal à 27 s'ils ont au moins une pathologie associée à l'obésité comme l'hypertension, le diabète de type 2 ou une hypercholestérolémie en plus de l'exercice physique et d'un régime alimentaire hypocalorique.

Moins de nouveaux cas de diabète de type 2

Outre les données rassurantes sur les effets CV, les résultats de CAMELLIA-TIMI 61 montrent une baisse du nombre de nouveaux cas de diabète de type 2 chez les patients qui prennent de la lorcasérine 10 mg, 2 fois par jour, versus ceux qui reçoivent le placebo. Enfin, le laboratoire précise que plusieurs facteurs de risque CV ont également été améliorés chez les patients recevant le produit actif : pression artérielle, lipidémie, glycémie et fonction rénale.

Des questionnements sur la sécurité des médicaments anti-obésité

En 2010, la FDA avait rejeté la demande d'AMM pour la lorcasérine en raison d'incertitudes sur la sécurité du produit, notamment sur le risque de cancer et le profil de sécurité CV. Puis, elle avait autorisé la molécule, deux ans plus tard, grâce à de nouvelles données fournies par le laboratoire.

La lorcasérine 10 mg 2x/j a donc reçu une AMM de la FDA aux Etats-Unis en 2012 puis, en 2016, pour une formulation à action prolongée de 20 mg une fois par jour.

Toutefois, les médecins américains ne semblent pas avoir pris le pli de prescrire les médicaments contre l'obésité, et notamment la lorcasérine, comme l'a montré, récemment, une enquête de nos confrères de Medscape.com. Sur 1883 professionnels de santé américains possiblement impliqués dans la prise en charge de l'obésité, seuls 58 % prescrivaient des médicaments anti-obésité et ce principalement en raison la crainte des effets secondaires.

Même réticence du côté de l'Europe, puisqu'actuellement, deux traitements autorisés aux Etats-Unis, la lorcasérine et la phentermine/topiramate, un dérivé d'amphétamine (Qsymia®, Vivus), n'ont pas reçu le feu vert de l'agence européenne du médicament (EMA).

En France, (est-ce l’effet Médiator ?), la réserve semble encore plus forte. Pour rappel, en 2015, l’ANSM a tenté de s’opposer, sans succès, à la délivrance d’une AMM européenne pour autre amphétaminique, le Mysimba®(Orexigene) (aux EU, Contrave®, Takeda), combinaison de naltrexone et de bupropion. Le médicament peut donc être commercialisé en France.

Ces nouvelles données vont-elles rassurer les médecins réticents ?

C’est l’avis le Dr Scott Kahan (spécialiste de l'obésité, Université Johns Hopkins, Etats-Unis) qui a précisé à Medscape Medical News qu’il s'agissait « d'un succès pour la lorcasérine qui vient s'ajouter aux données de sécurité et d'efficacité solides des études précédentes sur un ou deux ans de suivi », mais aussi, plus généralement, d’un succès pour l'ensemble des médicaments de l'obésité. « Ces données sont vitales parce qu'il y a des fausses croyances sur les risques associés à ces molécules ».

Il a notamment précisé que plusieurs autres essais de sécurité cardiovasculaire étaient en cours pour d'autres médicaments de l'obésité et qu'il était optimiste quant à leurs résultats. « Ce qui devrait augmenter les prescriptions et rassurer les patients », explique-t-il.

 

 
Ces données sont vitales parce qu'il y a des fausses croyances sur les risques associés à ces molécules  Dr Scott Kaha
 

 

Le Dr Kahan est conseillé pour Medscape Diabetes & Endocrinology, Novo Nordisk, Orexigen, et Vivus.

 

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