Gériatrie, une spécialité sexy ?

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

20 juillet 2018

France -- Comment attirer les internes vers les postes de gériatres ? Question difficile à résoudre.  Mais les associations professionnelles s'y attèlent, en lançant, pour la deuxième année consécutive, une vaste campagne de recrutement au ton résolument vif et drôle, à l'intention des internes.

Car, s'il n'y a pas péril en la demeure, la situation des gériatres n'est pas reluisante. L'an dernier, les internes ne se sont pas rués vers la spécialité de gériatrie. Sur 200 postes, seuls 171 ont été pourvus, soit un taux de remplissage de 85% contre 94% par exemple pour la spécialité de médecine générale. Au 15 juin 2018, 280 postes de PH gériatres étaient restés vacants, soit 8,40% des postes non pourvus. Presque autant que d'urgentistes (10,6%), alors que ces derniers sont pratiquement dix fois plus nombreux dans les hôpitaux.

En libéral, les gériatres sont parmi les moins bien payés des médecins, selon les chiffres de la Carmf. Alors que les bénéfices non commerciaux (BNC) des médecins généralistes s'élèvent en moyenne à 107 749 euros tous secteurs confondus, ceux des gériatres plafonnent à 47 745 euros, soit deux fois moins...

Pourtant, les besoins sont là, avec une population française de plus en plus vieillissante.

#jesuisgeriatre

Loin de se décourager, les gériatres font la promotion de leur spécialité. L'an dernier en 2017, c'est l'Association des Jeunes Gériatres Hospitaliers (AJGH) qui avait posté une vidéo sur son site Internet, repris sur les réseaux sociaux.

Intitulé #jesuisgeriatre, ce clip avait pour vocation de combattre les stéréotypes attachés au métier de gériatre : «Des vieux, des couches, des troubles cognitifs, du social …» lisait-on sur un texte accompagnant leur vidéo. Alors que la gériatrie, pour eux en tout cas, est une «discipline jeune, vaste, avec un champ de recherche illimité [...]». Qui plus est, «les horaires de travail sont tout à fait compatibles avec une vie personnelle riche».

Cette année, l'AJGH en remet une couche (sans jeu de mot), accompagné de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG), du Collège National des Enseignants en Gériatrie (CNPG) et du magazine What's up Doc.

«L'objectif est de promouvoir notre discipline et encourager les inscriptions en DES de gériatrie», affichent-ils sur leurs sites. Car, au mois de juin et pendant tout l'été, les étudiants en médecine choisiront leur discipline à l'issue de l'examen national. «Notre discipline souffre d'une mauvaise image qui ne permet pas aux étudiants d'effectuer un choix éclairé, alors que la demande médicale dans les services gériatriques est en forte augmentation», argumente l'AJGH.

La campagne de communication lancée par ces associations et syndicats de gériatres comporte plusieurs éléments : un clip, destiné à tourner sur les réseaux sociaux, un site Internet, la liste de chaque DES par ville, une foire aux questions (FAQ), ainsi qu'une adresse mail de contact.

 
Notre discipline souffre d'une mauvaise image qui ne permet pas aux étudiants d'effectuer un choix éclairé. Association des Jeunes Gériatres Hospitaliers (AJGH)
 

Rendre la spécialité sexy

But de l'opération : chasser les idées fausses, et rendre cette spécialité sexy. Dans la vidéo de présentation de la campagne les auteurs insistent sur la modernité de la spécialité gériatrique. Ainsi, ils pointent du doigt les préjugés qui entachent l'image de la discipline gériatrique et  les détournent avec humour pour finalement exposer 8 raisons pour lesquelles la gériatrie mériterait de la considération.

Les diagnostics posés par les gériatres sont complexes, le nombre de publications en gériatrie a bondi de 150% ces dix dernières années, l'exercice de la gériatrie est collectif et multidisciplinaire, les patients âgés sont passionnants, et loin d'être tous grabataires... «La démarche diagnostique est d'autant plus difficile qu'une pathologie en entraine souvent une autre, peut masquer les symptômes de la pathologie initiale, provoquer des décompensations successives... La démarche thérapeutique nécessite quant à elle d'évaluer le rapport bénéfice-risque de chaque intervention, considérer les comorbidités, l'espérance de vie et la qualité de vie», ajoutent les associations de gériatres sur le site Internet spécialement dédié à cette campagne.

Les raisons du délaissement du DES

Le collège national des enseignants en gériatrie s'est interrogé, l'an dernier, sur les raisons qui ont fait en sorte que l'ensemble des postes en gériatrie n'ont pas été pourvus l'an dernier.

Première des raisons : le DES de gériatrie, issu de la réforme du troisième cycle des études médicales, n'a qu'un an, et manque donc de visibilité auprès des étudiants.

Aussi, il semblerait que l'ensemble des postes dans les grandes mégalopoles aient trouvé preneurs. C'est ainsi le cas des 50 postes proposés et choisis pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), des 12 postes à Lille ou des 4 postes à l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM). En revanche, à Limoges, seulement 4 postes sur 8 ont été pourvus, tout comme à Poitiers.

Se pose donc, au-delà de l'attractivité de la spécialité, la répartition territoriale retenue par les autorités. Cette année, entre 200 et 220 postes devraient être proposés, alors que le collège national des enseignants en gériatrie estime que le nombre de postes nécessaires serait de 350.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....