Orlando, Etats-Unis — L’American Diabetes Association (ADA) et l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) vont réactualiser leurs recommandations communes concernant la prise en charge de l’hyperglycémie chez les patients diabétiques de type 2. Elles insistent notamment sur l’évaluation des facteurs de risque cardiovasculaire du patient diabétique pour éventuellement envisager l’ajout de gliflozine ou d’un agoniste du GLP-1.
Une première ébauche de ce consensus d’experts a été présentée lors du congrès de l’ADA 2018[1]. Le précédent consensus ADA/EASD datait de 2015. L’intégralité du nouveau texte sera rendue publique en octobre prochain à Berlin, en Allemagne, lors de la réunion annuelle de l’EASD et publiée simultanément dans Diabetes Care et Diabetologia.
Le document vise à aider les praticiens à choisir parmi les multiples options thérapeutiques pour contrôler la glycémie dans le diabète de type 2, en intégrant les dernières données, notamment en terme de protection cardiovasculaire, de la nouvelle classe des inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2 ou gliflozines) ou des agonistes du GLP-1 (Glucagon Like Peptide 1).
Un choix limité en France
« Ce rapport n’est pas axé sur le niveau glycémique à atteindre ou sur la démarche à suivre pour définir des cibles individualisées, mais plutôt sur la manière d’atteindre un objectif glycémique en tenant compte des caractéristiques du patient et des thérapies, toujours plus nombreuses, à disposition », a souligné le Dr Judith Fradkin (NIDDK, Bethesda, Etats-Unis), co-auteure du document, lors de sa présentation.
Dans ce projet, le traitement par metformine est toujours recommandé en première intention, mais il est désormais conseillé en seconde ligne de recourir aux inhibiteurs de SGLT2 ou aux agonistes du GLP-1, selon le profil du patient et la disponibilité des traitements. Pour rappel, les gliflozines ne sont toujours pas commercialisées en France et parmi les agonistes de GLP-1, seul le liraglutide (Victoza®) est pour le moment disponible.
Interrogé par Medscape édition française, le Pr Michel Marre (Chef du service de diabétologie, endocrinologie, nutrition de l'hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris) considère que ces recommandations valorisant ces nouvelles molécules « sont tout à fait justifiées ». Selon lui, « Elles vont pouvoir bénéficier aux patients diabétiques à haut risque cardiovasculaire qui se retrouvaient pénalisés ».
Selon le consensus, l’état cardiovasculaire du patient devra faire l’objet d’un évaluation pour définir l’approche thérapeutique. Les praticiens disposeront alors d’algorithmes distincts selon les profils. La stratégie thérapeutique à mettre en place pour un diabétique atteint d’insuffisance cardiaque apparait ainsi différente de celle envisagée pour un patient ayant une maladie cardiovasculaire athéromateuse.
La place de la metformine contestée
En première intention, l’adoption de mesures hygiéno-diététiques et le traitement par metformine figurent toujours comme des fondamentaux. Les bénéfices apportés par les nouvelles molécules a toutefois conduit les experts à débattre sur l’intérêt de maintenir la metformine en traitement de première ligne.
Si la place privilégiée de la metformine commence à être sérieusement contestée, son faible coût, son profil de sécurité et le recul dans son utilisation lui permettent, pour le moment, de conserver son statut de traitement de référence. La tendance serait toutefois en faveur d’une combinaison de traitement en première ligne, qu’il reste à définir.
« On peut se demander si cette volonté de reléguer la metformine en deuxième position n’est pas essentiellement motivée par des intérêts économiques. Sa part de marché attise les convoitises », a commenté le Pr Marre. « D’autant plus qu’il n’est pas correct d’affirmer que la metformine n’a pas d’effet protecteur sur le système cardiovasculaire ».
Le diabétologue rappelle, en effet, qu’une étude prospective conduite au Royaume-Uni (UK Prospective Diabetes Study, UKPDS) a montré, à la fin des années 1990, une baisse du risque d’infarctus du myocarde et de mortalité toutes causes confondues [2]. Selon lui, il n’y a pas de raison d’écarter la metformine.
Empagliflozine ou liraglutide
Lorsque la réponse est insuffisante, le consensus recommande chez les patients avec maladie athéromateuse d’opter pour un agoniste du GLP-1 en priorité ou pour une gliflozine, en cas de contre-indication ou d’indisponibilité, en choisissant des molécules ayant montré un bénéfice cardiovasculaire. La priorité est inversée chez les patients souffrant d’une insuffisance cardiaque.
Parmi les agonistes de GLP-1, le semaglutide (Ozempic®) et le liraglutide (Victoza®) ont suscité l’enthousiasme lors de la présentation des résultats de phase 3 (SUSTAIN-6 et LEADER), la diminution du risque cardiovasculaire étant respectivement, à trois ans, de 26 % et de 13 %. L'injection sous-cutanée est hebdomadaire pour l'un et quotidienne pour l’autre.
Du côté des inhibiteurs de SGLT2, l’antidiabétique oral empagliflozine (Jardiance®) a été le premier à montrer un bénéfice en termes d’événements cardiovasculaires dans l’essai EMPA-REG OUTCOME. Il a été associé à une baisse de mortalité générale et de mortalité cardiovasculaire respectivement de 32% et 38% chez des patients à haut risque cardiovasculaire.
Cet effet protecteur sur le système cardiovasculaire, mais aussi sur la fonction rénale, s’est retrouvé avec le canagliflozine (Invokana®) dans CANVAS, mais au prix cette fois d’un risque accru d’amputation. Une large étude observationnelle vient toutefois de remettre en question ce risque, qui d’ailleurs n’a pas été observé avec les autres gliflozines.
Impliquer les patients
Les recommandations proposent de privilégier le liraglutide pour les agonistes de GLP-1 et l’empagliflozine pour les anti-SGLT2. Interrogé par l’édition internationale de Medscape, le Pr John Buse (University of North Carolina, Chapel Hill, Etats-Unis), qui supervise la rédaction du document, a précisé que les conditions d’intensification du traitement resteront soumises à l’appréciation du praticien.
« Le semaglutide devrait obtenir son autorisation de mise sur la marché d’ici un an. On peut alors s’attendre à ce qu’il soit finalement préféré au liraglutide », a précisé le Pr Marre. Le semaglutide est, en effet, moins contraignant dans son administration (une seule injection par semaine) et semble plus bénéfique encore en terme cardiovasculaire.
Pour les patients qui ne sont pas à risque cardiovasculaire, le projet propose de les impliquer davantage dans la prise de décision thérapeutique en les invitant à exprimer leurs besoins et leurs préférences. Les critères à prendre en compte peuvent être la prise de poids, le risque d’hypoglycémie, les comorbidités, l’âge ou le rapport à l’observance.
Les futures recommandations aborderont également le coût des traitements. Des alternatives à moindre coût (sulfamides hypoglycémiants, glitazones, insulines plus anciennes…) seront notamment proposées pour les patients disposant de ressources financières limitées.
Le document évoquera également des prises en charge spécifiques, par exemple en cas d’insuffisance rénale chronique ou après une chirurgie métabolique. Les modalités d’injection des agonistes de GLP-1 seront également détaillées et accompagnées d’un graphique indiquant les modifications de posologie à apporter aux autres médicaments lorsque la thérapie est initiée.
Si le projet de recommandations a globalement été bien accueilli, des critiques ont été émises en raison des liens avec l’industrie pharmaceutique de certains experts ayant travaillé sur ce consensus. Une dizaine d’entre eux ont déclaré des liens avec des laboratoires commercialisant des médicaments contre le diabète de type 2.
Le Dr Judith Fradkin n’a pas déclaré de conflits d’intérêt en lien avec le sujet.
Le Pr John Buse a déclaré des liens notamment avec Adocia, AstraZeneca, Dexcom, Elcelyx, Eli Lilly, Fractyl, Intarcia, Lexicon, Metavention, NovaTarg, Novo Nordisk, Sanofi, Shenzhen Hightide Biopharmaceutical, VTV Therapeutics, Boehringer Ingelheim et Johnson & Johnson.
Le Pr Michel Marre a déclaré avoir été conférencier ou membre d’un bureau de conférenciers pour Novo Nordisk, Sanofi-Aventis, Eli Lilly and Company, Merck & Co, Inc et Abbott.
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Citer cet article: Prise en charge du diabète de type 2 : nouvelles recommandations ADA/EASD - Medscape - 9 juil 2018.
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